Dubai entre le Hamas et le Mossad

15-12-2011 09:05 AM

Abdel Massih Felli


Pour la presse israélienne, il ne fait aucun doute que les services secrets de l’Etat hébreu sont à l’origine de l’opération parfaite qui a permis d’assassiner Mahmoud Al Mabhouh à Dubai. Mais elle s’inquiète également des conséquences diplomatiques. C’est un impressionnant film d’espionnage qu’a présenté et diffusé au public la police de Dubai, grâce aux caméras de surveillance de l’aéroport, de la rue, de plusieurs hôtels et centres commerciaux, grâce aux écoutes téléphoniques et aux enregistrements électroniques, les enquêteurs montrent les allées et venues, les contacts et l’organisation par un groupe de 11 personnes de l’assassinat de Mahmoud Al Mabhouh. Ce cadre du Hamas en exil a été assassiné le 19 janvier dans sa chambre n°230 de l’hôtel Bustan Al Rotana à Dubai. Ancien fondateur des brigades Ezzedine Al Qassam, responsable personnellement de l’enlèvement et de l’assassinat de deux soldats israéliens, il était surtout, selon Israël, le chef du trafic d’armes vers Gaza, et en particulier celui venant de l’Iran.   Dès le début de l’enquête, les yeux se sont tournés vers le Mossad, les services secrets israéliens. Ils auraient les moyens, les méthodes et le mobile pour une telle liquidation. Mais après de nombreuses rumeurs, la police de Dubai a été bien au-delà d’une enquête de formalité. La police a donc diffusé les photos et surtout un incroyable document de  27 minutes  reprenant les principales images vidéos où tout un chacun peut voir  les moindres détails d’une organisation sophistiquée : 11 personnes, 10 hommes et une femme, ont préparé et perpétré l’élimination dans un calme et un professionnalisme absolu sous l’œil des caméras de surveillance.   Et l’on voit tout ou presque: une équipe de surveillance attend tout d’abord la cible à son arrivée à  l’aéroport de Dubai. Il est ensuite suivi à la réception de son hôtel, puis dans l’ascenseur, par deux  joueurs de tennis. Un homme note alors le numéro de sa voiture et prévient les autres. Un  autre agent sort de son hôtel avec une perruque tandis que des équipes de surveillance, toujours par deux, se relaient dans l’établissement. On amène à ce moment du matériel dans une chambre voisine puis le coordinateur, “Peter” réserve une chambre en face de la victime.  Le Mossad sur la sellette Les médias israéliens, mais aussi d’anciens hauts responsables du Mossad, s’inquiètent de l’embarras que le meurtre de Mahmoud al-Mabhouh, le 20 janvier, risque de causer après qu’il s’est avéré que sept membres présumés du commando de tueurs se sont servis de noms d’emprunts d’Israéliens détenteurs de nationalité étrangère. Le quotidien Haaretz réclame la démission du chef du Mossad Méir Dagan, réputé partisan de l’action directe et des “opérations de liquidation”. Le correspondant militaire du journal reproche au Premier ministre Benjamin Netanyahu de “n’avoir pas écouté les avertissements de ceux qui le mettaient en garde contre la prolongation de son mandat” alors que Méir Dagan est en poste depuis octobre 2002. “Une opération réussie? Pas si sûr”, titre le quotidien à grand tirage Yediot Aharonot, selon lequel “des failles sont révélées de plus en plus dans cette opération qui apparaissait au début comme un grand succès”. Mabhouh, considéré par Israël comme un important pourvoyeur d’armes du Hamas et impliqué dans le meurtre de deux soldats israéliens, a en effet été éliminé et le commando est parvenu à prendre la fuite. S’abstenant d’incriminer directement le Mossad, le journal relève toutefois que “ceux qui ont monté cette opération n’ont pas pris en considération le professionalisme de la police de Dubai” qui a pu identifier des suspects en examinant les images de caméras de surveillance. “Grave embarras”, titre le quotidien Maariv. “Nous ne savons pas qui a fait cette opération, mais nul doute que si cela avait concerné la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis, quelqu’un aurait réclamé des comptes devant les parlements de ces deux pays”, écrit le quotidien. Pour sa part, un ancien haut responsable du Mossad, cité par la radio militaire, a estimé que le Mossad pourrait avoir commis une “grave erreur” s’il s’avère qu’il s’est servi de passeports d’Israéliens, surtout sans leur consentement. Un ancien chef adjoint du Mossad, Rafi Eytan, a émis en revanche l’hypothèse qu’un “service de renseignement étranger” aurait pu “vouloir incriminer Israël en usant des identités volées”. La presse publiait mercredi les photos de six Israélo-Britanniques et d’un Israélo-Allemand qui se sont plaints que leurs identités avaient été usurpées. “Je suis en état de choc. Je vais consulter le consulat britannique pour savoir ce qui se passe. C’est mon passeport, mais je n’ai pas quitté Israël”, a affirmé à la radio l’un deux, Paul Kelly. Un autre, Stephen Daniel Hodes, a confié à la radio publique qu’il “craignait pour sa vie s’il se rendait à l’étranger” et qu’il “allait engager un avocat pour poursuivre en justice” ceux qui ont usurpé son passeport, quels qu’ils soient. Le député Israël Hasson du parti Kadima (opposition centriste), ancien responsable du service de sécurité intérieur (Shin Beth), a lui annoncé qu’il demanderait à la commission des affaires étrangères et de la défense, dont il est membre, “d’enquêter sur les usurpations d’identité” dans cette affaire. Des commandos israéliens ont souvent utilisé par le passé de faux passeports étrangers, notamment en 1997 lorsque des agents du Mossad avaient tenté en vain d’assassiner Khaled Mechaal, un dirigeant du Hamas en Jordanie, où ils étaient entrés avec des passeports canadiens. La police de Dubai a annoncé mardi que deux suspects palestiniens, qui auraient aidé le commando, avaient été arrêtés et étaient interrogés.  legende  Photos des sept Israéliens qui se sont plaints que leurs identités avaient été usurpées.

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