l’islam en politique

15-12-2011 09:07 AM

Michael Victor


Après le printemps arabe, la vague d’élections de l’automne arabe porte désormais au pouvoir les partis islamistes de la tendance des Frères musulmans labellisés en Occident « islamistes modérés ». 
Le parti Ennahda (Renaissance) a raflé 90 des 217 sièges de l’assemblée constituante en Tunisie le 23 octobre dernier. Au Maroc, le roi Mohamed VI devrait confier aujourd’hui à Abdelilah Benkirane, secrétaire général du parti de la justice et du développement (PJD) arrivé premier aux élections législatives de vendredi 25 novembre (avec 107 des 395 sièges), le soin de former un gouvernement de coalition qui sera dirigé pour la première fois par le parti islamiste.
Enfin en Égypte, nul ne doute que le processus électoral entamé lundi 28 novembre va profiter au Parti de la liberté et de la justice créé par la confrérie des Frères musulmans, même si plusieurs partis se référant aux mêmes préceptes lui font concurrence.
contradiction entre islamisme et démocratie
 « Ce sont les Américains qui ont développé le concept d’islamisme modéré après les attentats du 11 septembre en utilisant mal à propos ce terme pour distinguer les mouvements islamiques pacifiques de ceux qui recourent à la violence » , rappelle Mohamed Haddad professeur, titulaire de la Chaire Unesco des études comparatives des religions à l’université de Tunis. 
Créé en 1928, le mouvement des Frères musulmans porte en son sein cette tension entre une démarche pacifique, incarnée par son fondateur égyptien Hassan el Banna, et l’option violente, prônée par le théoricien du djihad armé Sayyid Qutb
 conformité à la charia
Ce n’est pas pour autant que les partis de la mouvance des Frères musulmans sur la rive Sud de la Méditerranée vont adopter ce modèle, même s’ils s’y réfèrent, notamment pour rassurer l’Occident désemparé face à cette vague islamique. Le chef de l’AKP, lors de sa tournée en Afrique du Nord n’a d’ailleurs pas partout été accueilli en héros.
 « Les pays musulmans sont très divers. Il ne faut pas croire qu’ils passent tous unilatéralement du noir de la dictature au vert de l’islam. Le paysage politique sera multicolore » , fait valoir Bichara Khader, directeur du Centre d’études et de recherches sur le monde arabe contemporain à l’Université catholique de Louvain. Et cette diversité existe aussi au sein des partis islamistes.
Gérer la diversité
 « Les Frères musulmans dans tous les pays sont en partie financés par le Qatar. L’un des grands prédicateurs, Tariq Ramadan, a sa chaire d’islamologie de l’université d’Oxford directement financée par la femme de l’émir du Qatar » , affirme Ahmed Benani, politologue et anthropologue des religions de l’Université de Lausanne. Les mouvances salafistes, plus radicales, sont, elles, financièrement supportées par l’Arabie saoudite, selon le chercheur.
 « Il y a une pluralité, les contextes politiques, économiques, culturels sont différents d’un pays à l’autre, il est vrai cependant que les islamistes peinent à gérer la diversité qu’elle soit externe ou interne à leurs mouvements » , reconnaît Jean-Pierre Filiu. « Maintenant qu’ils sont appelés à gouverner, à faire des alliances, ils devront faire l’apprentissage de cette diversité » , poursuit-il.
A l’épreuve des faits
Les chercheurs sont unanimes à considérer que c’est en leur sein que les débats seront les plus vifs et que ceux-ci sortiront au grand jour dans les débats parlementaires. Mais il n’y aura à leurs yeux ni interdiction du bikini sur les plages, ni obligation du port du voile, ni introduction de la charia ou retour à la polygamie. « Ils ne prendront pas le risque d’embraser les sociétés » , affirme Ahmed Benani.
 « Quelles réponses ont-ils à apporter pour résoudre les questions de chômage et de développement ? »  interroge Jean-Pierre Filiu, qui s’attend à ce que l’épreuve des faits soit « redoutable »  et que l’état de grâce de ces partis soit « non durable » .
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