La rencontre d’Assise et le dialogue interreligieux

15-12-2011 09:07 AM


 


Réunis toute la journée du jeudi 27 octobre à Assise à l’invitation de Benoît XVI, près de 300 représentants de toutes les religions,  sagesses et traditions, ont renouvelé leur engagement pour la paix et le dialogue.
Le pape Benoît XVI n’est pas un habitué des cris du cœur. Pourtant, jeudi 27 octobre en fin d’après-midi, devant la basilique Saint-François, à Assise, c’est par un tel cri, audible par tous qu’il a décidé de clore le « pèlerinage de la vérité, pèlerinage de la paix » voulu par lui, vingt-cinq ans après la première Journée d’Assise. Ce cri avait déjà été celui de Jean-Paul II il y a un quart de siècle.
En fin de matinée, à la basilique Sainte-Marie-des-Anges, c’est par une lectio magistralis que Benoît XVI avait choisi d’expliciter le sens de son invitation, avec un maître mot : « purification ». Il avait scandé ses trois parties, la première marquée par une véritable repentance, elle aussi peu habituelle dans la bouche de ce pape, pour les violences commises par les chrétiens.
Puis, analysant les racines du terrorisme tout autant que de l’absence de Dieu, le pape avait expliqué pourquoi cette purification est la seule issue possible, tant face à la perversion religieuse terroriste que face à l’« anti-religion » : il nous faut « purifier continuellement la religion des chrétiens à partir de son centre intérieur, afin que, malgré la faiblesse de l’homme, elle soit vraiment un instrument de paix dans le monde ».  Il s’est ensuite attaché à expliquer, longuement, son choix d’ouvrir la rencontre aux agnostiques.


Délégations non chrétiennes


Puissance invitante, Benoît XVI n’aura cessé, durant cette journée, de serrer des mains, celles des nombreuses délégations présentes : 176 délégués de traditions religieuses non chrétiennes et non juives (en 1986, ils n’étaient que 28), dont 67 bouddhistes de onze pays, 48 musulmans (ils n’étaient que onze en 1986). Sans oublier, une dizaine de représentants juifs et, évidemment, 31 délégations d’Églises, communautés ecclésiales et organisations chrétiennes mondiales.
Tous avaient l’air un peu perdus, foulant le sol marbré de la basilique Sainte Marie des Anges, leurs turbans, kippas, et calottes se mêlant. Chose étonnante, chacun avait le sourire, manifestant le bonheur d’être là.
C’est en minibus, assis à l’avant à droite, que Benoît XVI s’est rendu à 10 heures, de la gare d’Assise, terminus du convoi ferroviaire spécial venu du Vatican, à la basilique Sainte Marie des Anges. Dans le chœur, face à la Portioncule, la petite chapelle où est mort saint François le 3 octobre 1226, comme sur l’estrade, aucun signe religieux distinctif. Benoît XVI est modestement assis, au même titre que ses invités, sur un simple fauteuil de plexiglas.


Onze interventions positives


Les interventions se sont succédées, au nombre de onze, toutes pacifiques en ce terrain miné qu’est le dialogue interreligieux. Démentant tout autant la théorie du « choc des civilisations » que l’ultra libéralisme du « supermarché des religions », les représentants orthodoxe, anglican, arménien, protestant, juif, yoruba, bouddhiste, musulman et agnostique ont joué une partition délibérément pacifique et positive.
La seule femme, Julia Kristeva, non croyante déclarée, a appelé à un « humanisme féministe », et à passer de « l’ère du soupçon » à celle du « pari ». Peu avant, le Nigérian Wande Abimbola, représentant des Yorubas, avait entonné un hymne traditionnel, inusité sous ces voûtes. Le respect de la création, des droits humains, le sens du pardon et du respect, l’attention aux plus pauvres, sont déclinés par tous, en un arc-en-ciel de valeurs communes.
Benoît XVI, attentif, assis entre le patriarche Bartolomeos et le rabbin David Rosen, écoute et relit les textes prononcés. Sans doute aurait-il souhaité entamer le dialogue avec les intervenants, mais la règle qu’il a lui-même fixée à tous l’interdit.


Temps de silence


À 13 heures, les participants se sont retirés au réfectoire du couvent, pour une légère collation, sans vin, en signe de jeûne. Ensuite, le « grand silence », voulu par le pape pour couper court aux critiques l’accusant de syncrétisme, s’est emparé du couvent. Chacun, dans la cellule qui lui a été attribuée, a prié, réfléchi ou fait simplement silence pour la paix.
En milieu d’après-midi, le pèlerinage, débuté tôt le matin en train au chevet de la basilique saint-Pierre, s’est poursuivi, en minibus, vers la basilique supérieure Saint-François. À 16 h 30, toujours sur une estrade dépouillée, mais en plein air, quatorze représentants (orthodoxe, luthérien, sikh, baptiste, musulman, taoïste, bouddhiste, shinto, agnostique), ont renouvelé, très sobrement, leur « engagement pour la paix ».
Celui-ci, au soir tombant, a pris la forme d’un petit luminaire, à la fois fragile et éclairant, à l’image de cette journée. En deux mots, le pape en a alors livré la clé : « À travers ce pèlerinage unique, ce dialogue fraternel, nous ne sommes pas séparés. » Puis Benoît XVI a lancé : « Jamais plus la violence, jamais plus la guerre, jamais plus le terrorisme. Que, au nom de Dieu, chaque religion porte au monde la justice et la paix, le pardon et l’amour”. Après un temps de méditation, des jeunes ont remis aux chefs de délégations des lampes, dont la flamme oscillante symbolise la fragilité d’une paix qu’il faut soigneusement protéger. Ensuite, le Cardinal Kurt Koch, Président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens, a demandé aux participants de sceller leur entente chorale par l’échange d’un signe de paix.
 
 
Plus responsabilisés auprès de nos communautés
Le Pape a alors conclu en remerciant qui a rendu possible cet évènement, et « nous resterons unis dans le dialogue et la patiente construction de la paix et d’un monde meilleur, où toute personne et tout peuple verra réalisées ses justes aspirations. Vous remerciant tous d’avoir répondu à mon invitation de venir à Assise en pèlerins de paix, je vous salue avec les paroles de François, Que le Seigneur vous donne la paix! »


Après le cantique final, le Saint-Père et les délégations se sont rendus devant le tombeau de saint François dans la basilique inférieure. Benoît XVI y a également salué la communauté franciscaine, après quoi tous les participants ont regagné la gare de Notre-Dame des Anges pour retourner à Rome.


>> Le pape a insisté sur l’indispensable purification des religions pour construire la paix.


>> Il a dénoncé les perversions religieuses qui conduisent aux terrorismes.



 

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