Mario Vargas, un Nobel cosmopolite

15-12-2011 09:06 AM


Le prix Nobel de littérature (Nobelpriset i litteratur en suédois) récompense annuellement, depuis 1901, un écrivain ayant rendu de grands services à l’humanité grâce à une œuvre littéraire qui, selon le testament du chimiste suédois Alfred Nobel, « a fait la preuve d’un puissant idéal ».
Récompense considérée comme la plus prestigieuse et la plus médiatique au monde, le prix Nobel met en lumière un auteur et ses travaux. Il lui assure une promotion à l’échelle planétaire, une renommée internationale et une certaine aisance financière.
Aujourd’hui âgé de 74 ans, Mario Vargas Llosa reçoit donc le prestigieux prix qui avait été remis l’année dernière à Herta Müller.
Grand admirateur de la littérature française, il a écrit un livre sur sa lecture de Madame Bovary. Pour lui, Malraux demeure un grand modèle.
Le jury du prix Nobel l’a choisi en raison et en dépit de ses engagements politiques qui n’ont pas entamé la force de sa voix d’homme libre et surtout sa puissance d’écrivain. On ne peut que saluer ce choix et rendre hommage à cet admirable romancier.


L’écrivain péruvien, naturalisé espagnol en 1993, auteur de plus de quarante livres, a été couronné jeudi 7 octobre par l’Académie suédoise
Déjà lauréat du très prestigieux prix Cervantès, Mario Vargas Llosa est l’auteur de plus de quarante livres traduits dans le monde entier (romans, théâtre, essais).
Avec lui, les membres de l’Académie suédoise couronnent un écrivain majeur et un homme engagé. Mais la politique n’est pas un critère de sélection des Nobel.
Mario Vargas Llosa a été distingué « pour sa cartographie des structures du pouvoir et ses images aiguisées de la résistance de l’individu, de sa révolte et de son échec », a déclaré l’Académie suédoise.


 Relation avec son père
C’est au Pérou que naît Mario Vargas Llosa le 28 mars 1936, à Arequipa, deuxième ville du pays. Ses parents séparés, il est élevé par sa mère et son grand-père paternel à Cochabamba, en Bolivie, où s’affirme son goût pour la lecture. En 1947, ses parents se réconcilient et emménagent dans la capitale, Lima.
L’enfant va à l’école catholique et doit apprendre à vivre avec un père autoritaire jusqu’alors inconnu qui ne goûte pas son inclination littéraire, et l’inscrit à 14 ans à la sévère Académie militaire Leoncio Prado, espérant le remettre dans le droit chemin.
Cette relation au père marquera son œuvre, et de cette formation contrainte l’écrivain fera la matière de son premier roman, La Ville et les chiens, publié en 1963. Un roman remarqué pour son sujet et pour sa forme, ses aller-retours temporels et ses changements de narrateurs. Il fera scandale, et un autodafé sera organisé dans la cour de l’établissement. Il publiera ensuite La Maison verte (1969), puis le magistral Conversation à la cathédrale  (1973).


Expérimentation formelle
L’œuvre ambitieuse de Mario Vargas Llosa est marquée par l’expérimentation formelle. Il fusionne les styles, intègre des techniques modernes à des histoires amples et prenantes, proches des romans du XIXe siècle. Son œuvre sera aussi une observation du pouvoir, de sa destruction, à travers la question de la transgression et de la liberté.
« La littérature est toujours une transposition de la réalité. L’écrivain qui choisit un secteur de la vie doit le transformer, le manipuler, le traiter d’une façon toute spéciale pour qu’il ne gèle pas en chemin », déclarait l’écrivain en 1966.
À la fin des années soixante, Vargas Llosa voyage beaucoup, s’installe à Paris, Londres, Barcelone. Il retourne à Lima en 1974. S’il ne se coupe pas de l’écriture et du journalisme, commence alors pour lui une carrière plus institutionnelle : élu à l’académie péruvienne en 1975, il donne des conférences dans des universités du monde entier.
En 1990, il se présente à l’élection présidentielle péruvienne pour le parti libéral. Sa défaite peut-être due à ce cosmopolitisme, au cœur de sa personnalité et de sa vie, le conduit à demander la nationalité espagnole, qu’il obtient en 1993, avant d’être élu à l’académie espagnole l’année suivante.
“Mes années parisiennes”
Depuis le 14 septembre, son portrait orne les grilles de la prestigieuse Maison de l’Amérique latine, boulevard Saint-Germain, à Paris, où une exposition lui est consacrée, éclairant son œuvre et sa relation particulière à la France. « Mes sept années parisiennes furent les plus décisives de ma vie. C’est là que je suis devenu écrivain, que j’ai découvert l’amour, passion dont parlaient tant les surréalistes, là où j’ai été le plus heureux, ou moins malheureux, que nulle part ailleurs (…) j’ai passé toute mon adolescence à rêver de Paris. »
Vargas Llosa y vécut de 1959 à 1966. Des années décrites dans son roman Tours et détours de la vilaine fille, durant lesquelles il rencontra un autre prix Nobel, Jean-Paul Sartre. Ce dernier exerça sur lui une grande influence, notamment dans sa conception de la responsabilité de l’écrivain et de la morale en politique. Tous deux seront séduits un temps par la révolution cubaine.
À Paris, Vargas Llosa gagnera sa vie comme professeur d’espagnol à l’école Berlitz, puis comme journaliste à l’Agence-France Presse, à la Radiodiffusion-Télévision française. Il travaillera de nuit, consacrera ses journées à la lecture et l’écriture.
« La voix de cet écrivain fondamental a besoin de dessiner, de sculpter avec des mots, la présence d’endroits où les personnages expérimentent une immense galerie de passions et de perplexités », écrivait récemment Carmen Caffarel, directrice de l’Institut Cervantès. D’autres témoignages se joignent au sien dans l’exposition.
On y retrouve le Vargas Llosa lecteur : de Faulkner, de Flaubert, de Victor Hugo, de Juan Carlos Onetti (deux écrivains à qui il consacra un essai). Mais pas de Gabriel Garcia Marquez, son ex-complice colombien à qui il consacra un livre. Les deux hommes ne se parlent plus depuis une nuit de 1976 à Mexico où Mario avait envoyé son poing à la figure de son ami Gabriel. Ce dernier avait obtenu le prix Nobel en 1982…
 

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