La découverte de la Vraie Croix, œuvre d’Agnolo Gaddi

17-10-2023 03:30 PM


Nous commémorons le 17 Tout l’édification de la première église dédiée à la Sainte Croix, réalisée par l’impératrice Hélène. Comment fut redécouverte la croix de la Passion du Christ ? C’est le miracle raconté par Agnolo Gaddi comme une bande dessinée dans la plus grande des églises franciscaines de Florence. Avec un message, sur fond de vie quotidienne : « C’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie. »

Né dans une famille de peintres à Florence, Agnolo Gaddi a suivi une lignée artistique de son père Taddeo Gaddi (1300-1366), peintre et architecte, et de son grand-père Gaddo Gaddi, artiste. Agnolo Gaddi est connu comme le dernier grand artiste florentin prolifique qui a été influencé stylistiquement par le professeur de son père, Giotto di Bondone (1267-1337).

À la fin du XIVe siècle, Agnolo Gaddi est appelé par les frères mineurs à peindre le chœur de l’église Santa-Croce de Florence, la plus grande des églises franciscaines. S’inspirant de la « Légende Dorée », ouvrage rédigé en latin entre 1261 et 1266 par Jacques de Voragine, dominicain et archevêque de Gênes, qui raconte la vie d’environ 150 saints ou groupes de saints, saintes et martyrs chrétiens, et, suivant les dates de l’année liturgique, certains événements de la vie du Christ et de la Vierge Marie, Gaddi réalise un cycle de huit fresques, offrant à la méditation des fidèles une illustration de l’histoire de la Sainte Croix.
La Cappella maggiore de la basilique franciscaine de Santa Croce à Florence, autrefois placée sous le patronage de la noble famille Alberti, fut la dernière du transept historique à être peinte à fresque à la fin du XIVe siècle. La commande a été confiée à Agnolo Gaddi, le dernier descendant de la famille de peintres qui s’enorgueillissait d’une lignée artistique directe depuis Giotto. Les fresques ont fourni le modèle pictural que les Franciscains ont suivi pendant le siècle suivant. Gaddi était considéré comme un peintre progressiste.
L’événement artistique et culturel que constitue la décoration de la chapelle avec un cycle grandiose illustrant la légende de la Vraie Croix revêt de multiples significations dans le contexte florentin de l’époque. Il confirme le rôle de l’ordre franciscain dans la défense de l’Église catholique et établit les fondements iconographiques essentiels du sujet qui connaîtra une telle fortune en pleine Renaissance.
Les figures d’Agnolo tirent leur style essentiellement statique des fresques de Taddeo Gaddi (son père) dans la chapelle Baroncelli, bien que sa propre main soit évidente dans leurs poses allongées et élégantes, leur regroupement pour suggérer des volumes dans le paysage, et leur placement dans des espaces pleins et ouverts. Dans toutes les fresques, on trouve des exemples de traits de visage individualisés et convaincants qui suggèrent qu’ils ont été dessinés d’après nature. Les différentes scènes sont baignées de lumière, ce qui renforce la solidité des bâtiments et des éléments du paysage sur l’arrière-plan sombre. Les couleurs des costumes sont claires, ce qui confère à l’ensemble du cycle une vivacité proportionnelle à l’animation de ses personnages. Ces fresques marquent la fin d’un long développement de la peinture du XIVe siècle à Santa Croce qui, à partir des fresques de Giotto pour la chapelle Bardi, a établi de nouvelles manières de réaliser la narration.
Sur un même panneau, le peintre Agnolo retrace deux événements successifs, comme en une bande dessinée médiévale. Sur la partie droite, Hélène découvre la croix, à gauche, elle en vérifie l’origine en en touchant une femme à l’agonie. Trois croix avaient été dégagées, la malade recouvre la santé au contact d’une seule, prouvant qu’elle était bien celle de la Passion, seule capable de réaliser un miracle. Semblant sortir de son sommeil, la malade se redresse. Les deux autres croix, celles des larrons, sont laissées sous le lit. L’histoire évoque aussi un mort que la proximité de la croix aurait ressuscité.

La foule se presse, compacte et grave, autour de la mère de l’Empereur, dans une atmosphère recueillie. Hélène porte une robe rouge, couleur du pouvoir qu’elle détient. Les autres personnages portent tous des vêtements soignés, à la hauteur du caractère exceptionnel de l’instant. Les élégants drapés sont de couleurs variées, plus claires. Réalité historique ou tradition, seule compte ici la foi dans le Christ, dont le sacrifice sur la croix a permis de sauver les hommes, et l’infini respect des grands et du peuple pour le bois de la croix.

Un étonnant paysage occupe la partie supérieure. Les arbres voient presque leurs feuilles se confondre avec le ciel sombre, près de rochers aux formes issues d’une fertile imagination. À l’écart, un lion se repose à l’entrée d’une grotte, tandis qu’un paysan garde ses animaux, comme un rappel de la place de la nature dans la vie des franciscains, commanditaires de l’œuvre.

Deux moines, apparemment indifférents à la scène, ou ignorants de son existence, vaquent à leurs occupations. L’un pêche, l’autre tire de l’eau d’un puits. Un hommage à l’humble travail des disciples de saint François et à la spiritualité de leur fondateur, lien avec le thème principal de la fresque : « C’est en pardonnant qu’on est pardonné, c’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie. »

A noter à cet égard que la Vraie Croix, dite également Sainte Croix, est la croix sur laquelle Jésus-Christ a été crucifié. Lors d’un pèlerinage en Palestine entrepris en 326, la mère de l’empereur Constantin Ier, l’impératrice Hélène a découvert la Croix de Jésus ainsi que celles des deux larrons, au Calvaire, à l’endroit où fut ensuite construit le Saint-Sépulcre.
Elle lui construisit une église, la consacra et la célébra pour l’Honorable Croix le dix-septième jour du mois de Tout. Les chrétiens se rendent en pèlerinage à cet endroit chaque année, comme ils le font pour la fête de la Résurrection.
Un Samaritain du nom d’Isaac, qui voyageait avec sa famille parmi les gens qui se rendaient à Jérusalem, reprocha à ces derniers de se donner tant de mal pour aller à Jérusalem adorer un morceau de bois. Parmi ces gens, il y avait un prêtre nommé Okhidus. En chemin, ils eurent soif. Ils ne trouvèrent pas d’eau et arrivèrent à un puits où l’eau était mauvaise et amère. Les gens furent consternés. Isaac le Samaritain se mit à se moquer d’eux en disant : “Si je suis témoin d’une puissance nommée Croix, je deviendrai un croyant du Christ.” Le prêtre Okhidus, animé d’un zèle divin, pria sur cette eau infecte et y fit le signe de la croix, et elle devint douce. Tous les gens et leurs animaux burent, mais quand Isaac but, l’eau était amère et vermoulue. Il regretta, pleura et vint trouver le saint, le père Okhidus, se prosterna à ses pieds et crut au Seigneur Christ. Il but alors de l’eau et la trouva douce. L’eau de ce puits avait le pouvoir de devenir douce pour les croyants et amère pour les autres. Une croix de lumière apparut dans le puits et une église y fut construite. Lorsque Isaac le Samaritain arriva à Jérusalem, il se rendit auprès de l’évêque qui le baptisa, lui et sa famille.
Comme la fête de l’apparition de l’Honorable Croix, qui a lieu le dixième jour de Baramhat, se déroule toujours pendant le jeûne, elle a été substituée par les pères au dix-septième jour de Tout, qui est le jour de la consécration de son église.
Ce récit central de la légende constantinienne a lancé le culte de la « Vraie Croix » qui devint dès lors l’une des principales reliques de la Chrétienté, faisant l’objet d’une vénération particulière.

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