L’Egypte,une nation en danger

15-12-2011 09:07 AM

Abdel Massih Felli


A la suite  de fortes revendications coptes sur l’appel de la communauté internationale d’intervenir et de protéger les coptes, après les violences confessionnelles dans le quartier d’Imbaba et l’attaque de deux églises, ayant fait 15 morts et 240 blessés, le Premier ministre, Dr Essam Charaf a déclaré mercredi soir que le conseil des ministres est en train de préparer un décret ministériel portant sur la loi unifiée concernant la construction des lieux de culte et l’interdiction des manifestations communes devant les maisons de culte. Ce décret sera achevé dans les trente jours à venir. Le gouvernement a promis de recourir à tout l’arsenal législatif disponible pour éviter de nouveaux affrontements. Le ministre de la Justice avait affirmé que les lois criminalisant les attaques contre les lieux de culte et prévoyant jusqu’à la peine de mort seraient appliquées immédiatement.  Dans ce contexte, le Front de Libération Nationale, en cours de création, a appelé les forces de la révolution égyptienne et les comités populaires à participer à une marche millionnaire sous la devise “l’unité nationale et la sécurité du citoyen”. Les militants égyptiens pro-démocratie ont appelé mercredi à des manifestations de masse à travers le pays vendredi pour l’unité nationale, après des violences meurtrières entre chrétiens et musulmans. Les militants ont appelé Coptes et musulmans à se rassembler pour dénoncer les divisions confessionnelles. Les appels à manifester à travers le pays et sur l’emblématique place Tahrir, le coeur de la contestation populaire qui a renversé l’ex-président Hosni Moubarak le 11 février, se sont multipliés sur les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter.
 Condamnation mondiale     Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, s’est dit préoccupé mercredi par les récents heurts entre les communautés coptes et musulmanes égyptiennes qui ont fait 15 morts au Caire, dans le quartier d’Imbaba, lors d’une conférence de presse à Genève. Le chef de l’ONU s’est dit toutefois confiant dans les capacités des autorités égyptiennes à éviter une escalade des affrontements interconfessionnels. 
De sa part, le chef de la diplomatie de l’UE, Catherine Ashton, a condamné “sans réserve” les violences interconfessionnelles en Egypte et plaidé pour la liberté de religion. La Haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères a par ailleurs félicité les autorités égyptiennes de leurs “mesures rapides” pour “rétablir l’ordre”. Elle a souhaité que les instigateurs des violences soient traduits en justice et punis.   Dans ce contexte, les Etats-Unis ont fermement condamné les violences confessionnelles au Caire, appelant à la retenue et exhortant les autorités égyptiennes à ouvrir une enquête complète et transparente. Les Etats-Unis condamnent fermement les heurts entre musulmans et chrétiens coptes, a déclaré Mark Toner, le porte-parole du département d’Etat. De violents affrontements ont opposé samedi 7 mai musulmans et chrétiens dans le quartier populaire d’Imbaba. Les principaux heurts se sont produits autour d’une église, attaquée par des musulmans estimant qu’une chrétienne voulant se convertir à l’islam y était enfermée. “Nous prenons acte de l’engagement du Conseil suprême des forces armées, qui dirige le pays depuis la chute du président Hosni Moubarak en février, de veiller à ce que justice soit rendue et d’empêcher toutes provocations religieuses”, a déclaré Mark Toner. Il a aussi indiqué que les Etats-Unis pressaient la mise en oeuvre de cet engagement, avec des enquêtes complètes et transparentes suivies de procès justes en accord avec les standards internationaux en la matière.  
 Inquiétudes sur le rôle croissant des salafistes
La communauté chrétienne d’Egypte a été la cible d’une nouvelle attaque des islamistes. A noter que durant la nuit du Nouvel An dernier, un attentat contre l’église des Saints, à Alexandrie, avait fait 21 victimes. Quelques semaines plus tard, des islamistes ont detruit l’église de Soul à Guizeh. Mais très vite, début mars, au Caire, les coptes ont été dans les rues du quartier de Moqattam pour protester contre l’incendie d’une église. 13 personnes sont tuées lors des affrontements avec les musulmans. En Haute et Moyenne-Égypte, autrefois fief des Coptes, une sorte de haine viscérale anime les islamistes contre les chrétiens. Ils sont plus riches, et ce sont des mécréants “koufar”. On peut donc les voler, incendier leurs maisons ou les tuer, surtout s’il s’agit de venger l’honneur d’une musulmane qui a succombé au charme d’un chrétien. C’est aussi l’explication des attaques contre les églises, dont celle de Naga Hamadi, le 6 janvier 2010.  Tout a commencé lorsque des milliers des salafistes ont convergé vers l’église Saint-Mina à Imbaba, un faubourg du Caire. Ils exigeaient qu’on leur remette une femme copte, convertie selon eux à l’islam, mais qui, accusaient-ils, était retenue contre son gré dans l’édifice religieux. Un peu plus loin, une autre église, dédiée à la Vierge Marie, était saccagée. Une banale histoire de mésentente familiale aurait servi de prétexte à cette nouvelle journée de violence contre les chrétiens égyptiens. En fait, il s’agit de deux histoires. Wafa Constantine, épouse d’un prêtre copte, aurait quitté il y a sept ans le domicile conjugal. Il y a un an, une autre épouse de religieux copte, Camilia Chehata, aurait également fait ses valises. Les musulmans affirment que les deux chrétiennes se seraient librement converties à l’islam. Les coptes répliquent qu’elles y auraient été contraintes après avoir été enlevées, une pratique qu’ils n’ont que trop souvent subie. Et ils les auraient délivrées.   Maintenant, les salafistes accusent les coptes de maintenir cloîtrées les deux femmes et exigent qu’elles puissent réintégrer leur nouvelle communauté religieuse. Bien que Camilia Chehata a declaré qu’elle est chrétienne et ne s’est jamais convertie à l’islam sur la chaine d’Al-Hayat, il y quelques jours. Si deux églises ont été prises pour cibles par des musulmans, celle de Saint-Mina a été la plus touchée.  Le père Hermina estime que tous les Coptes décédés ont été les victimes de “voyous” et de “salafistes”. L’intensité des affrontements a nécessité les tirs de militaires pour séparer les deux camps. De nombreuses fractures et blessures par balles sont à déplorer chez la centaine de blessés.  Les salafistes sont accusés d’alimenter les tensions confessionnelles entre chrétiens et musulmans en Egypte, depuis la chute le 11 février du régime de Moubarak. Les groupes salafistes, qui étaient en majorité apolitiques avant la démission de Moubarak sous la pression de la rue, ont commencé depuis à former des partis politiques. Le gouvernement de Hosni Moubarak voyait en eux un compétiteur à Al-Azhar, la plus haute institution de l’islam sunnite dont les enseignements théologiques sont désapprouvés par les salafistes. Mais les services de sécurité étaient accusés de tolérer ces fondamentalistes car la plupart de leurs dirigeants prônaient un islam apolitique, à l’opposé des Frères musulmans, mouvement d’opposition le mieux organisé, interdit sous Moubarak.  Cet incident est le dernier d’une longue série qui inquiète l’Eglise copte au point qu’elle veuille organiser un synode sur le rôle croissant des salafistes.  Ils sont par ailleurs accusés d’avoir pris la tête d’un mouvement de contestation le mois dernier contre la nomination en Haute-Egypte d’un gouverneur chrétien lié au régime de Moubarak, et la semaine dernière, ils manifestaient contre l’élimination par un commando américain du chef d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden. Beaucoup de musulmans craignent également la montée des fondamentalistes alors que les groupes laïcs essaient de former des partis en vue des législatives de septembre 2011.  
La peur d’une guerre civile
Alors que beaucoup redoutent une guerre civile, le secrétaire général de la Ligue Arabe, Amr Moussa, lance un appelle au dialogue: “C’est une situation très critique qui peut faire exploser l’Égypte. Je demande au Haut conseil militaire et au gouvernement égyptien d’organiser une conférence qui rassemblerait à la fois des scientifiques, des intellectuels égyptiens et tous ceux qui comprennent ce qui se passe actuellement et qui peuvent sortir l’Égypte de cette situation critique “.  Des milliers de chrétiens coptes poursuivaient mardi leur sit-in devant le siège de la télévision d’Etat au Caire à Maspero . La communauté chrétienne proteste contre le “laxisme” de l’armée, dépositaire du pouvoir depuis la chute du président Moubarak en février dernier.  Le ministère de l’Intérieur dit avoir arrêté le cerveau de l’attaque de l’église d’Imbaba avec quatre de ses complices. Au total, les forces de l’ordre auraient procédé à 205 arrestations. Ces suspects seront déférés devant des tribunaux militaires, a-t-on appris de source officielle. Parmi les personnes interpellées lundi, figure Yassin Thabet, 31 ans, qui a affirmé que sa femme était retenue contre son gré dans l’église. Les autorités ont également arrêté le propriétaire d’un café voisin de l’édifice religieux. D’après des témoins, les premiers tirs sont partis de l’établissement.   Vide sécuritaire  L’Egypte connaît un vide sécuritaire depuis la chute du président Moubarak, et la police, discréditée, reste en dehors des conflits intercommunautaires. Les groupes salafistes radicaux se faisaient rarement entendre à l’époque de Moubarak, mais maintenant ils sont en mesure de monter des manifestations agressives contre ce qui est perçu par eux comme des menaces à l’islam. Ceci a abouti à la détérioration des relations entre différentes communautés religieuses. Les autorités militaires ont bien promis des mesures plus sévères contre quiconque s’attaquerait à un lieu de culte. Mais de telles promesses ont déjà été formulées par le passé, avec peu d’effet.  Une large foule, à l’instigation de dirigeants religieux salafistes locaux, a convergé dans le secteur. Des groupes ont lancé des bombes incendiaires sur des maisons, des magasins et l’église Saint-Mina, mettant le feu à la façade de l’édifice religieux. La foule a ensuite attaqué l’église de la Vierge Marie située à proximité, l’incendiant également. Plusieurs dirigeants religieux ont condamné ces violences, tirant la sonnette d’alarme devant l’escalade des tensions durant la période de transition. Le grand mufti Ali Gomaa a estimé que ces heurts “mettaient en danger la sécurité de l’Egypte”. Le grand imam d’Al-Azhar, Ahmed al-Tayeb, a lui aussi condamné ces violences, qui “ne profitent à aucune partie” 
Défendre la sécurité nationale
Le gouvernement égyptien a assuré qu’il défendrait la sécurité nationale d’une “main de fer” et qu’il prendrait des mesures contre les attaques de lieux de cultes, au lendemain d’affrontements meurtriers entre musulmans et chrétiens. Le ministre de la Justice a imputé ces violences à une “contre-révolution” -que le gouvernement a affirmé à plusieurs reprises être orchestrée par des fidèles au régime du président Moubarak chassé du pouvoir le 11 février par une révolte populaire- semant le désordre dans le pays. “Le peuple égyptien, la noble police et la grande armée sont debout ensemble aujourd’hui pour faire échec à la contre-révolution”, a-t-il indiqué.  L’abbé Rafic Greiche, porte-parole de l’Épiscopat égyptien a demandé à la communauté internationale de veiller à ce que l’Egypte ne sombre pas dans un scénario dans lequel le pays serait gouverné par des fondamentalistes musulmans. L’homme d’Eglise a ainsi qualifié de “positif” le travail du Haut Conseil des Forces armées qui devra condamner les coupables des mouvements violents anti-chrétiens. L’armée a été déployée dans de nombreuses villes égyptiennes. De nouvelles peines ont été déclarées à l’encontre de ceux qui pousseraient à agir contre les chrétiens et plus largement à la haine religieuse. Le porte-parole des catholiques, qui représente également sept autres communautés chrétiennes a fait remarquer que le gouvernement militaire n’est pas en position de force face aux extrémistes musulmans; notamment vis-à-vis des salafistes qui sont liés à Al Qaïda.  La loi sur l’état d’urgence donne notamment des pouvoirs élargis à la police en matière d’arrestation et de détention, et permet le renvoi devant des tribunaux d’exception. La révision de la Constitution égyptienne adoptée par référendum le 19 mars permet d’en limiter l’application à une période de six mois, et soumet son renouvellement à référendum. Les lois sanctionnant les attaques contre l’unité nationale prévoient des sanctions sévères et peuvent conduire à la peine de mort. L’armée a côté exhorté toutes les communautés en Égypte, les jeunes de la révolution et les théologiens musulmans et chrétiens, à s’opposer fermement aux tentatives de groupes obscurantistes de torpiller l’unité nationale.  
(Visited 47 times, 1 visits today)

commentaires

commentaires