Alexandrie en majesté au Mucem à Marseille

02-03-2023 03:10 PM


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«Alexandrie : futurs antérieurs», exposition présentée à Marseille au Mucem explore les notions de cosmopolitisme, d’urbanisme et de connexions entre la Méditerranée et le continent européen à l’apogée de la ville légendaire. Lieu de rencontres de cultures, la ville d’Alexandrie est un mariage réussi entre l’Orient et l’Occident.

Première ville d’Egypte bâtie sans connexion avec le Nil, Alexandrie fut fondée en 331 avant J.-C par Alexandre le Grand et devint la capitale de la dynastie ptolémaïque jusqu’à la conquête romaine, en 30 avant J.-C. L’exposition “Alexandrie : futurs antérieurs”, qui se tient du 8 février au 8 mai 2023, couvre cette période et quelques siècles après, jusqu’à l’avènement du christianisme autour de 381 après J.-C.

L’exposition vise à dépasser les stéréotypes habituels (Grecs, Egyptiens, le Phare, la Bibliothèque) et à emmener le visiteur à la découverte d’une ville antique pleine de nuances. Si l’histoire et l’urbanisme de la ville présentent encore de nombreuses lacunes, plusieurs découvertes récentes ont permis d’affiner notre connaissance de la mégalopole.

Une scénographie comprenant environ 200 œuvres issues des importantes collections muséales européennes offre une nouvelle perspective sur la ville comme l’une des premières mégalopoles cosmopolites du monde antique. Partant des descriptions littéraires de la ville et de la présentation fondamentale de son urbanisme, l’exposition met en avant les infrastructures d’Alexandrie (lieux de pouvoir, de savoir et de culte), avant de s’attacher à ses habitants et de montrer pour finir son important rayonnement dans le monde. En fonction des thèmes abordés, d’autres époques (byzantine, arabe, moderne) sont convoquées.

Tout au long du parcours, ce patrimoine exceptionnel est mis en perspective par un dialogue inédit avec des oeuvres d’art contemporain et des installations d’artistes (égyptiens) – dont l’artiste de renommée internationale Wael Shawky invités à spéculer, recycler, penser, déconstruire, analyser la ville, son histoire, son patrimoine urbain et sa vie contemporaine. Ces œuvres constitueront des occasions uniques d’établir des liens entre les Alexandrins d’aujourd’hui et d’hier.

Du mythique phare, de la non moins célèbre bibliothèque comme du Mouseîon, il ne reste rien. De même, l’Alexandrie originelle, construite en grande partie sur des îlots qui se sont enfoncés dans la mer, est aussi impalpable. Plusieurs tsunamis majeurs, entre le 4e et 7e siècle après J.-C., ont en effet pratiquement rasé la cité.
Seules des images gravées sur des monnaies, quelques textes anciens et de rares vestiges permettent d’en reconstituer certaines parties. C’est ce que résume la première section de l’exposition, centrée sur l’urbanisme.

S’en suit un espace consacré aux figures qui ont forgé la ville et contribué à son rayonnement en en faisant l’une des plus grandes cités de la période hellénistique, après Rome. De Ptolémée 1er, un des généraux d’Alexandre, à Cléopâtre VII et jusqu’aux empereurs romains, tous ont étroitement mêlé leur culture à celle des Égyptiens, comme l’attestent les statues aux traits à la fois grecs et pharaoniques.

Ce cosmopolitisme est également illustré dans la troisième section consacrée à la religion et à la jonction, réussie, du panthéon grec et des divinités égyptiennes. En témoigne la figure syncrétique de Sérapis, introduite par Ptolémée 1er, qui combine les caractéristiques d’Osiris, dieu égyptien du royaume des morts, du taureau sacré Apis et dont la représentation évoque fortement celles d’Hadès, le maître grec des enfers. Ces nouveaux dieux intégreront aussi des spécificités de la cosmogonie romaine, après l’arrivée de ces derniers.

L’intrication des cultures grecques et égyptiennes se lit aussi dans les rares objets du quotidien extirpés des fouilles de sauvetage qui sont présentés dans la quatrième section. Ils représentent, pour la plupart, la vie des élites et leurs maisons richement décorées. Des autres, on ne sait pas grand-chose, une frustration retranscrite par les œuvres contemporaines centrées sur la thématique de l’échec. Et cette dualité perdure jusqu’à la mort, ainsi que l’ont démontré les fouilles menées dans la Nécropolis (cité des morts), immense cimetière qui accueillit les défunts du 3e siècle avant J.-C. au 7e siècle après J.-C.

Enfin, l’exposition se clôt sur l’héritage de l’Alexandrie antique, port principal de la Méditerranée occidentale, mais aussi centre intellectuel majeur au sein duquel ont infusé des idées scientifiques et philosophiques qui ont voyagé à travers toute l’Europe.

Pendant près de 800 ans, entre le IVème siècle avant Jésus-Christ et le IVème siècle de notre ère, la ville était la plus importante dans l’Empire après Rome. Port cosmopolite portant les traces du judaïsme, du christianisme, des temps byzantins et arabo-islamiques, elle a tenu une place particulière en Méditerranée.

“Alexandrie : futurs antérieurs” , une exposition originale qui repense la mégapole antique à l’apogée de son histoire. Aux côtés d’institutions aussi prestigieuses que le Louvre, l’Allard Pierson Museum (Amsterdam), le Museo Egizio (Turin) et le Museo Archeologico di Napoli, la Fondation Gandur pour l’Art a prêté six objets, dont la majestueuse statue équestre d’Alexandre le Grand en bronze et une jarre à motifs de sphinges, de Bès et d’yeux oudjat.

Un phare, une bibliothèque, un roi conquérant, une reine audacieuse : que reste-t-il dans l’inconscient collectif pour évoquer l’Alexandrie d’hier et d’aujourd’hui ? En enlevant la couche de vernis et en levant le voile du fantasme, cette exposition tente d’apporter des réponses. Alexandrie est cette ville égyptienne immensément connue et paradoxalement très difficile à figurer pour les gens. Saviez-vous par exemple que celle ville symbolisant la puissance de la dynastie de Ptolémées fût édifiée sur une étroite bande de terre entre la mer Méditerranée et le Lac Mariotis ? Qu’étant éloignée du Nil, elle dut très tôt trouver des solutions pour son approvisionnement en eau par la construction d’un canal et de citernes ?

Passé colonial, soubresauts politiques, érosion écologique, chaque artiste tente de revisiter l’histoire et le présent de la ville égyptienne en se jouant parfois des stéréotypes qui lui sont traditionnellement associés comme ces décors imités de l’antique que l’on peut trouver dans des studios photos. Alexandrie, « rêve devenu ville », continue de nourrir les imaginaires.

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