Amin Maalouf élu secrétaire perpétuel de l’Académie française

17-10-2023 07:07 PM


L’écrivain franco-libanais Amin Maalouf, 74 ans, a été élu jeudi 28 septembre secrétaire perpétuel de l’Académie française, une institution qui doit, selon lui, « refléter la diversité du pays et du monde ». M. Maalouf a été élu à la tête de l’Académie par 24 voix, contre 8 pour son concurrent Jean-Christophe Rufin, au terme d’un scrutin à huis clos.

Le secrétaire perpétuel est le membre qui dirige cette prestigieuse institution chargée de défendre et de promouvoir la langue française. Il n’y a eu que 32 personnes à ce poste depuis 1635. Il était vacant depuis le décès en août dernier, de l’historienne Hélène Carrère d’Encausse, qui l’occupait depuis 1999.

Après l’annonce de son élection, Amin Maalouf a eu un mot très élégant pour son ami Jean-Christophe Rufin : « La dualité n’en est plus une, seule demeure l’amitié au sein de l’Académie. » « Je suis persuadé que la mission de l’Académie française est encore plus importante aujourd’hui qu’elle ne l’était au temps de Richelieu », cardinal et homme d’État français mort en 1642 ; c’est « un élément essentiel de l’identité d’une nation et du rayonnement de la France dans le monde », a-t-il déclaré après son élection sous la coupole. « Nous sommes dans un monde désemparé, et je pense que nous avons besoin de lieux qui représentent une sorte de conscience morale », a ajouté le nouveau secrétaire général, très impliqué dans les activités de l’institution où il a été élu en 2011.

Peu après, la ministre française de la Culture, Rima Abdul Malak, a fait son entrée dans la cour de l’Académie. « C’est un excellent choix que les académiciens ont fait. C’est un immense écrivain, un homme de cœur, de fraternité, de dialogue, d’apaisement. On a besoin d’un amoureux de la langue française, c’est un magnifique symbole pour tous les francophones du monde », a avoué la ministre. Sa nomination au poste emblématique de secrétaire perpétuel est historique pour l’institution dédiée à la langue française, car pour la première fois depuis sa fondation en 1634, l’Académie française comptera un secrétaire né à l’étranger en la personne d’Amin Maalouf.

Né au Liban le 25 février 1949, dans une famille d’enseignants. Fils d’un journaliste et musicologue, Maalouf a passé sa petite enfance en Egypte avant de rejoindre sa terre natale. Ses origines cosmopolites et nomades, tant par son père que par sa mère, qui, elle, est issue d’une famille francophone et maronite, imprègnent son œuvre. Si ses premières lectures se font en arabe, « langue de lumière », c’est en français, « langue de l’ombre », qu’il s’essaie dès l’adolescence à l’écriture.

Après des études d’économie et de sociologie, il travaille comme reporter, couvrant de nombreux évènements à travers le monde, comme la chute de la monarchie éthiopienne, en septembre 1974, ou la dernière bataille de Saigon, en mars et avril 1975.
Quand la guerre éclate dans son pays natal, il part pour la France avec son épouse et ses enfants, reprenant aussitôt son activité de journaliste, notamment à Jeune Afrique, où il devient rédacteur en chef et éditorialiste.
À partir de 1984, il se consacre à l’écriture, publiant des romans, des essais, des livrets d’opéra. En 1993, il obtient le prix Goncourt pour « Le Rocher de Tanios », en 1998 le prix européen de l’essai pour « Les Identités meurtrières », et en 2010 le prix Prince des Asturies des Lettres pour l’ensemble de son œuvre.

En 2007-2008, il préside, à l’invitation de la Commission européenne, un groupe de réflexion sur le multilinguisme, qui publie un rapport intitulé « Un défi salutaire : comment la multiplicité des langues pourrait consolider l’Europe ».
Docteur honoris causa de l’université Catholique de Louvain (Belgique), de l’université de Tarragone (Espagne), de l’université d’Évora (Portugal) et de l’université américaine de Beyrouth (Liban).
Il est élu à l’Académie française, le 23 juin 2011, au fauteuil de Claude Lévi-Strauss (29e), et reçu le 14 juin 2012 par Jean-Christophe Rufin. Il est élu Secrétaire perpétuel le 28 septembre 2023.

A noter que l’Académie française , prestigieuse institution a été fondée en 1635 sous le règne de Louis XIII, par le cardinal de Richelieu, son “chef et protecteur”.
Elle porte ce nom depuis le 20 mars 1634. Sa mission est de fixer la langue française, de lui donner des règles, de la rendre compréhensible par tous. Aujourd’hui, cette fonction est assurée par le chef de l’État. Sa mission consiste à travailler “à donner des règles certaines à la langue française et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences”. Dans cet objectif, elle doit composer un dictionnaire : le « Dictionnaire de l’Académie française”. Elle distribue aussi des prix littéraires comme le Grand Prix du roman décerné au milieu du mois de novembre.

Depuis 1639, elle se compose de quarante membres élus, dits les « immortels », par les autres académiciens. Elle est la première des cinq académies qui constituent l’Institut de France. Elle rassemble des personnalités marquantes de la vie littéraire (poètes, romanciers, hommes de théâtre, critiques), des philosophes, des historiens, des hommes de science et, par tradition, des militaires de haut rang, des hommes d’État ainsi que des dignitaires religieux. Parmi les plus illustres : Montesquieu (1727), Marivaux (1742), Voltaire (1746), Chateaubriand (1811), Hugo (1841, après quatre candidatures) ou encore Pasteur (1881). Zola essuie 25 refus, quand Clemenceau, pas même candidat, est élu à l’unanimité en 1918. Tout comme le maréchal Pétain (1929), exclu en 1945…
Il n’existe aucune condition de titres ou de nationalité pour entrer dans la Compagnie, sinon celle d’avoir illustré la langue française.

L’Académie rédige un dictionnaire et se prononce sur des règles orthographiques. La langue qu’elle défend se situe entre “l’usage et la norme”.
En quatre siècles, l’institution a produit huit dictionnaires. Le premier date de 1694, le dernier de 1930. Depuis 1986, l’Académie publie progressivement sa neuvième édition – en juillet dernier, les “immortels” ont terminé l’examen des mots de cette 9e édition, près de deux fois plus nombreux que dans la 8e.
L’émergence de la linguistique, l’apparition des dictionnaires et la création de commissions chargées de la défense du français ont entamé sa prééminence.

Après des siècles d’opposition, l’institution a accepté, en 2019, de féminiser certains métiers : cheminote, contrôleuse, députée, docteure… En 1990, elle consent au moindre usage du tiret dans les mots composés, aux accents circonflexes facultatifs sur les -u et les -i ou à la francisation de certains mots étrangers. Pas question, cependant, de bouger sur les anglicismes ou l’écriture inclusive, un “péril”. « Je n’irai pas jusqu’à dire que la langue est en danger, mais il y a constamment des menaces. Je pense qu’il faut avoir une vision d’une langue française qui peut redevenir conquérante », a confié Maalouf à l’AFP. En tout état de cause, « l’Académie n’est pas et ne sera jamais un parti politique », a-t-il martelé, jugeant « important qu’il y ait toutes les sensibilités, toutes les opinions représentées et que tout cela se passe dans la courtoisie, dans l’amitié et la fraternité ».

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