Le paradis à portée d’art

11-05-2017 09:19 PM


Le Grand Palais (Paris) présente jusqu’au 24 juillet 2017 une exposition simplement intitulée Jardins. Un songe éveillé…
Dans les jardins, espaces clos et parfaitement aménagés, les hommes apprivoisent la nature et proclament leur amour de la création.
Cet amour transparaît sous de multiples formes dans l’exposition du Grand Palais. Il explose dans La Petite Touffe d’herbe et dans L’Ancolie de Dürer, dont on mésestimait le talent de naturaliste.
Les ayant vues, on regardera différemment désormais les plantes de nos jardins et des accotements de nos routes.
Le peintre allemand prolonge le goût des enlumineurs du Moyen Âge pour les simples fleurs de nos jardins. Comme eux, il parsème ses oeuvres de plantes délicates et à peine visibles, symboles de la beauté fragile de la vie.
Il annonce les cabinets de curiosités et les jardins botaniques de la Renaissance, truffés de beautés étranges.
Il précède de peu la mise au point en Italie de la technique de l’herbier qui permet de conserver les plantes par dessication.
Ne soyons donc pas surpris si les aquarelles d’Albrecht Dürer (1471-1528) côtoient dans l’exposition de magnifiques herbiers, y compris un émouvant herbier de plantes des tranchées (1914-1918), ainsi que d’étonnantes reproductions florales en terre émaillée (Bernard Palissy), en porcelaine de Sèvres… et mieux encore en verre soufflé.
Ces dernières, saisissantes de réalisme et de beauté, sont l’oeuvre de l’artisan allemand Léopold Blashka et de son fils Rudolf (fin du XIXe siècle, début du XXe). 
Le philosophe Michel Foucault traduit cette approche microscomique de la nature dans une jolie formule : « Le jardin, c’est la plus petite parcelle du monde et puis c’est la totalité du monde » (Connaissance des Arts, HS N°748).
C’est un autre genre de philosophe que nous présente l’exposition en la personne du Vieux Jardinier d’Émile Claus (1885).
L’homme nous domine de sa puissance humble et maîtrisée. S’avançant vers son patron avec de pauvres bégonias dans les bras, il va le supplier de faire le nécessaire pour sauver ses créatures. Son appel s’adresse aussi à nous.
Nous n’échappons pas à quelques images de jardins rêvés et idéalisés, avec par exemple les bosquets de Versailles emplis de nymphes et d’éphèbes, une Assemblée dans un parc de Watteau (1716) ou même Le Déjeunet de Monet (1873). Trop beau, trop paisible.
Même peuplée de divinités, la fresque bucolique de la maison du bracelet d’or (Pompéi, 30-35 après J.-C.) nous paraît plus proche et plus reposante. C’est une invitation à la promenade dans une nature humanisée et chantante. 
Son contemporain le peintre académique Édouard Debat-Ponsan nous livre un message similaire et plein de pudeur avec Le jardin du peintre à Paris (1886) : frères humains qui abordez sans précaution l’ère industrielle, prenez garde à ne pas perdre de vue notre mère nature !
Son appel est resté vain !
En comparant la grande Vue cavalière du parc de Saint-Cloud d’Étienne Allegrain (1675) à son état actuel, les visiteurs pourront mesurer les dégâts de l’urbanisation sauvage dans une France qui, au moins depuis trois décennies, a renoncé à toute forme de politique urbanistique, paysagère et rurale.
 
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