Le Yémen au bord du chaos et Saleh en Arabie saoudite

15-12-2011 09:07 AM

Abdel Massih Felli


 



Le président Saleh fait face à une révolte qui lui demande de quitter le pouvoir. Un scénario de plus en plus probable depuis qu’il a perdu le soutien des principales tribus yéménites, base de l’organisation politique et sociale du pays.  Le président Saleh fut blessé le 3 juin dans les bombardements de la mosquée de son palais présidentiel. Le président yéménite est, depuis, hospitalisé en Arabie saoudite. Bien que son départ ait donné lieu à des scènes de liesse dans les rues de Sanaa, son entourage précise que son retour dans le pays sera imminent. Voilà pourtant près de six mois qu’une révolte populaire le somme d’abandonner le pouvoir. Depuis la mi-janvier, deux semaines après la révolution tunisienne qui a poussé le président Ben Ali à fuir son pays, la contestation fait effectivement rage au Yémen. Plus de 350 personnes ont déjà été tuées et un soulèvement des tribus a conduit le pays au bord de la guerre civile.


Pas encore déclaré forfait
Depuis quatre mois, les Yéménites protestent contre le régime d’Ali Abdallah Saleh et ont remporté une petite victoire, avec le départ du président pour l’Arabie Saoudite, où il a été hospitalisé. Mais le président n’a pas encore déclaré forfait. Retour sur la situation complexe de ce pays stratégique de la péninsule arabique. Un pays historiquement divisé, longtemps sous domination britannique et ottomane, le Yémen a retrouvé son indépendance en deux temps au cours du XXe siècle. Jusqu’en 1990, le pays était divisé entre d’une part la moitié nord alliée à l’Arabie saoudite et, d’autre part, la moitié sud prosoviétique. Le pays s’est ensuite unifié pour former la République yéménite, sans pour autant mettre fin à une guerre civile larvée.
L’Etat central a tenté d’imposer son organisation à des structures tribales déjà existantes, sans vraiment y parvenir. Ce sont deux systèmes qui coexistent, les représentants tribaux arrivant plus souvent à obtenir raison, notamment par la violence. Les tribus sont donc incontournables, les deux confédérations tribales, les Bakil et les Hached, contrôlant même de larges parties du territoire.


Retour d’Al-Qaïda à Zinjibar
Dans ce contexte, dix-neuf personnes sont mortes mardi dernier au Yémen, dans des affrontements survenus à Taïz, deuxième ville du pays, et à Zinjibar, contrôlée par des militants que le gouvernement associe à Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA). Dans la capitale, Sanaa, la trêve décrétée en fin de semaine semble cependant tenir. À Taïz, des affrontements ont éclaté mardi entre des hommes armés et des soldats postés près du palais présidentiel de la ville. Un obus lancé par un tank stationné près du palais est tombé dans un secteur résidentiel, tuant quatre personnes, dont trois enfants. À Zinjibar, 15 personnes, dont 9 militaires, ont été tuées dans un assaut des forces armées lancé contre la ville dans la nuit de lundi à mardi. Cela porte à 65 le nombre de personnes tuées dans cette zone depuis qu’un groupe islamiste appelé les Partisans de la Charia en ont pris le contrôle, le 29 mai. Le ministère yéménite de la Défense affirme que les combattants qui tiennent Zinjibar, une ville de 50.000 habitants qui est le chef-lieu de la province d’Abyane, appartiennent à Al-Qaïda, et que “des Afghans et des Égyptiens” se trouvent parmi eux. Un peu plus tard dans la journée, le ministère a affirmé avoir tué 30 combattants islamistes, dont un chef local d’Al-Qaïda. Selon le chef du conseil tribal de Taïz, le cheikh Hammoud Saïd al-Mekhlafi, la ville de Taïz est contrôlée par des opposants armés. “Taïz est aux mains des rebelles”.


Coalition de partis d’opposition
Une coalition de partis d’opposition a offert au vice-président Abed Rabbo Mansour Hadi de tenir des discussions sur une transition politique. Le réseau cite cependant une source proche du président Saleh qui qualifie cette offre de “ridicule”. Si le président Saleh a quitté le pays, ses fils et ses neveux, qui détiennent des postes importants au sein de l’armée et des services de renseignements, continuent d’être des acteurs de premier plan dans la crise qui secoue le Yémen depuis la mi-janvier. Ces développements se sont produits alors que le président yéménite Ali Abdallah Saleh se trouvait en Arabie saoudite. Le vice-président du pays, qui assume en principe les fonctions du chef de l’État, a fait savoir que le président Saleh se porte bien et qu’il reviendra bientôt au pays. Des sources officielles américaines soutiennent par ailleurs que le président Saleh a été plus gravement touché qu’on ne le pensait. Il aurait subi une hémorragie intracrânienne et des brûlures sur 40 % du corps. Les troupes gouvernementales et les miliciens de la confédération tribale des Hached, qui se battaient depuis deux semaines à Sanaa lorsque le président a été blessé, ont accepté de respecter une trêve négociée par l’Arabie saoudite.


Washington et son allié Saleh
Ali Abdallah Saleh aura tenté jusqu’au bout de se maintenir au pouvoir au prix de centaines de morts, mais il avait joué ses dernières cartes depuis plusieurs semaines et se trouvait de plus en plus isolé. Même les États-Unis, son plus fidèle allié, ne misaient plus sur lui, plus intéressés par un Yémen stable, dans le cadre de leur stratégie régionale, et soucieux d’éviter une propagation de la révolte à d’autres pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite voisine. Parce que jusque-là, on ne peut pas dire que Washington se préoccupait beaucoup du sort des Yéménites. Prenant prétexte de la présence au Yémen de groupes se réclamant d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), les États-Unis avaient déjà envoyé du matériel militaire et déployé des forces spéciales. Selon un scénario rodé, Saleh était donc le rempart contre les intégristes. Peu importe la répression menée contre les Houthis.



 

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