Condamnations, manifestations et mise en garde

15-12-2011 09:07 AM



Trois anciens ministres égyptiens de l’ère Moubarak ont été condamnés à des peines de prison, mardi dernier, relativement à une affaire de contrat illicite d’importation de plaques d’immatriculation qui leur a permis d’engranger environ 15 millions de dollars.
Il s’agit de l’ancien ministre des Finances Youssef Boutros-Ghali, condamné à dix ans de prison, de l’ancien ministre de l’Intérieur Habib El-Adli, condamné à cinq ans de prison, et du dernier Premier ministre d’Hosni Moubarak, Ahmed Nazif, qui écope d’une peine d’un an avec sursis.
Tous trois sont accusés d’avoir conclu un contrat d’importation de nouvelles plaques d’immatriculation avec un homme d’affaires allemand pour les voitures égyptiennes et de l’avoir fait sans appel d’offres et à un prix supérieur à celui du marché.
Les trois hommes ont été condamnés à une amende d’environ 15 millions de dollars et à rembourser la même somme à l’État. Youssef Boutros-Ghali et Habib El-Adli ont reçu une amende supplémentaire d’un peu plus de 16 millions de dollars.
Il s’agit d’une première condamnation pour Ahmad Nazif. Habib El-Adly avait déjà été condamné à 12 ans de détention dans une autre affaire de corruption, tandis que Youssef Boutros-Ghali avait été condamné à 30 ans d’emprisonnement pour dilapidation et détournement de fonds publics. M. Boutros-Ghali, en fuite, a été condamné par contumace.
Manifestations place Tahrir
Ces condamnations surviennent au moment où plusieurs centaines de protestataires campent depuis vendredi à la place Tahrir, symbole des manifestations anti-Moubarak de cet hiver. Ils réclament notamment une justice plus ferme et plus rapide à l’égard des anciens cadres du régime.
Les protestataires, qui dénoncent aussi la lenteur des réformes depuis la chute du raïs et une purge au sein de la police, ont demandé à la population égyptienne de se joindre à eux pour une nouvelle manifestation d’envergure mardi.
Les manifestants ont reçu une autre bonne nouvelle mardi, avec la démission annoncée du vice-Premier ministre, Yahya El-Gamal, qui était critiqué pour son comportement erratique et son approche conciliante envers des hommes d’affaires proches de l’ancien régime.
La nouvelle de sa démission a été annoncée sur la page Facebook du Premier ministre, Essam Charaf. Ce dernier est lui aussi pris à partie par les manifestants, qui l’avaient pourtant chaudement accueilli lorsqu’il s’était présenté devant eux le 3 mars dernier, au lendemain de sa nomination.
L’armée hausse le ton
Plus tôt dans la journée, le Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui assume le pouvoir exécutif depuis la chute d’Hosni Moubarak, a lancé mardi une mise en garde à l’endroit des manifestants qui critiquent la façon dont il gère la transition politique.
Dans un message lu à la télévision, le porte-parole de l’armée, le major général Mohsen El-Fangari a prévenu contre « la dérive de certains manifestants par rapport à une approche pacifique, qui porte atteinte aux intérêts de la population et fait obstruction aux institutions de l’État ».
Le CSFA, que dirige le maréchal Hussein Tantaoui, a soutenu par ailleurs qu’il ne « renoncerait pas à son rôle dans la gestion des affaires du pays durant cette période critique de l’histoire de l’Égypte ». Il a réaffirmé sa volonté d’organiser des élections législatives, de faire adopter une nouvelle Constitution et de tenir une présidentielle afin de remettre le pouvoir aux civils.
Le Conseil suprême des forces armées a aussi annoncé qu’il rédigera les règles permettant de sélectionner les 100 membres de l’Assemblée constituante, chargée de rédiger la nouvelle Constitution.
Cette déclaration a été mal accueillie par les Frères musulmans, le mouvement politique le mieux organisé dans le pays. Un porte-parole du groupe, Mahmoud Ghozlan, soutient que cela contredit de précédentes déclarations faites par l’armée plus tôt cette année.
« La seule institution à même de décider qui sont les membres de l’Assemblée qui écriront la Constitution est le Parlement », affirme M. Ghozlan.
L’agence de presse officielle du gouvernement égyptien a pour sa part annoncé que le plus haut tribunal du pays a autorisé la diffusion en direct des procès des hauts dirigeants de l’ère Moubarak accusés de corruption, et des procès des policiers accusés d’avoir tué des manifestations lors des manifestations de cet hiver.
Les procès pourront ainsi être retransmis sur des écrans géants installés à l’extérieur des tribunaux, afin que le public puisse en être témoin. Le manque de transparence dans les procès qui ont eu lieu depuis cet hiver faisait l’objet de vives critiques.
Dans un discours télévisé, lundi soir, le Premier ministre égyptien, Essam Charaf, avait demandé des « procès ouverts » et « menés sans délai » pour les responsables de l’ancien régime et les responsables de violences.
M. Charaf a aussi annoncé « un remaniement ministériel d’ici une semaine pour répondre aux demandes de la révolution et refléter la volonté réelle du peuple ».
Le Premier ministre a aussi fixé une échéance au 15 juillet pour le renvoi des policiers accusés d’avoir tué des manifestants durant la révolte de cet hiver.
Report des élections législatives



L’agence officielle Mena a fait savoir que les élections législatives égyptiennes, initialement  prévues en septembre, sont reportées.
« Il a été décidé de tenir les élections pour l’Assemblée du peuple (chambre basse) et de la Choura (chambre haute) en octobre ou en novembre prochains » a indiqué une source militaire à l’agence de presse officielle, Mena.
Le 28 mars, le Conseil suprême des forces armées égyptien avait annoncé la tenue de législative en septembre. Depuis, il avait plusieurs fois réitéré sa détermination en ce qui concerne le maintien de cette date.
Le report de ces premières législatives était réclamé par de nombreuses formations politiques qui estimaient ne pas pouvoir être prêtes en septembre. La chute du régime de l’ancien président Hosni Moubarak a conduit à la création de différents partis politiques, qui ont affirmé avoir besoin de temps pour approcher les futurs électeurs.
L’échéance de septembre pour l’élection des deux chambres a été fortement critiquée par des formations politiques et des mouvements issus de la révolte contre le régime, qui ont fait valoir ne pas avoir assez de temps pour se préparer.
             
Des voix se sont également élevées pour redouter que les Frères musulmans, qui apparaissent comme le mouvement le mieux organisé du pays, ne raflent la mise face aux autres formations si le scrutin était maintenu à une date rapprochée.
             
Le Premier ministre Essam Charaf a également évoqué récemment un report du scrutin en invoquant la nécessité de donner plus de temps aux partis politiques de s’organiser.
             
Les Frères musulmans sont opposés à un report, mais ont aussi assuré que s’il y avait un délai supplémentaire, ils en profiteraient eux aussi pour mieux se préparer.
             
La presse égyptienne a également fréquemment souligné ces derniers mois le manque de temps pour préparer matériellement cette élection dans des conditions démocratiques inconnues par le passé.
             
Plusieurs personnalités se sont prononcées par ailleurs pour la rédaction d’une nouvelle constitution en préalable aux législatives, afin de garantir l’ancrage démocratique de l’Egypte post-Moubarak quel que soit le résultat du vote.
 
Rester place Tahrir
Les manifestants installés depuis vendredi sur la place Tahrir au Caire se déclaraient mercredi déterminés à rester pour réclamer des réformes, malgré un avertissement formulé par le Conseil suprême des forces armées (CSFA) qui dirige le pays.
Les centaines de personnes qui ont passé une nouvelle nuit sous des tentes sont résolues à rester jusqu’à ce que “toutes les demandes soient satisfaites, pas seulement quatre ou cinq d’entre elles”, a assuré un des manifestants, Tarek Mehana, 32 ans.
L’armée, au pouvoir depuis le départ du président Hosni Moubarak en février, “a perdu notre confiance, car en six mois il ne s’est rien passé”, a affirmé George Ekram, 18 ans.
Un membre du conseil militaire, le général Mamdouh Chahine, a prévenu par ailleurs que l’armée “n’utiliserait pas la force contre les manifestants, mais ferait preuve de fermeté face à toute tentative de sabotage”.
Ces avertissements n’ont pas empêché plusieurs milliers de personnes de défiler mardi en fin d’après-midi de la place Tahrir jusqu’au siège du gouvernement pour demander le départ du chef du CSFA, le maréchal Hussein Tantaoui.
Mercredi, un vaste complexe administratif qui borde la place Tahrir, la “Mougamma”, a pu rouvrir après avoir été bloqué pendant plusieurs jours par les manifestants.
Les militants critiquent la lenteur des réformes depuis la chute du président Moubarak, et réclament une purge de la police ainsi qu’une justice plus ferme et plus rapide à l’égard des anciens dirigeants.


 


 



 

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