L’Egypte porte le deuil des victimes de Maspero

15-12-2011 09:07 AM

Abdel Massih Felli et Michael Victor


Il faut que les Égyptiens s##unissent après l##explosion de violence du 9 octobre qui a eu lieu devant le bâtiment de la télévision d##État au Caire, Maspero, instrumentalisée pour  dresser les musulmans contre les coptes. Les affrontements entre manifestants et forces de l##ordre pendant une manifestation  pacifique  copte organisée pour exiger des explications après l##incendie criminel de l## églises d## Assouan, se sont soldés par environ 25 morts et plus de 300 blessés. Ce qui avait été conçu pour passer pour du vandalisme entre communautés religieuses et visait à saper l##unité des Égyptiens ainsi que le succès  de la révolution du 25 janvier.

Ce qui s’est passé à Maspero était un massacre et une attaque visant tous les Égyptiens.
La foi chrétienne dénonce la violence
Le pape Chénouda III, chef de l’Église copte orthodoxe, a dénoncé des “inconnus infiltrés”. Les affrontements de Maspero, en marge d’une manifestation de chrétiens coptes, sont dus à des “inconnus infiltrés”, a déclaré lundi dernier, le pape Chénouda III :”La foi chrétienne dénonce la violence. Des inconnus se sont infiltrés dans la manifestation et ont commis les crimes que l’on impute aux Coptes”, a affirmé le pape dans une déclaration publiée après une rencontre avec  les  responsables de son église.
“Les Coptes ont souffert à maintes reprises de problèmes sans que les agresseurs soient poursuivis”, a-t-il ajouté en appelant les autorités à “traiter les racines de ces problèmes”. Le patriarche a également invité les Coptes à un jeûne de trois jours “pour ramener la paix en Égypte”.
 Les coptes sont profondément égyptiens autant sinon plus qu’ils ne sont chrétiens, il est impossible d’arracher l’Égypte de leur être, il est donc à prévoir qu’ils accepteront de mourir pour leur foi et pour leur pays.
Crainte de violences communautaires 
Les violences entre Coptes et forces de l’ordre rendent encore plus délicate la transition depuis la chute de Moubarak. 
REAGIR
Les affrontements entre Coptes (chrétiens d’Egypte) et forces de l’ordre qui ont fait plusieurs morts dimanche 9 octobre au Caire ont relancé les craintes d’aggravation des tensions dans un pays qui connaît une transition délicate depuis la chute du président Moubarak.
L’armée, aux commandes du pays depuis février, a demandé au gouvernement de “former rapidement une commission d’enquête” pour déterminer les responsabilités des événements survenus dimanche soir et qui se sont prolongés dans la nuit.
A l’issue d’une réunion de crise, le Conseil suprême des forces armées (CSFA) a dénoncé “les efforts de certains pour détruire les piliers de l’Etat et semer le chaos”. 
 Des corps très “malmenés”
Des milliers de personnes ont assisté lundi soir dans la cathédrale copte du Caire aux funérailles de 17 manifestants tués la veille.
L’un des médecins légistes ayant procédé à l’autopsie, Magued Louis al-Nimr, a affirmé que sur les 17 corps, dix avaient été écrasés par des véhicules, en ajoutant que même en 1997, après l’attentat de Louxor, il n’avait pas vu des corps aussi malmenés.
Des témoins ont indiqué avoir vu des véhicules de transport de troupes foncer sur les manifestants qui étaient rassemblés devant le siège de la télévision publique, dans le centre de la capitale.
Un journaliste de l’AFP a vu les dépouilles de 17 manifestants tués à l’Hôpital copte du Caire, tandis que la télévision d’Etat a indiqué que trois soldats avaient été tués.
L’un des manifestants décédés vus par le journaliste avait le visage écrasé au point d’être méconnaissable. Le chaos régnait dans l’hôpital copte où les familles hurlaient leur colère.
Un véhicule de l’armée a roulé sur cinq manifestants. De la matière blanche se trouvait dans un sac en plastique. Des blessures par balles étaient visibles sur certaines des dépouilles.
Réactions officielles
 Ahmed al-Tayyeb, grand imam d’al-Azhar, plus haute institution de l’islam sunnite, a appelé de son côté musulmans et chrétiens au dialogue “afin de tenter de contenir la crise”.
D’autre part, le maréchal Hussein Tantaoui, chef du Conseil suprême des forces armées, a rejeté la démission présentée par le vice-premier ministre, après les affrontements meurtriers de dimanche, qui ont provoqué de vives critiques contre l’armée et le gouvernement. Hazem Beblawi, vice premier-ministre et ministre des Finances, a expliqué avoir”démissionné suite aux évènements de Maspero”, qui ont “ébranlé la sécurité de la société”. “Il n’y a peut-être pas de responsabilité directe du gouvernement dans cela, mais la responsabilité est la sienne au final”, a-t-il ajouté. “La situation actuelle est extrêmement difficile et nécessite une vision et un travail nouveaux et différents”, a-t-il conclu. 
Réactions mondiales
L’ONU, les Etats-Unis et l’Union européenne ont manifesté leur inquiétude au lendemain des affrontements entre chrétiens coptes et forces de l’ordre qui ont fait 25 morts et 334 blessés au Caire. Au moins quarante personnes ont été arrêtées dans la nuit après ces heurts, les plus meurtriers depuis la révolte qui a renversé le président Moubarak en février.
La Maison Blanche a indiqué que le président Obama était “profondément inquiet” de ces violences et a appelé toutes les parties à la “retenue”.”Les droits des minorités, y compris des coptes, doivent être respectés”, a déclaré le porte-parole d’Obama, Jay Carney, en exprimant la solidarité des Etats-Unis au pays en ce moment difficile. L’heure est venue pour toutes les parties de faire preuve de retenue, pour que les Egyptiens puissent progresser dans l’élaboration d’une Egypte forte et unie, a ajouté Carney. Au moment où les Egyptiens définissent leur avenir, les Etats-Unis continuent à penser que les droits des minorités, dont les Coptes, doivent être respectés, et que tous les gens ont le droit de manifester pacifiquement et de pratiquer librement leur religion, a poursuivi le porte-parole. Ces événements tragiques ne doivent pas empêcher la tenue d’élections en temps et en heure et la poursuite d’une transition vers la démocratie qui soit pacifique, juste et partagée, a espéré Carney. “Le temps de la modération de toutes les parties est maintenant venu pour permettre aux Egyptiens d’avancer ensemble afin de forger une Egypte forte et unie”, selon le communiqué.
Enquête 
De sa part, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, s’est par ailleurs dit “profondément attristé”, tandis que la chef de la diplomatie de l’Union européenne, Catherine Ashton, rappelait que la liberté religieuse “est absolument fondamentale”. Le ministre des Affaires étrangères italien, Franco Frattini, a souhaité quant à lui “une condamnation unanime” de l’UE. 
La France “condamne les violents affrontement qui ont fait de nombreuses victimes, en particulier dans la communauté copte”, a déclaré le ministère des Affaires étrangères, Alain Juppé. Elle “appelle à l’apaisement et se félicite des déclarations des autorités politiques et religieuses qui prônent le dialogue et la préservation de l’unité nationale”, a ajouté le porte-parole du ministère, Bernard Valero. “La liberté de culte, comme celle de manifester pacifiquement, font partie des libertés fondamentales que la transition démocratique, dans laquelle le peuple égyptien s’est résolument engagé, doit permettre de consolider, avec le plein soutien de la communauté internationale”, a-t-il conclu. De sa part, le ministre des Affaires étrangères du Canada, John Baird, a condamné la violence qui a resurgi en Égypte. Baird a soutenu que l’extrémisme religieux n’avait pas sa place dans la société moderne et la nouvelle Égypte. Au nom du gouvernement canadien, il a demandé avec instance à toutes les parties concernées de collaborer à l’édification d’une société où les communautés religieuses peuvent vivre et prospérer ensemble, et bâtir une nouvelle Égypte.
Violence insensée 
S’exprimant à l’occasion de l’audience générale sur la place Saint-Pierre, le pape s’est dit “profondément attristé” par ces violences. Alors que la communauté copte pleure ses morts après des affrontements avec les forces de l’armée, le pape Benoît XVI a appelé les Egyptiens à “sauvegarder la coexistence pacifique” entre les communautés et soutenu “les efforts des autorités civiles et religieuses” pour la préserver. S’exprimant à l’occasion de l’audience générale sur la place Saint-Pierre, le pape s’est dit “profondément attristé” par ces violences, qui ont fait dimanche 25 morts. “Je m’unis à la douleur des familles des victimes et du peuple égyptien dans son ensemble, divisé par les tentatives pour saboter la coexistence pacifique entre ses communautés”. “Il est essentiel au contraire de la sauvegarder, surtout en cette phase de transition”, a-t-il dit.
Polémique sur la responsabilité 
Le parquet militaire a indiqué que 28 personnes avaient été placées en détention provisoire pour 15 jours en attendant les résultats d’une enquête. Au-delà de la polémique sur la responsabilité initiale des affrontements, l’armée, jusqu’à récemment saluée pour sa retenue lors des manifestations, ainsi que le gouvernement, doivent faire face à de vives critiques pour la brutalité de la répression de la manifestation. Amnesty International a estimé que l’armée “doit d’urgence expliquer comment une manifestation contre la discrimination religieuse s’est transformée en bain de sang”. “On ne peut que se demander quel genre d’ordre a été donné pour mener des véhicules militaires à écraser des manifestants dans la rue. Si la police militaire et les autres forces de sécurité n’agissaient pas sur ordre, cela pose des questions sur leur capacité à maintenir la sécurité dans les manifestations”, poursuit l’ONG.
La Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) a de son côté condamné “l’usage excessif de la force par l’armée contre des manifestants principalement pacifiques”. Ces troubles sont survenus à quelques semaines du début des premières élections législatives. Au-delà du scrutin, ces événements ont relancé les appels à un transfert rapide du pouvoir aux civils, prévu à l’issue d’une élection présidentielle attendue en 2012 mais dont la date n’a pas été fixée. 
Soucis coptes sans solutions 
“Les dirigeants doivent prendre des mesures sérieuses pour traiter les problèmes à la racine; autrement, cette situation peut mener à la guerre civile”, estimait lundi dernier Fouad Allam, qui a dirigé les services de sécurité égyptiens pendant vingt ans, demandant une révision de lois religieuses discriminatoires. L’Egypte connaît depuis plusieurs mois une montée des tensions confessionnelles. Plusieurs forces et partis politiques aussi bien que les manifestants ont souligné que “Nous vivons un moment qui divise l’Egypte”. La blogueuse égyptienne Shahinaz Abdel Salam, que l’Express.fr a rencontrée à Paris à l’occasion de la sortie de son livre Egypte, les débuts de la liberté. “La télé égyptienne a presque appelé à protéger l’armée attaquée par les coptes, c’était n’importe quoi. Qui a donné l’ordre de faire cela, et de tirer sur les manifestants?” s’interroge-t-elle.
Un problème clé pour les Coptes concerne les restrictions sur la construction et la rénovation d’églises. Le nouveau pouvoir militaire a promis de les abroger, et de nombreux Coptes avaient de ce fait espéré l’instauration d’une législation claire en la matière, afin de supprimer une pomme de discorde à l’origine d’émeutes ces dernières années. Mais la promesse n’a jusqu’à présent pas été tenue et les salafistes (musulmans ultraconservateurs) ont durci leur discours contre les Coptes, les accusant notamment de vouloir faire du prosélytisme avec de nouvelles églises.
Selon la législation actuelle, les travaux de construction ou de réparation d’églises doivent obtenir le feu vert des autorités locales et de l’agence de sécurité d’Etat, disposition qui ne s’applique pas aux mosquées. Ces restrictions sont censées éviter des explosions de violence de la part d’extrémistes musulmans contre les Coptes. En pratique, les autorisations sont rarement accordées, et les Coptes choisissent parfois de construire des églises en secret, souvent dans des bâtiments paroissiaux.
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