Les émeutes en France vues par la presse

17-07-2023 07:49 PM


Les émeutes qui agitent la France depuis la mort de Nahel, 17 ans, tué par un tir policier, continuent de faire la Une de la presse internationale. La plupart des grands journaux du monde en parle. Depuis cet incident survenu mardi 27 juin, les émeutes urbaines sont très suivies à l’étranger.

La tension semble retomber après les violences de ces derniers jours. Le président Emmanuel Macron a reçu mardi dernier les maires de plusieurs communes touchées par les émeutes. Les maires y étaient aussi en première ligne pour remettre leurs quartiers sur pieds. Dans « La Croix », plusieurs d’entre eux ont exposé leurs idées pour sortir de la crise. ¬Nicolas Mayer-Rossignol, le maire socialiste de Rouen, a affirmé que “ les maires attendent d’abord de la considération de la part de l’État, ce qui passe par davantage de pouvoir d’action”. Cet élu a souhaité aussi “une réforme de la police nationale”, dont les agents sont perçus aujourd’hui comme des “intrus” dans les quartiers. Son collègue Ali Rabeh, le maire Générations de Trappes, en banlieue parisienne, a demandé à l’État, d’en finir avec la ségrégation spatiale. Pour « Le Figaro », ces maires qui “appellent au sursaut” sont “les porte-voix de la France ordinaire” – des élus qui “subissent chaque jour l’absence totale de politique migratoire” et “forment, avec la police, les pompiers, et les professeurs, le rempart civique, la réserve d’humanité, qui tient face aux assauts de la décivilisation”.

En Suisse, le quotidien « Le Temps » aborde dans une vidéo la problématique des tirs mortels lors des refus d’obtempérer. Le politologue spécialiste des questions de police Sebastian Roché dresse un comparatif du nombre de tirs policiers mortels contre des véhicules entre la France et d’autres pays européens. “En Allemagne, il y a eu un tir mortel en dix ans pour refus d’obtempérer, contre 16 en France depuis un an et demi”, explique-t-il. Selon lui, la loi de 2017, encadrant l’usage des armes à feu par les policiers en cas de refus d’obtempérer, “augmente le nombre de personnes tuées par la police sans bénéfice pour la sécurité de la population.”
Pour Paul Ackermann, correspondant à Paris du quotidien suisse, les violences que connaît la France sont le reflet “de nombreuses colères différentes”. Il estime toutefois que “contrairement aux autres colères françaises, celle des banlieues a du mal à s’organiser, à se transformer en pression politique durable et tout laisse à penser qu’elle continuera donc à ne pas être entendue sur le long terme.”
La Belgique n’a pas été épargnée par les violences. Selon la police locale, 63 personnes au total, dont 47 mineurs, ont été arrêtées à Bruxelles le temps d’un contrôle d’identité, notamment dans le quartier de la gare du Midi et la commune bruxelloise de Saint-Gilles. Un autre mineur soupçonné de coups et blessures sur un inspecteur de police a passé la nuit du 29 juin en garde à vue, avant d’être relâché le 30 juin. Sur son site internet, le quotidien « La Libre » précise que “plusieurs feux ont été déclenchés, ce qui a nécessité la présence des pompiers, qui sont rapidement intervenus pour maîtriser les incendies” et qu’“une voiture a notamment été brûlée.”
Du côté de la « RTBF », le “spectre des émeutes de 2005” est évoqué. “À l’époque, la France avait fait face à trois semaines d’embrasement de ses banlieues”, rappelle le média public belge. Ces émeutes avaient fait suite à la mort de Zyed et Bouna, deux adolescents de Clichy-sous-Bois qui tentaient d’échapper à la police. Depuis, malgré les tentatives des gouvernements successifs, aucune solution n’a été apportée aux populations des banlieues, “zones périphériques souvent isolées, oubliées des politiques publiques et qui concentrent de nombreuses problématiques sociales”, décrit la RTBF.
Le quotidien algérien « El Watan » écrit aussi à propos de l’extension des violences vers la Belgique. Le journal rapporte que la police de Bruxelles-Capitale-Ixelles explique que “dans différentes communes, des jeunes se rassemblent et jouent au chat et à la souris avec les forces de l’ordre”.
D‘autre part, le média américain « CNN » rapporte que Mounia, la mère de Nahel, jette la faute uniquement sur le policier qui a tué son fils. Par ailleurs, le commentateur des affaires européennes de la chaîne américaine Dominic Thomas explique que “les problèmes fondamentaux sont plus importants que ce seul incident.” “Il y a peu de confiance envers la police et les policiers sont réputés pour se protéger entre eux lorsqu’il s’agit de ce type d’enquêtes”, poursuit-il.
Le média britannique « BBC » s’interroge sur les raisons pour lesquelles les policiers utilisent des armes lors des contrôles routiers. En rappelant le changement de loi en 2017 permettant aux policiers de tirer dans cinq différents cas de figures, dont les contrôles routiers, le site d’information explique que l’avocat du policier estime que son client “n’a pas agi en dehors du cadre légal.”
« The Financial Times », le quotidien britannique, note que “le meurtre de Nahel par un policier rouvre de vieille blessures pour les minorités françaises”, en faisant état du “profond sentiment de déjà-vu qui prévaut” en France, où “les réactions radicalement divergentes” des uns et des autres “soulignent les divisions profondes de la société française, les tensions entre les jeunes et la police et l’incapacité des gouvernements successifs à améliorer la situation, malgré 40 ans de plans pour les banlieues”.
Pour le podcast du quotidien allemand « Die Zeit », l’éditorialiste allemand Fabian Scheler estime que la France est en train de vivre son “moment George Floyd.” Un autre quotidien allemand, « Süddeutsche Zeitung » pose de son côté la question de la nécessité de changements au sein de la police française.
La presse française revient largement sur l’incendie du domicile de l’élu Vincent Jeanbrun, après une attaque à la voiture-bélier. S’il n’était pas présent, sa femme et ses enfants l’étaient. La justice a ouvert une enquête pour “tentative d’assassinat”. Dans « Le Parisien/Aujourd’hui en France », le maire de l’Haÿe-les-Roses, en banlieue parisienne, assure que les émeutiers “ne lui font pas peur” et appelle à un “sursaut républicain”. Dans « L’Humanité », une centaine d’élus communistes demandent à Emmanuel Macron d’organiser un débat national “sur la cohésion territoriale, contre les discriminations et les précarités”.
Les dégâts de ces derniers jours sont d’une “ampleur inédite depuis 2005”, d’après « Les Echos ». À Marseille, « La Marseillaise » évoque “la lourde facture de la terrible fracture sociale”.
« Libération » relève que l’extrême droite “s’indigne des milliards qui auraient irrigué les quartiers”, mais estime qu’avec des plans banlieues “négligés depuis des années, le problème semble surtout résider dans les rapports entre la jeunesse et la police”. L’analyse n’est pas partagée par le « Figaro » qui voit la police confrontée à “la violence barbare” d’une jeunesse “qui casse tout”, de “gamins sans éducation, encouragés par quelques irresponsables de gauche qui soufflent sur les braises de l’incendie et ont une singulière conception de la démocratie”.
Pour « La Croix », la présence de jeunes adolescents parmi les émeutiers “souligne la précarité des familles dans les quartiers dits sensibles”, où les parents – souvent des mères célibataires – manqueraient de “soutien de la part des pouvoirs publics”.
Enfin « L’Opinion » indique que les événements de ces derniers jours “ont mis un coup d’arrêt brutal à la stratégie de reconquête de l’opinion d’Emmanuel Macron”, dont l’annulation de la visite en Allemagne pour cause d’émeutes constitue une “humiliation diplomatique”, selon le journal.
Pour « Le Soir », ce qui se passe “met à mal l’image d’un pays qui semble vivre sur un volcan”. Le journal belge se pose lui aussi “la question des pourquoi” et juge que “les habitants des cités d’aujourd’hui n’ont pas de voix propre, pas de citoyenneté, pas d’appartenance à “leur” pays”.

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