La Turquie cherche un rôle au Moyen-Orient

15-12-2011 09:07 AM

Abdel Massih Felli



 

 
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré que la reconnaissance d’un Etat palestinien était une obligation, au moment où les Palestiniens se préparent à faire une demande en ce sens à l’ONU. La reconnaissance d’un Etat palestinien n’est pas une option, c’est une obligation, a déclaré Erdogan lors d’un discours au siège de la Ligue arabe au Caire. Erdogan a également accusé Israël de continuer à prendre des mesures irresponsables qui sapent sa légitimité et affirmé que la politique agressive du gouvernement israélien menace l’avenir du peuple israélien. La Ligue arabe, qui a reçu le président palestinien Mahmoud Abbas, a elle aussi affirmé son soutien à une demande de reconnaissance qui pourrait être formulée lors de l’Assemblée générale de l’ONU le 20 septembre à New York.
 
Reconnaissance d’un Etat palestinien
Recep Tayyip Erdogan a déclaré à la télévision qu’il ne se rendrait pas dans la bande de Gaza pendant la tournée qu’il entame dans les pays du printemps arabe. Le chef du gouvernement turc a également à nouveau dénoncé le fait qu’Israël refuse de présenter des excuses après le raid en 2010 des forces israéliennes contre le ferry turc Mavi Marmara qui tentait de forcer le blocus imposé par Israël à la bande de Gaza. Neuf militants turcs avaient été tués. Il est hors de question que la Turquie normalise ses relations avec Israël tant que l’Etat hébreu n’aura pas présenté des excuses. Les Etats-Unis ont indiqué qu’ils opposeraient leur veto au Conseil de sécurité, et le président Obama a affirmé que la tentative des Palestiniens d’obtenir la reconnaissance de leur Etat à l’ONU constituerait une diversion qui ne réglerait pas le conflit avec Israël. La Russie, en revanche, appuie la démarche palestinienne, tandis que l’Union Européenne est encore divisée. Des pays comprenant le Qatar et l’Egypte aideront à réunir les soutiens internationaux à ce projet, a indiqué le négociateur palestinien Saëb Erakat.
 
Crainte d’une guerre civile
“Alors que le bilan des civils tués ne cesse d’augmenter en Syrie, nous constatons que les réformes ne se sont pas matérialisées et que les dirigeants n’ont pas parlé honnêtement”, a regretté d’autre part Erdogan. La minorité alaouite, branche de l’islam chiite, détient les postes-clés du pouvoir en Syrie. “Nous savons que l’élite alaouite domine au sein du régime, de l’armée et des forces de sécurité”, a ajouté M. Erdogan. “La colère du peuple est dirigée contre eux, non seulement parce qu’ils sont un instrument du gouvernement, mais aussi en raison de leur confession, et le régime syrien joue cette carte dangereuse”. Selon un haut responsable turc, une guerre civile en Syrie serait “désastreuse” pour la Turquie, pays voisin de la Syrie, majoritairement sunnite mais qui compte lui aussi différentes communautés, dont une forte minorité kurde, installée des deux côtés de la frontière. La Turquie accueille actuellement quelque 7.000 réfugiés syriens, qui ont fui la répression dans leur pays. Des opposants syriens ont ainsi présenté jeudi à Istanbul la liste des membres d’un “Conseil national”, censé représenter toutes les grandes forces de la contestation, et destiné à coordonner leur lutte contre le régime.
 
Rivalités régionales
Le Caire était la première étape d’une tournée d’Erdogan dans trois pays où le “printemps arabe” a fait chuter des dirigeants autocratiques. Il s’est rendu mercredi dernier en Tunisie, puis jeudi en Libye. “La liberté, la démocratie et les droits de l’Homme doivent être un mot d’ordre unificateur pour l’avenir de nos peuples”, a-t-il dit dans son discours au siège de la Ligue arabe. “L’Histoire s’est écrite à Tahrir et cela signifie beaucoup pour nous”, a-t-il dit plus tard à l’issue d’un entretien avec son homologue Essam Charaf, en référence à la célèbre place d’Al-Tahrir. Plusieurs accords économiques ont été signés. Les deux pays ont exprimé leur souhait de voir les échanges commerciaux bilatéraux passer de 3 milliards de dollars par an à 5 milliards dans les prochaines années.
 
Erdogan a rencontré les chefs militaires qui assurent le gouvernement intérimaire en Egypte au moment où Ankara et Le Caire ont vu leurs relations diplomatiques se dégrader avec Israël. Cette visite d’Erdogan démontre la volonté de développer son influence régionale. L’Egypte s’est longtemps considérée comme une voix prépondérante dans le monde arabe mais le rôle de la Turquie n’a cessé de s’accroître en même temps que sa puissance économique et que sa position ferme à l’égard d’Israël. Ankara a expulsé l’ambassadeur d’Israël. L’Egypte avait annoncé qu’elle souhaitait rappeler son ambassadeur à Tel-Aviv après la mort de cinq gardes-frontières égyptiens abattus par des soldats de Tsahal. Le Caire n’avait pas mis sa menace à exécution. Depuis, des manifestants égyptiens ont tenté d’investir l’ambassade d’Israël au Caire, ce qui a conduit le gouvernement israélien à rapatrier son diplomate et le personnel de la chancellerie. Les généraux du Conseil supérieur des forces armées (CSFA) savent que ce paramètre doit être mis en regard de la colère de l’opinion publique. En dépit de ces contentieux, il est peu probable que l’Egypte et la Turquie décident d’ouvrir un front commun politique contre Israël.
 
Turquie et Frères musulmans
La Turquie ne doit pas chercher à dominer le Moyen-Orient, ont dit les Frères musulmans d’Egypte à Erdogan. Il a pourtant été acclamé au Caire, apparaissant comme une nouvelle figure charismatique dans le monde arabe. Sa rencontre avec les Frères musulmans a été plus fraîche. Leurs dirigeants historiques ne partagent pas l’admiration de leurs jeunes membres pour Erdogan. “Nous apprécions la Turquie et nous considérons Erdogan comme un dirigeant de grande importance mais nous ne pensons pas que lui ou son pays doivent diriger seuls la région ou dessiner son futur”, a dit Essam El-Eriane, chef adjoint du Parti de la Liberté et de la Justice. Le parti d’Erdogan, aux racines islamistes et fort de grands succès électoraux, est un modèle pour la plupart des Frères musulmans et d’autres partis. Mais les Frères musulmans cherchent à éviter toute ingérence étrangère. Le projet de chaque pays “doit émerger des nouveaux systèmes internes aux pays arabes qui, après les révolutions seront démocratiques”, a dit El-Eriane.


 

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