Une richesse d’art islamique

15-12-2011 09:06 AM


Après huit ans de travaux de restauration, le musée d’art islamique du Caire vient de rouvrir ses portes, au mois sacré de Ramadan.


Le Musée d’art islamique du Caire, le plus grand du monde, a été inauguré le 14 août, après huit années de restauration. Une restauration qui, entamée en 2003, vise à remettre à l’honneur la culture et l’histoire islamique égyptiennes, moins prisées que les antiquités pharaoniques par les millions de touristes qui visitent chaque année le pays.
Le Musée d’art islamique du Caire rénové, a été inauguré par le président Hosni Moubarak en compagnie de plusieurs de ses ministres dont le ministre de la Culture Farouk Hosni, et le chef des antiquités égyptiennes Zahi Hawass. Au terme de la rénovation conduite depuis 2006, le nouveau musée a été officiellement ouvert.
Quelques 2 500 pièces de grande valeur artistique ou historique, sélectionnées parmi un fonds de 100 000 objets, sont exposées dans 25 salles.
Parmi les pièces les plus remarquables, une clé incrustée d’or de la Kaaba, l’édifice central de la grande mosquée de La Mecque, ou le plus ancien dinar islamique connu, datant de l’an 697.
Le musée, situé dans le centre du Caire dans un bâtiment de 1903, avait été créé à l’origine pour protéger cette partie du riche patrimoine égyptien des pilleurs d’antiquités.
Le musée islamique du Caire abrite l’une des plus importantes collections d’art islamique du monde avec des collections datant du VIIe siècle jusqu’à la fin du XIXe siècle provenant d’Égypte et des pays arabes mais aussi d’autres pays où l’empreinte islamique fut profonde.


L’idée de créer un Musée d’art islamique naquit vers 1860 quand l’ingénieur Franz pacha voulut rassembler toutes les pièces anciennes et intéressantes se trouvant dans les monuments anciens de la ville du Caire et dans les ruines de Fostat. Il avait eu alors l’occasion de recueillir de nombreux objets, précieux témoins des époques fatimide et mamelouke, ainsi que de nombreuses pièces sculptées en bois ou en pierre. En 1869, le Khédive Ismaïl encouragea ce projet de fondation d’un Musée pour regrouper toutes ces œuvres, mais il ne put le réaliser.
Entre 1872 et 1876, un architecte français épris d’art islamique, Prisse d’Avenne, publia en France une encyclopédie de l’art arabe en trois volumes, ce qui permit d’enregistrer les principaux chefs-d’œuvre de cet art.
Prisse d’Avenne était né en 1807 à Avesnes dans le nord de la France et il mourut à Paris en 1879.
Au cours de ses fouilles et de ses voyages d’études en Egypte, il recueillit de nombreux renseignements et rapporta en France le fameux papyrus qui porte son nom, un traité de morale de l’Ancien Empire.
Ce fut encore Prisse d’Avenne qui transporta en France la salle des ancêtres de Thoutmosis III qu’il avait fait démonter au temple de Karnak à Louxor.
Parmi les ouvrages de Prisse d’Avenne, il faut citer: “Monuments Egyptiens” publié en 1847, “Fac-similé d’un papyrus égyptien en caractères hiératiques” en 1847 et “Histoire de l’art égyptien” en 1878-1879.
En 1880, Franz pacha, ayant rassemblé de nombreuses pièces, mit son projet à exécution pour créer un Musée d’art islamique.
Il exposa alors environ 3.000 pièces dans le liwan (portique) est de la mosquée du calife fatimide El-Hakim près de Bab El-Foutouh dans le Caire fatimide. Cette fondation fut énormément encouragée par le Khédive Tewfick. Le Musée des arts arabes fut inauguré en 1883.
En 1885, fut édité un “Catalogue sommaire des monuments exposés dans le Musée national de l’art arabe”, un guide qui était abondamment illustré.
Mais le Musée installé dans les locaux de la mosquée d’El-Hakim s’enrichissait de nouvelles pièces d’antiquités islamiques de jour en jour et les locaux devinrent vite trop étroits. En 1887, il fut décidé de construite un nouveau Musée pour abriter les collections. Les travaux auraient dû débuter en 1896, mais ils furent retardés en raison de la guerre du Soudan, cette expédition égypto-britannique de Dongola.
L’idée de construire le Musée fut reprise en 1897 et le quartier de Bab El-Khalq fut choisi pour la construction du nouveau Musée, un bâtiment qui abriterait encore la Bibliothèque khédiviale qui se trouvait dans les locaux du ministère des Travaux publics à Darb El-Gamamis dans le quartier de Birket El-Fil, entre Bab El-Khalq et la mosquée de Sayeda Zeinab. Les travaux de construction du nouveau Musée et de la Bibliothèque khédiviale commencèrent donc et le bâtiment fut achevé en 1902 en bordure de la rue du Khalig El-Masri, ce canal qui venait d’être comblé.
Les travaux de construction furent dirigés par l’architecte Hers bey qui lui donna un aspect de style néo-arabe à l’extérieur comme à l’intérieur pour les 23 salles d’exposition. Hers bey fut chargé de transfert de toutes les pièces depuis la mosquée d’El-Hakim jusqu’à Bab El-Khalq et il aménagea le nouveau Musée.
Lors de son inauguration, le Musée comportait 3.154 pièces enregistrées. En 1952, il fut appelé Musée d’art islamique.
De nos jours, le Musée comporte plus de 100.000 pièces classées par périodes: boiseries finement sculptées, céramiques, faïences, verreries colorées ou émaillées, poteries, lampes de mosquées, bois à épigraphes historiques, stèles funéraires, vases et objets en cuivre, comme les guéridons, les chandeliers, les plateaux, les lustres, les brûle-parfum, les boîtes, les coffrets à Coran, etc… tous ces éléments précieux se mélangeaient aux marbres et aux tissus et entouraient des fontaines laissant jaillir des jets d’eau rafraîchissant l’atmosphère tout en faisant entendre un bruit cristallin qui rendait les visiteurs méditatifs devant les merveilles exposées.
Ce Musée avait été construit à Bab El-Khalq et à l’orée du Caire fatimide, à quelques pas de la belle porte de Zouweïla, et préparait les visiteurs à admirer les anciens monuments de la cité.
La première collection d’œuvres islamiques de Franz pacha, environ 985 pièces enregistrées, s’enrichit très vite grâce à de nombreuses donations de collections privées.
Le prince Youssef Kamel légua au Musée sa collection complète d’objets d’art islamique et Artin pacha en fit tout autant.
Le prince Kamel Eddine Hussein donna sa précieuse collection surtout composée de boiseries incrustées, de tapis iraniens et turcs, de verreries de Bohème fabriquées à l’intention des pays d’Orient, durant les XVIIIème et XIXème siècles, et une grande quantité de ceintures tissées en provenance d’Iran et de Pologne. Le roi Fouad Ier fit don au Musée d’une série d’objets anciens dont des étoffes d’une valeur inappréciable et une rare collection de poids et d’estampilles en métal, en pierre ou en verre.
Le roi Farouk donna un beau marbre portant des inscriptions historiques, deux moules pour la frappe des monnaies, une riche collection de faïences persanes et un magnifique sabre.
Ces généreuses donations, jointes aux objets découverts durant des campagnes de fouilles et aux pièces achetées, contribuèrent à l’enrichissement du Musée des arts islamiques.
Mais de nombreuses pièces anciennes et de grande valeur ne sont pas exposées, faute de place, car le Musée actuel est devenu trop exigu.
Dans ce Musée, c’est toute l’histoire de l’Egypte musulmane qui est contée depuis la fondation de Fostat au VIIème siècle jusqu’à nos jours, en passant par les différentes époques fatimide, toulounide, ayyoubide, mamelouke, ottomane et moderne. Toutes ces périodes donnèrent des arts spécifiques à l’Egypte.  
Parmi les 80.000 objets présents dans les réserves, 1.700 sont exposés dans le musée réaménagé, dont une aiguière trouvée près de la tombe du dernier calife de la dynastie des Omeyades ou des portes commandées par le calife Al Hakem des Fatimides pour la mosquée Al Azhar.
Il est à savoir que l’art islamique a changé avec les périodes de règne. Cette évolution a commencé à partir de la période fatimide. Les exemples d’architecture de la période fatimide sont la mosquée al Azhar et la mosquée d’Amr Allah. De cette période, nous pouvons trouver une collection de panneaux en bois, qui sont les seules pièces restantes du palais occidental du palais d’Al Kahira.
La période suivante était celle des Ayyoubides, et la citadelle en est le meilleur exemple. De la période ayyoubide, nous pouvons trouver le cercueil en bois admirablement découpé d’Al Hussein et des candélabres en laiton finement martelé.
Le mausolée du sultan Al Mansour Qalawon symbolise la période mamelouke. De la période mamelouke il y a une collection de lampes de mosquée en émaux ainsi que des marqueteries de métal, de bois et de marbre sur des meubles et divers objets. Les boîtes du Coran qui ont appartenu au Sultan Shaaban sont de vrais objets d’art représentant l’ouvrage méticuleux. Il est à savoir que plusieurs manuscrits rares du Coran sont également exposés au musée d’art islamique du Caire, ainsi que des tapis persans ou des céramiques ottomanes, de même que des instruments anciens d’astronomie, d’architecture ou de chimie.
La mosquée de Méhémet Ali a incarné la période ottomane. Les beaux tapis iraniens et turcs sont simplement en trompe-l’œil. La cour contient une belle fontaine du dix-neuvième siècle issue de l’île de Rhoda.
Pendant la restauration du musée d’art islamique du Caire, un autre musée de l’art islamique, conçu par le Sino-américain I.M. Pei, a ouvert ses portes au Qatar.
Le public devra toutefois attendre le mois de septembre pour avoir accès au musée d’art islamique du Caire rénové.
Névine Lameï



Legendes
 1 Le ministre égyptien de la Culture, Farouk Hosni (à droite), lors d’une visite dans les locaux rénovés du Musée islamique du Caire.


2  Un ouvrier met la dernière touche aux travaux de restauration menés au musée d’art islamique du Caire
3
Façade du musée islamique 

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