À la recherche des personnes hypersensibles

17-03-2018 07:05 PM


Depuis plus de 8 500 ans, la présence des céréales comme base du régime alimentaire des humains permet de couvrir plus de 20 % de nos apports en protéines. Mais on observe ces dernières années un nombre croissant d’individus présentant des pathologies liées à l’ingestion de gluten, cet ensemble de protéines présent dans les grains de nombreuses céréales. C’est quatre fois plus qu’il y a 50 ans.

Les consommateurs sont inquiets, ce qui contribue à expliquer pourquoi, selon les données 2017 de l’Insee, 3 % des Français ont déjà supprimé le gluten de leur alimentation tandis que les ventes de produits sans gluten explosent (plus 30 à 50 % par an depuis 2009, selon le magazine spécialisé LSA). Même si d’autres motivations, de nature sociologique, doivent être prises en compte pour expliquer ces nouveaux comportements.

Utile pour la plante… et l’agroalimentaire

Le terme latin gluten signifie « colle » ou « glu » ; il désigne la fraction protéique insoluble de certaines céréales constituée de deux types de protéines : les prolamines et les glutélines (respectivement gliadines et gluténines chez le blé).

Ces protéines ont tout d’abord un intérêt pour la plante : elles servent de réserve nutritive lors de la germination du grain pour donner une plantule vigoureuse. Elles ont aussi un intérêt pour l’industrie agroalimentaire en conférant à la pâte à pain ses capacités de cohésion, d’élasticité, de ténacité et de rétention des gaz.

La boulangerie industrielle rajoute ainsi souvent du gluten pur sec dans la farine pour donner son « gonflant » à la pâte. Mais peu de chiffres précis sont disponibles aujourd’hui sur ces glutens rajoutés, leur utilisation par les boulangers, leur qualité sanitaire et leur impact sur la santé humaine.

Les maladies du gluten

On distingue aujourd’hui trois types de pathologies liées à l’ingestion de gluten.

Premier type, la maladie cœliaque (ou intolérance au gluten) : cette maladie auto-immune se traduit par des lésions de l’intestin grêle provoquant un trouble de l’absorption, ou malabsorption, des nutriments. Son diagnostic est possible par dosage d’anticorps spécifiques de la maladie et par biopsie. Elle touche environ 1 % de la population mondiale ; en France, seulement 10 à 20 % des cas seraient diagnostiqués.

Second type, l’allergie au blé : elle se manifeste par des troubles cutanés, digestifs ou respiratoires (« asthme du boulanger ») ; un dosage des immunoglobulines E est utilisé pour le diagnostic. Quelques travaux font état d’une prévalence de l’ordre de 0,1 à 0,6 % en Europe.

Enfin, l’hypersensibilité au gluten (ou NCGS pour non-cœliac gluten sensibility). Cette pathologie concernerait un grand nombre de personnes présentant des symptômes variés (douleurs abdominales, brûlures épigastriques, nausées, diarrhées, constipation, maux de tête, fatigue…).

Si pour la maladie cœliaque et l’allergie au blé, il est possible de réaliser des dosages d’anticorps, d’IgE ou des biopsies pour prouver la présence de la maladie, aucune de ces analyses ne se révélera positive dans les cas d’hypersensibilité au gluten. Les médecins doivent donc continuer à rechercher des « marqueurs » de cette hypersensibilité, c’est-à-dire des manières de l’identifier grâce à des critères sérologiques ou histopathologiques ; pour l’instant, rien n’a été trouvé.

Les chiffres sont ici encore difficiles à établir : selon les études, on parle de 0,5 % à 13 % de personnes se plaignant de cette pathologie.

Une recherche en cours sur l’hypersensibilité

Dans le cas de la maladie cœliaque ou de l’allergie au blé, seul un régime alimentaire strict sans gluten permettra d’éviter la manifestation des symptômes. L’hypersensibilité constitue, elle, un cas de figure différent.

En 2012, des membres du Biocivam 11, une association de producteurs bio de l’Aude, ont conduit une enquête sur cette pathologie ; ils avaient été sollicités en ce sens par des paysans boulangers et pastiers dont les clients déclaraient pouvoir manger les produits vendus par ces professionnels alors même qu’ils présentaient d’habitude des symptômes d’hypersensibilité au gluten.

Ces personnes ont donc été interrogées sur les produits à base de blé qu’elles pouvaient ingérer sans problème ; l’enquête montre qu’il s’agit fréquemment de pâtes et pains au levain confectionnés à partir de semoules ou farines issues de blé de variétés locales, cultivées en agriculture biologique, écrasées sur meules de pierre et transformées sans additif.

À la suite de ces premiers résultats, agriculteurs, meuniers, boulangers, pastiers des filières industrielles, artisanales et paysannes, conseillers, médecins, consommateurs, personnes souffrant de NCGS et plusieurs équipes de recherche, dont la nôtre, ont décidé de s’associer ; nous collaborons tous désormais à un vaste projet de recherche sur plusieurs années, dont l’objectif est d’identifier les éventuels déterminants génétique, agronomique, technologique et sociologique de cette hypersensibilité.

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