Jésus et la Samaritaine au Musée des Beaux-Arts

19-03-2023 06:04 PM


Ce 4e dimanche de Carême commémore la rencontre entre Jésus et la Samaritaine près de la fontaine de Jacob (Jean, 4:5-42). Comme, se reposant près d’un puits lors de son retour en Galilée, Jésus lui demande à boire, la Samaritaine s’étonne qu’il ose, lui, un Juif, lui demander de l’eau : les Juifs méprisaient les Samaritains et ne leur adressaient pas la parole. Jésus lui répond que l’eau qu’elle puise n’étanche pas la soif, mais que l’eau vive qu’il donne devient jaillissante et que quiconque en boit n’aura plus jamais soif. Occasion de faire une lecture d’image sur l’œuvre du peintre français Philippe de Champaigne.

Le tableau de ce peintre Jésus et la Samaritaine (1602-1674) choisi pour cette description se trouve face à l’entrée de la salle consacrée à la peinture française du dix-septième siècle dans le musée des Beaux-Arts de Caen. Philippe de Champaigne fait partie de cette école de peintres du mouvement classique qui expriment avec talent la représentation des écrits bibliques sous forme illustrative.

L’artiste est né à Bruxelles mais il fit sa carrière dans le royaume de France où il fut naturalisé. Il a exécuté des peintures pour Marie de Médicis, le roi Louis XIII et Anne d’Autriche ; il est reconnu comme l’un des grands peintres classiques français. Au cours de sa vie, Champaigne a réalisé de nombreuses œuvres pour les différents palais et églises de Paris.

L’œuvre décrite, « Le Christ et la Samaritaine », a été réalisée pour l’église Port-Royal de Paris. Le sujet de cette toile est une représentation des bienfaits de la religion à travers une scène illustrant la conversion par le Christ d’une Samaritaine, habitante de la ville de Samarie en Palestine.Si la toile est présentée dans un cadre carré, elle a la forme d’un rond, appelé Tondo, d’environ un mètre de diamètre. Cette présentation met en valeur les figures ainsi que les formes adoucies par la courbure des lignes. L’ensemble du tableau a une grande fluidité et une très grande grâce.

Au premier plan se trouvent les deux personnages, le Christ à gauche, et la Samaritaine à droite. Jésus est venu en Samarie pour convertir les habitants de cette région. Après avoir envoyé ses apôtres à la ville pour chercher de la nourriture, il se rend auprès du puits où la Samaritaine est venue chercher de l’eau. Le Christ explique à la jeune femme que l’eau qui est dans le puits satisfera sa soif physique mais que, lui, satisfera sa soif spirituelle en lui montrant l’existence de Dieu.Le message religieux que veut faire passer l’artiste s’exprime par un dialogue muet et instantané. C’est l’expression des personnages et la symbolique utilisée qui nous transmettent le discours échangé entre Jésus et la Samaritaine.

Deux gestes sont primordiaux dans ce message.
Tout d’abord, le Christ, assis, tend son bras gauche, la main vers le puits, tandis que son bras droit, accoudé sur une pierre, montre le ciel de son index. Cette posture forme une diagonale partant du doigt levé vers le ciel, en haut à gauche, vers l’autre main, plus au centre et plus bas.

Par ailleurs, la femme, debout, à peine plus grande que le Christ assis, est représentée de face. Mais son visage est de profil, complètement tourné vers Jésus. Son bras droit est plié, la main posée sur son cœur. Sa main gauche, en parallèle à celle du Christ, indique la terre, paume vers le bas. Elle est représentée en raccourci, donnant un superbe effet de perspective, car le spectateur a l’impression que la main sort du tableau. Le geste de la Samaritaine exprime la stupeur et l’acceptation. On sent qu’elle a bien été convaincue par les paroles de Jésus.

Derrière le Christ, on aperçoit la grande roue et les pierres du puits de Jacob. A l’arrière plan, sont représentés quelques apôtres sur le chemin de Samarie. La ville, représentée notamment par ses tours et sa grande porte, apparaît encore plus loin sur une colline.

Le travail du peintre est remarquable. Il a représenté les deux principaux personnages en leur donnant une réelle beauté. Leurs corps évoquent des sculptures antiques. La Samaritaine est très jolie et bien proportionnée. Le Christ, quant à lui, est représenté comme un homme grand et musclé. On peut imaginer que, comme certains peintres l’ont fait, l’artiste a peint d’abord les corps nus puis les a habillés afin de mieux faire ressortir les courbes de leur anatomie.

Les couleurs de ce tableau sont assez sobres, car aucune couleur vive n’attire particulièrement l’œil. Elles sont toutefois assez soutenues. Le pied nu du Christ, par exemple, de couleur rose, est chaussé de sandales jaunes ornées de lanières bleu clair. Le drapé de son manteau est d’un très joli bleu lapiz lasuli. Toujours dans cette volonté de séduire l’œil, l’artiste a peint la tunique du Christ d’une couleur parme qui se marie à merveille au bleu du manteau. Elle est tenue par une ceinture d’un bleu gris du plus bel effet. Le ciel au-dessus des personnages est d’un bleu ciel sans nuage.

La Samaritaine, pour sa part, est habillée d’un manteau de couleur jaune d’or très doux. Le drapé de ce manteau recouvre son bras gauche comme un rappel de celui du Christ. Son bras droit est découvert. Sa tunique, d’une couleur vert bleu, est ornée d’un nœud rose qui ne tombe pas à la verticale, mais semble voleter, indiquant que le peintre a saisi l’instant où elle pose sa main sur son cœur. Son coude dénudé laisse apparaître le froufrou de sa chemise blanche qui tombe en remous. On peut penser que ces remous symbolisent ce que la Samaritaine ressent après avoir entendu les paroles troublantes du Christ.

Toute cette symbolique demande une grande réflexion à l’artiste pour faire passer le message qu’il veut exprimer. Une rencontre loyale avec Celui qui sauve, une mise en ordre courageuse de notre vie, une entrée dans la mission de Jésus, là où nous sommes, tels que nous sommes: C’est bien cela que le Sauveur nous offre pour cette semaine de Carême.

Aujourd’hui ne fermons pas notre cœur, mais écoutons la voix du Seigneur.
La première semeuse de la Parole est une femme que chacun regardait peut-être de travers, elle, la femme aux cinq maris. C’est le renversement des valeurs à cause de l’Évangile: «Il élève les humbles.» Elle devient porteuse de vie pour ses concitoyens et les conduit à Jésus. C’est notre mission, qui que nous soyons, jusqu’à notre dernier souffle. Croyons que Dieu nous aime avec notre passé, notre présent et notre avenir.

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