Vers où s’oriente le dialogue libanais?

15-12-2011 09:05 AM

Abdel Massih Felli


La première séance du dialogue national libanais, présidée par le chef d’Etat Michel Sleimane, s’est résumée à un bref échange d’opinions sur la stratégie de défense nationale, au terme duquel les parties ont convenu de se réunir à la mi-mars. Au cours de la session, les parties ont évoqué sans entrer dans les détails l’élaboration d’une stratégie de défense permettant de réunir les potentiels nationaux dans l’intérêt de la défense nationale. Après un petit tour de table, les participants ont convenu de tenir le prochain round du dialogue à la mi-mars. L’ancien ministre libanais de la défense et actuel allié du Hezbollah, Michel Aoun, a annoncé au terme de la rencontre que la résistance était un des moyens de défense, dictée par le contexte actuel. L’armée, le peuple et la résistance (parti Hezbollah) se complètent, a-t-il ajouté.
Lancé conformément à l’accord de Doha, qui a mis fin à 18 mois d’instabilité dans le pays en mai 2008, le dialogue national libanais réunit les représentants des principales forces politiques du pays. Son but principal est d’élaborer une stratégie de défense nationale du Liban, dont la sécurité est ébranlée par son voisinage avec Israël. D’accord sur le principe, les parties impliquées ne parviennent pas à concerter les moyens de régler le problème, et la pomme de discorde reste le maintien des armes entre les mains du mouvement islamiste chiite Hezbollah. Ainsi, le parti Kataeb de l’ancien président Amin Gemayel et les Forces libanaises de Samir Geagea insistent pour que les questions relatives à la paix et à la guerre relèvent de la compétence de l’Etat et mettent l’accent sur la non-ingérence du Hezbollah. Ce dernier, seul parti détenteur d’armes après la guerre civile libanaise, refuse de désarmer afin de pouvoir riposter en cas de nouvelle attaque israélienne contre le Liban.
Le président libanais Michel Sleimane a déclaré que le Liban était prêt à se défendre en cas de guerre avec Israël. Soulignant que les possibilités d’une guerre avec Israël étaient « réelles », M. Sleimane a mis en garde l’État hébreu que le Liban n’était plus un pays faible, et qu’en cas de guerre « nous sommes prêts à défendre notre pays et tous nos citoyens résisteront à l’ennemi pour soutenir l’armée ». A noter que le premier round de dialogue national a eu lieu en septembre 2008, conformément à l’accord de Doha signé le 21 mai par les dirigeants rivaux libanais dans cette ville du Qatar pour mettre fin à une impasse politique de 18 mois qui avait conduit le pays au bord du conflit armé. L’accord de Doha a été conclu après une semaine d’affrontements acharnés à Beyrouth entre les partisans du gouvernement et ceux de l’opposition menée par le Hezbollah. La dernière session du dialogue national a eu lieu le 1er juin juste avant les élections législatives.
“Ce dialogue ne va nulle part”, affirme à  Rafic Khoury, rédacteur en chef du quotidien indépendant Al-Anouar, en référence aux sept séances tenues depuis 2006 entre les deux principaux camps rivaux et ajournées à chaque fois en raison des crises successives dans le pays.  Officiellement, la majorité parlementaire soutenue par l’Occident et le camp mené par le Hezbollah et appuyée par la Syrie et l’Iran doivent se mettre d’accord sur une “stratégie de défense nationale” face à Israël, avec qui le Liban est techniquement en état de guerre. .Mais cet objectif pose d’emblée la question de l’arsenal du Hezbollah, seul groupe libanais à ne pas avoir déposé les armes après la fin de la guerre civile (1975-1990) et qui prône la lutte contre Israël.
Arsenal du Hezbollah
“Il y a deux points de vue diamétralement opposés: l’un dit que la nouvelle stratégie de défense doit préserver cet arsenal, et l’autre veut en finir avec les armes du Hezbollah”, souligne M. Khoury. La majorité parlementaire réclame que les décisions de paix et de guerre soient le monopole de l’Etat. “On fait du surplace car les deux camps campent sur leurs positions, estime l’analyste. C’est comme un club de débat: on palabre, mais aucune décision n’est prise”. Deux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU appellent au désarmement de tous les groupes, libanais et non-libanais, au Liban. Mais le Hezbollah a déjà donné le ton, estimant que son arsenal “n’est pas sujet à débat”. Selon lui, cet arsenal sert à la défense du Liban contre Israël, ce que l’armée est incapable de faire.
“Nous n’allons pas à la table de dialogue pour discuter des armes de la résistance ni même de l’existence de la résistance”, affirme un député du parti Hassan Fadlallah. “Les participants au dialogue doivent au contraire s’inspirer de l’expérience réussie de la résistance et notamment de la nouvelle équation établie par notre chef Hassan Nasrallah”, ajoute-t-il. Le chef du Hezbollah a prévenu en février que son mouvement bombarderait les infrastructures de l’Etat hébreu en cas d’une nouvelle attaque contre le Liban, en réponse à des mises en garde israéliennes.
Selon Israël, le Hezbollah possède aujourd’hui 40.000 roquettes contre 14.000 au moment de la guerre de 2006. Lors de ce conflit, il avait tiré plus de 4.000 roquettes contre le nord d’Israël.De son côté, la majorité se montre conciliante, tout en ne cédant pas sur sa principale revendication. “Personne ne parle aujourd’hui de désarmer le Hezbollah”, affirme un député de ce camp, Ammar Houry, ajoutant: “Nous voulons parvenir à une formule où ses moyens feraient partie d’un système de défense nationale sous la tutelle de l’Etat”.Pour les observateurs, la difficulté réside notamment dans le fait que cet arsenal n’a pas une dimension uniquement nationale.


Légende
Le président libanais Michel Sleimane

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