LES FILLES DU NIL De la Haute-Egypte au festival de Cannes

30-06-2024 06:38 AM


Le film égyptien «RAFAAT EINY LIL SAMA, «LES FILLES DU NIL», réalisé par Nada Riad et Ayman Al-Amir, a remporté l’Oeil d’or du meilleur film documentaire au 77e Festival international du film de Cannes, ce qui en fait le premier film de l’histoire de l’art égyptien à remporter ce prix. Le film a reçu un accueil chaleureux lors de sa première mondiale à la Compétition de la Semaine de la Critique du Festival, en présence des réalisateurs, de l’équipe de travail et des héroïnes du film de l’équipe « Panorama Barsha ».

L’Oeil d’Or est le prix du meilleur documentaire présenté à Cannes, décerné par le festival et par la SCAM (Société des auteurs multimédia), la plus grande société d’auteurs documentaires au monde. Cette année, l’Oeil d’or a été décerné aux “FILLES DU NIL». Ce documentaire suit une bande de jeunes filles du Sud égyptien qui montent dans leur village très conservateur une troupe de théâtre de rue pour se faire entendre. Grâce au soutien de l’OIF, les six jeunes filles ont pu être invitées sur la Croisette et augmenter encore l’audience de leur message féministe.

Le film se déroule dans un village copte du sud de l’Égypte, sur les traces d’un petit groupe de jeunes filles qui se rebelle en formant une troupe de théâtre de rue. Rêvant de devenir comédiennes, danseuses ou chanteuses, elles tentent de trouver leur place, défiant leurs familles et les traditions patriarcales de leur pays. Un film à la fois simple et lumineux, un film presque « mine de rien », qui donne à voir dans sa complexité le combat qu’elles mènent pour conquérir leur liberté et les remous que provoquent ce combat autour d’elles.

L’Œil d’or 2024 décerné à Nada Riyadh et Ayman El Amir

« Panorama Barsha » a été fondée par une femme nommée Justina Samir dans l’un des villages reculés du centre de Mallawi, dans le gouvernorat de Minya en Haute-Égypte. Cette troupe présente des pièces musicales et. des spectacles de danse à Barsha et dans des villages voisins, mais ces spectacles ont été très ridiculisés par les habitants. Cependant, les réalisateurs Nada Riad et Ayman Al-Amir en entendent parler et décident de documenter le parcours du groupe à travers un film documentaire, et la renommée de cette troupe est devenue internationale après avoir remporté le prix du Festival de Cannes.

Que de chemin parcouru depuis Barsha, petit village situé dans le sud de l’Egypte, à environ 200 kilomètres du Caire… C’est là que les cinéastes égyptiens Nada Riyad et Ayman Al Amir ont rencontré, en 2017, un groupe de jeunes femmes coptes pratiquant le théâtre de rue pour exorciser les maux dont elles souffrent : mariages précoces, harcèlement, contrôle des corps… Devant les habitants médusés, ou hostiles, elles vident leur sac, scandent leurs slogans, certaines en robes, bras nus. Elles font du bruit dans tous les sens du terme avec leurs percussions, l’une avec sa darabouka, une autre avec un genre de maracas… Elles ont pu se faire insulter, des garçons leur ont jeté des pierres, mais elles continuent.
Le couple de réalisateurs parle d’un « petit miracle » lorsqu’ils évoquent cette incroyable expérience qui a donné naissance à un documentaire, Les Filles du Nil, présenté à Cannes à la Semaine de la critique – le distributeur Dulac sortira prochainement le film en salle en France. Tourné sur plus de quatre ans, The Brink of Dreams, titre international, se dévore comme une mini-série avec ses coups de théâtre, le départ d’une fille, la dispute avec un fiancé, la vie de famille, les répétitions qui patinent… La spontanéité des protagonistes est frappante, qu’ils soient pour ou contre les performeuses.

«Les Filles du Nil» aborde donc un groupe de femmes qui tentent de créer leur propre communauté et qui n’ont de choix que d’être tiraillées entre leur envie de vivre de manière sincère et adhérer à l’ordre établi. Une gageure pour un grand nombre d’entre elles qui ne se retrouvent pas dans les normes préétablies. Les protagonistes se retrouvent à chercher qui elles sont, un voyage au cours duquel elles apprendront autant sur elles-mêmes et sur les traditions ancestrales qui sous-tendent la culture de leur village, charmant mais inerte, que sur le monde qui existe par-delà de ses frontières.
Dans ce contexte particulier, le village de Barsha se transforme en un microcosme pertinent au regard non seulement de la société égyptienne, mais aussi de la vie au sens large. Ce qui est fascinant chez ces adolescentes, c’est le manque de conscience et de respect pour les restrictions familiales, sociales, religieuses et économiques, alors que, en bordure du cadre, la caméra capture la peur et les restrictions que ces filles refusent de reconnaître. C’est là quelque chose d’unique à cet âge : croire si fort en ses rêves que ses croyances transcendent la réalité. Mais en grandissant, les frustrations, les doutes et les désirs s’immiscent jusqu’au centre de l’image, les forçant à chercher leur propre identité.

On peut ainsi découvrir comment celle qui veut chanter doit composer avec son époux, son ambition, les désirs d’enfants et le rôle de femme au foyer. L’autre fait face au chantage d’un fiancé autoritaire ainsi qu’à son propre déchirement interne. Les discussions qu’elle a avec son père d’une part, et son futur mari, feront-elles pencher la balance ?

Quant à celle qui veut faire du théâtre, elle travaille dans la boutique familiale dont l’exiguïté rend compte de l’étouffement qu’elle doit éprouver. Elle se démène entre un frère moqueur et un père dont le silence est lourd de significations. C’est le frère qui prend la relève et se veut le porteur du message paternel. Malgré les avertissements de ce frère conservateur, et un père qui apparaît de temps en temps silencieux comme une ombre qui la hante, fera-t-elle le choix du grand saut: aller au Caire, afin de poursuivre son rêve, en faisant des études d’art dramatique ?
Au cœur de « Les Filles du Nil » se trouve une histoire universelle de résilience et de défi qui résonne auprès du public bien au-delà des frontières de l’Égypte. À travers leurs performances et leurs récits personnels, les filles éclairent les contradictions inhérentes à une société prise entre la tradition et la modernité, où la quête de la liberté a souvent un prix élevé.
Le succès du documentaire à Cannes témoigne de sa narration exceptionnelle et de l’authenticité brute de ses sujets. Cela montre que la vraie grandeur ne réside pas dans de grands gestes ou des démonstrations extravagantes, mais dans le courage de faire face à l’adversité et d’embrasser notre moi authentique.
Comme le jury l’a noté, « Les Filles du Nil » est un film qui capture la complexité de la lutte pour la liberté avec à la fois simplicité et luminosité. Il offre aux téléspectateurs une occasion rare d’être témoin de l’esprit indomptable d’un groupe de filles qui refusent d’être confinées par les limitations qui leur sont imposées. Ce faisant, cela nous met au défi de réfléchir à nos propres notions de liberté, d’identité et d’attentes sociétales.
Dans un monde affamé d’histoires qui inspirent, « Les Filles du Nil » se présente comme un phare d’espoir et de résilience. Cela nous rappelle que, même dans les moments les plus sombres, l’esprit humain a le pouvoir de s’envoler au-dessus de l’adversité et d’atteindre les étoiles. Avec son récit captivant et son message puissant, ce documentaire remarquable ne manquera pas de laisser une impression durable sur le public pour les années à venir.

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