Colère et alert en Egypte

15-12-2011 09:06 AM

Abdel Massih Felli


Le mouvement de protestation contre le régime en Egypte a fortement mobilisé parmi les jeunes et les classes moyennes au travers d’internet et des réseaux sociaux, posant un défi aux autorités tout comme à l’opposition traditionnelle. Comme en Tunisie, Facebook et Twitter ont fourni des outils de première importance pour sensibiliser, faire passer des slogans, indiquer des points de ralliement. Fer de lance de la contestation, le groupe d’opposition “Mouvement du 6 avril” a lancé quelques jours avant les manifestations une forme de sondage sur Facebook avec cette question: “allez-vous manifester le 25 janvier?”. Près de 90.000 personnes ont répondu “oui” sur la toile. Et quelques jours plus tard, dans la rue, les plus grandes manifestations anti-régime en 30 ans de pouvoir du président Hosni Moubarak avaient lieu. Une grande partie de l’opposition traditionnelle, laïque ou islamiste, qui avait boudé l’initiative ou ne s’y était ralliée que du bout des lèvres, multiplie aujourd’hui les communiqués de soutien.
La secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a demandé mercredi à l’Egypte, en proie à une vague de manifestations, de ne pas perturber le fonctionnement des réseaux sociaux sur internet et appelé toutes les parties à faire preuve de “retenue”. “Nous appelons toutes les parties à faire preuve de retenue et à s’abstenir de recourir à la violence”, a déclaré la ministre à la presse. “Nous soutenons les droits universels du peuple égyptien, notamment la liberté d’expression, d’association et de rassemblement et nous appelons les autorités égyptiennes à ne pas empêcher les manifestations pacifiques et à ne pas bloquer les communications, particulièrement celles des réseaux sociaux”, a-t-elle déclaré.


Marche des Egyptiens
Des manifestants égyptiens ont lancé mercredi des bouteilles incendiaires contre un bâtiment gouvernemental à Suez et mis le feu à une partie du bâtiment lors de violentes protestations contre le gouvernement, ont rapporté de témoins dans cette ville à l’est du Caire. Ils ont également lancé des cocktails molotov contre le siège à Suez du Parti national démocrate et se sont violemment affrontés avec la police qui a fait usage de gaz lacrymogènes et de balles caoutchoutées pour les disperser, selon les témoins. Selon des sources médicales, au moins 70 personnes ont été blessées lors des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre à Suez.


La police a affronté les manifestants et procédé à 500 arrestations mercredi en Egypte, au 2e jour d’une contestation populaire sans précédent en près de 30 ans de règne de Hosni Moubarak. Fer de lance de ce mouvement contre le régime, le “Mouvement du 6 avril”, un groupe pour la démocratie très actif sur internet, a appelé ses sympathisants à de nouvelles manifs ce vendredi. Dans la journée, des affrontements ont éclaté au Caire entre policiers et des centaines de manifestants ainsi qu’à Suez où 5000 personnes s’étaient réunies, malgré l’interdiction de rassemblement émise par les autorités.


Interdire de manifester
Les Etats-Unis ont appelé l’Egypte, un de leurs proches alliés, à lever l’interdiction de manifester, et à ne pas perturber le fonctionnement des réseaux sociaux sur internet. Le Premier ministre égyptien a affirmé que son gouvernement était “soucieux” de garantir la liberté d’expression à travers des “moyens légitimes”. Outre Twitter, le site internet suédois Bambuser, qui permet de visionner directement “en flux” sur internet des vidéos filmées par téléphone mobile ou webcam, est bloqué. Concernant Facebook, des utilisateurs ont fait état de problèmes ponctuels d’accès mercredi.


Grandes villes sous la pression
Ce mercredi, la pression n’est pas redescendue dans les rues de la capitale égyptienne. Les observateurs rapportent que des heurts opposant manifestants et policiers ont éclaté à la fois au Caire, à Suez ou Alexandrie, au lendemain de manifestations anti Moubarak – au pouvoir depuis 1981 – sans précédent. Des violences qui ont entrainé 500 arrestations, un nombre qui laisse envisager l’importance de la mobilisation de ce mercredi. En tout, quelque 700 personnes ont été arrêtées ces deux derniers jours. Selon une source médicale, un troisième manifestant est mort. Âgé de 45 ans, il a succombé à ses blessures au ventre, provoquées par des tirs de balles en caoutchouc, à Suez, dans le centre du Caire. Ce qui porte à quatre le nombre de morts dans les affrontements depuis mardi, en incluant les deux manifestants et le policier décédé la veille.
Signe des temps. Alors que la rue gronde de plus en plus fort contre le gouvernement égyptien et le président Moubarak, ceux-ci ont d’abord réagi en bloquant depuis mardi le site de microblogging Twitter, prenant sans doute en compte le rôle fondamental joué par les réseaux sociaux dans la chute du président tunisien Ben Ali. Ce même jour, deux manifestants et un policier ont trouvé la mort dans des affrontements au Caire. Face à un nouvel appel à la mobilisation, le ministère de l’Intérieur a officiellement interdit tout rassemblement hostile au régime. Alors que le ministre de l’Intérieur n’avait alors pas émis la moindre interdiction, il avait de toute façon déjà sévèrement réprimé la marche de protestation, arrêtant quelque 200 personnes. Auxquels s’ajoutent les trois morts, donc. Le communiqué émis ce mercredi, qui stipule cette fois clairement “qu’aucun acte de provocation, rassemblement de protestation, marche ou manifestation ne sera permis”, a donc surtout valeur de procédé d’intimidation.


Forces sécuritaires
Si la révolution tunisienne incite le peuple égyptien à se soulever, le régime d’Hosni Moubarak, sera, en effet, plus difficile à ébranler. En effet, le raïs dispose de soutiens bien plus forts que ceux dont bénéficiait Ben Ali. “Le président égyptien dispose d’une armée qui lui est fidèle ainsi que d’un service de sécurité solide”, explique Robert Solé, écrivain d’origine égyptienne, sur Europe 1. En témoigne la dure répression des dernières manifestations dans le pays, au cours desquelles au moins 500 personnes ont été arrêtées mercredi. La veille, trois manifestants et un policier ont été tués dans une manifestation. Il y a donc peu de chance que l’armée ne se retourne contre le raïs, estime Didier François, grand reporter à Europe 1. “L’armée a toujours été associée au pouvoir contrairement à la Tunisie et ne prendra pas le risque de lâcher Moubarak”, analyse-t-il.


Révendications politiques
Quant à la scène politique, elle reste verrouillée. Les législatives de novembre 2010 ont montré que le PND (Parti national démocrate), parti quasi unique dirigé par Moubarak, n’était pas prêt à faire une place plus grande à l’opposition. Alors que les élections précédentes de 2005, un peu plus ouvertes que d’ordinaire, le premier tour a été entaché de telles fraudes que les plupart des partis de l’opposition, dont les Frères musulmans, ont décidé de se retirer. Versant de la médaille, le PND dispose désormais d’une majorité si confortable – 494 sièges sur 508 que cela indispose même certains membres du parti. Dans ce context, lors d’une conférence de presse, la forces politiques officielles dirigée par le part du Wafd ont déclaré certaines révendications politiques y compris: la formation d’un gouvernement de transition, une nouvelle constitution plus libérale,  élections législatives anticipées puisque celles de l’Assemblée du peuple et Conseil de la Choura n’ont pas été démocratique, l’engagement du Président Moubarak de ne pas présenter sa candidature pour un nouveau mandat présidentiel en 2011, ainsi que son fils cadet Gamal Moubarak.

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