La Résurrection de Paolo de Matteis dans le Saint-Sépulcre

15-05-2024 08:40 AM


« Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité !» il a vaincu la mort ; à ceux qui sont dans les tombeaux, il a donné la Vie. Aujourd’hui, nous célébrons la résurrection. Watani Francophone vous adresse ses meilleurs vœux de Pâques et vous invite à découvrir à cette occasion la peinture de “La Résurrection” de Paolo de Matteis au Saint-Sépulcre .

Il n’y a pas de regard de pèlerin qui ne se soit attardé, au moins au cours des trois derniers siècles, sur le tableau qui domine la partie supérieure de l’Edicule du Saint-Sépulcre, au-dessus de la porte basse par laquelle on entre dans la chapelle de l’Ange. “La Résurrection du Christ”, une huile sur toile de Paolo De Matteis , peintre italien de la période baroque, datant de la fin du XVIIème siècle ou du début du XVIIIème siècle. Aujourd’hui, le tableau ne fait presque plus qu’un avec le Sépulcre. Il s’agit en fait d’une oeuvre unique extraordinaire, car de toutes les représentations de la Résurrection, celle-ci est la seule à être placée à l’endroit même où l’événement s’est produit, image du moment culminant de la foi chrétienne.

Il y a plus de dix ans, la restauration de la toile au-dessus du sanctuaire de la Basilique a été entreprise .C’est en ce temps-là que la signature de l’auteur a été découverte, après trois mois de restauration. Le travail sur la toile était devenu nécessaire à cause de la poussière, de l’humidité, mais surtout de la fumée noire des cierges placés juste en-dessous, autant de facteurs qui, associés à l’emplacement, n’avaient pas permis jusque là d’identifier correctement l’auteur.
C’est à la demande du galeriste français Maurizio Canesso et du professeur Nicola Spinosa, Directeur du Musée de Capodimonte (Naples), que le tableau, après l’exposition organisée au château de Versailles sur ‘Le trésor du Saint-Sépulcre’, a fait l’objet d’une restauration à l’Atelier de Serge Tiers à Paris entre la fin de l’année 2013 et le début de l’année 2014.
Le 23 septembre 2013, Maurizio Canesso, galeriste, spécialiste de l’art religieux italien du XVe au XVIIIe siècle, était en voyage d’étude à Jérusalem. Il avait le généreux projet de faire restaurer un certain nombre des œuvres que possède la Custodie de Terre Sainte.
Lors de ses précédents voyages en Terre Sainte, son œil expert a déjà repéré plusieurs œuvres. Mais cette fois, il s’est fait accompagner du professeur Nicola Spinosa. Tous deux étaient juchés au sommet d’une échelle, posée devant le Tombeau vide de Jésus au Saint-Sépulcre. A la lumière d’une lampe électrique, ils inspectèrent de plus près le tableau qui domine sur l’édicule. Une huile sur toile de 1,51 x 1,42m.
Elle se trouvait là, comme le renseignent les archives de la Custodie, depuis avant 1808, date du grand incendie qui ravagea en partie la basilique de la Résurrection. Restauré en 1860 à Malte, le tableau a depuis à nouveau subi les outrages du temps.
Il suffit pourtant de quelques instants au professeur Spinosa pour identifier d’une voix enthousiaste qui perce le calme de l’église : “C’est un De Matteis”. Paolo De Matteis (1662-1728), formé à Naples, travailla au service du vice-roi espagnol de Naples. Et d’après le professeur Spinosa, c’est certainement ce tableau qui a inspiré le bas-relief en argent qui se trouve dans la chapelle des Apparitions adjacente à la sacristie.
La décision a été prise, si le statu Quo qui régit le Saint-Sépulcre le permet, l’œuvre devra être descendue pour être restaurée. Et le Statu Quo le permit. L’office technique de la Custodie se chargea quelques semaines plus tard de substituer à ce tableau une photocopie sur toile d’une autre résurrection. Car Statu Quo oblige, l’espace ne pouvait rester vacant.

Novembre 2014, les pèlerins qui s’étaient fait enfermer au Saint-Sépulcre ce samedi, dans l’espoir d’y prier tranquillement et en silence dans le Sépulcre vide de Jésus, ont été surpris. Ce soir-là, profitant de la petite fermeture hebdomadaire, l’Office technique de la Custodie, en accord avec les autres confessions chrétiennes, devait remettre à sa place le De Matteis.
Un an après, car outre sa restauration qui dura près de trois mois, il a en effet été exposé à Lugano à l’initiative de M. Canesso, avec d’autres tableaux de la Custodie mais aussi avec le bas-relief du Saint-Sépulcre qui, lui, avait déjà fait l’admiration des visiteurs de l’exposition au château de Versailles “le Trésor du Saint-Sépulcre”. Il a été de retour “à la maison” et a repris son office : nous rappeler que le Tombeau est vide car le Christ est vraiment ressuscité.

Depuis cette importante restauration, la toile a été protégée au-devant par une plaque de verre spéciale et, à l’arrière, par une feuille de polypropylène alvéolaire, ce qui lui permet de respirer, sans craindre ni la poussière ni la fumée des cierges.

La victoire sur la mort est racontée à travers la figure du Christ glorieux enveloppé d’une lumière délicate et chaude. Son corps présente une plasticité qui rappelle les exemples sculpturaux du classicisme grec. Cependant, il ne s’agit pas d’un Christ héroïque ou grandiose mais plutôt d’un Christ en extase.
C’est son regard qui attire l’attention, car dans la douceur pâle de son visage serein, ses yeux sont tournés vers le ciel, vers lequel son corps transporté s’élève avec délicatesse.
Le mouvement du Christ invite tout croyant qui s’arrête devant le Sépulcre à réfléchir sur la réalité ultime qui s’ouvrira à tout homme au terme de sa vie terrestre : le Royaume de Dieu, auquel fait allusion le bleu lapis-lazuli intense du drapé qui entoure ses hanches et qui s’ouvre vers le haut, comme s’il était emporté par le vent.

La toile du Saint-Sépulcre de Paolo de Matteis rappelle à certains égards la peinture de Luca Giordano, l’un des plus grands représentants de la peinture baroque napolitaine. Toutefois, l’élégance de ce tableau, les couleurs plus lumineuses et la douceur des traits sont autant de caractéristiques qui marquent déjà la transition du baroque au rococo, ou style rocaille, qui se répandra en Italie au tournant du XVIIème siècle.
Le tableau a été placé ici à la fin du XVIIème siècle, peut-être à la demande d’un bienfaiteur napolitain, un moine de l’ordre des Frères Mineurs en route pour Jérusalem. Dans le tombeau du Christ, qui appartient aux trois communautés, catholique, grecque orthodoxe et arménienne, chacun a pu, au fil du temps, placer des lampes, des candélabres et des tableaux, à l’intérieur et à l’extérieur de l’édicule. Toutefois, grâce à son emplacement particulier, cette œuvre d’art est sans doute l’une des représentations les plus admirées et les plus vues de la Résurrection du Christ.

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