Les islamistes en tête au premier round

15-12-2011 09:07 AM

Abdel Massih Felli


La deuxième phase des élections législatives, dans 9 gouvernorats, débutera le 14 et 15 décembre en cours et son deuxième tour sera le 20 et 21 décembre. Les Frères musulmans ont affirmé mercredi dernier avoir consolidé leur avance au deuxième tour des législatives égyptiennes, creusant l’écart avec les fondamentalistes salafistes.
Listes des partis
Le parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), issu de la confrérie islamiste des Frères musulmans, pourrait avoir près de la moitié des 168 sièges en lice pour cette première phase de l’élection, qui se déroulait dans un tiers des gouvernorats. Le PLJ a revendiqué 36 des 54 sièges attribués au scrutin uninominal. Son score de 36.6% des voix au premier tour lui permet également de réclamer une quarantaine de sièges attribués à la proportionnelle par scrutin de listes, selon des indications provisoires. Les résultats officiels complets de cette première phase du vote dans neuf gouvernorats sur 27, dont les deux plus grandes villes d’Egypte, Le Caire et Alexandrie, ont été communiqués. L’ensemble des formations islamistes, comprenant également les fondamentalistes salafistes, le parti Al-Nour (24.4%), a obtenu officiellement 65% des voix au premier tour, écrasant les formations libérales et laïques. Les islamistes remportent une victoire écrasante. Le guide de la confrérie, Mohamed Badei, a cherché à rassurer sur l’ampleur de cette victoire, affirmant que son mouvement “ne voulait pas le monopole du pouvoir” mais privilégiait la “participation”. Le futur Parlement devra former une commission pour rédiger une nouvelle constitution, une étape décisive de la transition politique de ce pays parmi les pionniers du Printemps arabe.
FM contre Salafistes
Mais une rude bataille se profile au sein du camp islamiste pour ce deuxième round organisé dans un tiers des gouvernorats, avec un duel attendu entre la confrérie des Frères musulmans et les salafistes du parti Al-Nour pour une partie des sièges attribués au scrutin uninominal. La 1ère phase a été marquée par la chute d’Abdel Monem Chahat, porte parole des salafistes, et la victoire de certaines voix libérales y compris Mohamed Abdel Hamid (parti des Egyptiens Libéraux), Al-Badry Farghaly (parti du Rassemblement), Moustapha Al-Najjar (parti de la Justice). L’ensemble des libéraux atteignent 29.3%, mais, répartis sur six listes, ils ne présentent pas une force homogène, et une grande partie des duels du second tour se jouait entre candidats islamistes.
Scrutin uninominal
En ce qui concerne le scrutin uninominal le Parti de la liberté et de la justice, sur les 56 sièges au total, a remporté 36 sièges avec une pourcentage de 64.24%. Ensuite, le Parti de Lumière “Al-Nour” (salafistes) a remporté 5 sièges à Alexandrie, Assiout et à Kafr El-Cheikh (8.92%). Le Bloc égyptien a remporté un seul siège dans la circonscription de Kasr El-Nil (au Caire) avec une pourcentage de 1.78%. Le parti du Wafd a remporté un siège à Kafr El-Cheikh. Al-Adl (Justice) a remporté un siège au Caire. Al-Tagamoue’ (Rassemblement) a remporté un siège à Port-Saïd. Al-Hurriya (Liberté) a remporté un siège à Louxor. Le parti de l’Egypte Nationaliste a remporté un siège à Kafr El-Cheikh. Enfin, les indépendants ont remporté 9 sièges (16.07%). La commission électorale, qui avait annoncé un taux de participation “historique” de 62% au premier tour, a ramené lundi dernier ce chiffre à 52%, en invoquant des raisons techniques. Après les neuf gouvernorats qui ont déjà voté pour leurs députés, les autres régions se rendront aux urnes à partir de la semaine prochaine jusqu’au 11 janvier. Le processus se poursuivra jusqu’en mars avec l’élection de la Choura.
 Montée des salafistes 
Le succès des salafistes témoigne de la montée en puissance des pays du Golfe. Ceux-ci financent généreusement les salafistes, notamment par des fonds privés, tout comme les Frères musulmans d’ailleurs. Dans le cadre de la recomposition politique en cours au Maghreb et au Proche-Orient, les pays du Golfe marquent des points, au détriment de l’Iran, d’autant que l’Europe et les Etats-Unis, fort occupés par leurs difficultés économiques, n’ont pas beaucoup de moyens à consacrer à leur coopération avec cette région. Les salafistes ont joué sur le sentiment populaire. Ils sont extrêmement présents sur le terrain, nourrissent les pauvres et tiennent beaucoup de mosquées. Ils ne croient pas que l’Égypte ait besoin d’une démocratie à l’occidentale. Ils croient que la «loi de Dieu» prime sur tout le reste. Toute la question est désormais de savoir où vont se positionner les Frères. Vont-ils faire alliance avec les salafistes, en tant que mouvement islamique? Le souci est que l’idéologie salafiste prônée en Arabie saoudite considère que les Frères musulmans sont sortis de l’islam. C’est maintenant que l’on va pouvoir mesurer leur véritable capacité de réforme dans leur processus de démocratisation.
Prudence copte
Ce bon score des salafistes qui ont démontré leurs violences vis-à-vis des coptes depuis le début de l’année ne prédit rien de bon pour ces derniers ni pour tous ceux qui se sont battus pour la démocratie. Rappelons que les Coptes d’Egypte constituent la communauté chrétienne la plus nombreuse du Moyen-Orient. Des groupes islamistes, y compris les salafistes souhaitent imposer la loi islamique aux chrétiens égyptiens. C’est ainsi que se développe une forte islamisation du pays, soutenue par des mouvements islamiques parallèles dans la région et même au niveau mondial. De manière paradoxale, c’est à la suite de la révolution de janvier-février 2011 que surgissent sur la scène égyptienne les musulmans salafistes dont l’objectif est de revenir et d’établir un islam pur, qui ne tolère aucune autre religion. Le dirigeant salafiste Abdel Monem Chahat a assuré que les romans de l’écrivain égyptien et prix Nobel de littérature Naguib Mahfouz “encourageaient le vice car ils portent sur la prostitution et la drogue”. Une autre personnalité de ce courant, Hazem Abou Ismaïl, a estimé qu’il fallait “créer un climat pour faciliter” le port du voile, et dit que s’il était élu président, il “ne permettrait pas à un homme et à une femme de s’asseoir ensemble dans un lieu public”.
Pourtant les coptes sont des citoyens “modèles”, non violents. Ils participent au développement et à la croissance du pays, qu’ils soient paysans, ingénieurs, médecins ou hommes d’affaire. Les coptes aiment leur pays, l’Egypte. Ceux qui y restent, comme beaucoup de musulmans modérés, souhaitent la démocratie, la liberté pour l’Egypte à venir. Ils souhaitent surtout que leur citoyenneté soit reconnue et respectée, ainsi que tous leurs autres droits, y compris religieux.
Respecter la modernité et la démocratie.
Une des figures de proue du camp libéral, Mohamed El-Baradei, a pris acte sur un ton amer de la défaite de cette mouvance, pourtant en pointe lors de la révolte contre le régime Moubarak du début de l’année. “Laissez (les islamistes) gouverner et qu’ils aient leurs chances, les gens découvriront que les slogans ne suffisent pas”, a-t-il affirmé. M. El-Baradei estime que les jeunes Egyptiens, moteur du soulèvement du début d’année, “sont complètement désabusés car rien n’a changé”.
De sa part, l’ex-secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa, qui affiche lui aussi ses ambitions pour la présidence en Egypte, a invité les islamistes du monde arabe à respecter les principes de la modernité et de la démocratie. 
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