Mitterrand et l’Egypte: «fascination particulière»

17-01-2021 11:24 AM


Le 8 janvier marquait le 25e anniversaire de la mort de l’ancien président de la République française. De la pyramide du Louvre à son ultime séjour sur les bords du Nil quelques jours avant sa mort, l’Egypte a tenu une place particulière dans la vie de François Mitterrand.

Malgré les contraintes sanitaires, et en présence du Président de la République, Emmanuel Macron, de M. François Hollande, du Premier secrétaire du PS Olivier Faure, du Président de l’Institut Hubert Védrine, de Gilbert Mitterrand et de plusieurs membres de la famille, hommage a été rendu à François Mitterrand au cimetière de Jarnac, pour le 25ème anniversaire de sa mort.

La cérémonie d’hommage, avec un dépôt de gerbe, a eu lieu au cimetière des Grands’Maisons où est enterré l’ancien chef de l’Etat. Crise du coronavirus oblige, cette cérémonie ne pouvait pas accueillir plus de 30 personnes. Emmanuel Macron s’est rendu ensuite dans la maison natale de François Mitterrand, devenue musée, à quelques centaines de mètres du cimetière.

Le président de la République n’a pas pris la parole, voulant faire de ce déplacement “un temps d’hommage et de recueillement”, alors que s’ouvre cette année Mitterrand, avec le quarantième anniversaire de son élection le 10 mai 1981, et de l’abolition de la peine de mort le 9 octobre.
François Mitterrand est resté deux septennats complets à l’Elysée, de 1981 à 1995.

Il est à noter que c’est à Assouan sur les bords du Nil, en Egypte, que François Mitterrand a passé son ultime Noël en 1995. Comme beaucoup d’autres grands de ce monde, il séjournait régulièrement au mythique Old Cataract, ce palace posé sur la falaise qui surplombe le fleuve.

“C’est le dernier Noël que nous passons ensemble. Oui, nous sommes partis une fois de plus, loin des médias, de la France et du quotidien. Mais je savais que nous transporterions, dans nos bagages, la maladie et l’imminence de la mort”, écrit sa fille Mazarine dans son ouvrage «Bouche cousue».

Le 29 décembre 1995, jour de son départ d’Egypte pour Paris, il signera, d’une main où l’usure du temps marque son empreinte, le livre d’or de l’hôtel. Il décédera dix jours plus tard.

A en croire les chroniqueurs, ce n’est pas tant le confort de cet hôtel hors normes que recherchait l’ancien chef de l’Etat français, que la vue qu’il offre sur le fleuve sacré des pharaons. Le lieu est propice à la méditation, surtout quand l’heure de la mort est proche.

Ainsi, depuis la terrasse de sa suite, François Mitterrand pouvait contempler le site particulièrement riche d’histoire de l’île Eléphantine, en face du palace. Un îlot de 1,5 km de long où se trouvent des sépultures pharaoniques, un monastère chrétien et où vécut une colonie juive. La réunion de tant de spiritualités sur un même lieu ne pouvait que fasciner l’ancien président.

“Je voudrais mourir dans l’un des plus beaux endroits du monde… à Assouan où l’on se sent si grand, avec le ciel pour soi…”.

Ces paroles, François Mitterrand les prononça le 28 décembre 1995, il ne lui restait alors que peu de jours à vivre…Voilà bien une preuve de son très fort attachement à l’Égypte, et ce n’est pas la seule…

Comment ne pas rappeler que le premier socialiste à occuper la présidence de la République Française (mai 1981 – mai 1995) avait, le 26 septembre 1981 – quelques mois seulement après son élection -, renoncé officiellement au second obélisque du temple de Louxor ? Et que, dans le cadre du projet “Grand Louvre”, il avait choisi l’œuvre de l’architecte Ieoh Ming Pei : une pyramide dont les proportions s’inspirent de celles de Khéops !

L’intérêt que portait François Mitterrand pour l’Egypte, sa civilisation et sa symbolique ne se discute pas. Il connaissait les tombes de chaque pharaon.

François Mitterrand a été, comme tous les érudits de son époque d’avant-guerre, formé sur un socle littéraire qui repose sur la Grèce antique, Rome et l’Egypte des pharaons.

L’Egypte restera jusqu’à sa mort une grande source d’inspiration, lieu de méditation et d’introspection. Ainsi, c’est à l’issue de l’ascension du mont Sinaï, en décembre 1987, que Robert Badinter qui l’accompagne

François Mitterrand et l’Egypte.
François Mitterrand quitte définitivement Venise en juin 1995, où il est venu pour visiter, au Palazzo Grassi, l…

voit un signe. “J’ai compris à ce moment-là qu’il se représenterait pour un second mandat. Il venait de faire son test d’endurance.”
Et c’est au cours de ce second septennat que le surnom de “tonton” véhiculé par la presse française s’effacera, pour laisser la place à celui de “Sphinx”..

Son amitié, et celle de la France, pour une nation de haute et antique culture, pour un peuple accueillant et généreux, pour un Etat qui fait entendre dans une région déchirée une voix de paix et de sagesse étaient autant de facteurs qui le poussaient à cette passion pour l’Egypte.
Pour lui, les relations égypto-françaises sont un modèle dans la mesure où elles embrassent tous les domaines de coopération et où elles reposent sur un vrai partenariat. Il affirmait que l’Egypte pourra toujours compter sur la France pour son développement et sa modernisation. Ceci se base sur les réalisations communes, dont le métro du Caire est un des symboles.
Dans ce cadre, Mitterrand attachait beaucoup d’intérêt à la mise en oeuvre du projet de la Bibliothèque d’Alexandrie, là même où rayonnait il y a 2000 ans la plus vaste bibliothèque du monde, où furent conservés des ouvrages comme ceux d’Aristote ou la première traduction en grec de la Bible des Septentes qui ont eu une immense influence sur le développement de la pensée de l’humanité.
Selon lui, la renaissance de la bibliothèque d’Alexandrie symbolise ce lien entre une civilisation ancienne, prestigieuse et l’Egypte moderne, attachée à ne rien négliger des apports de la science d’aujourd’hui.
Il était convaincu que la France se sent à bien des titres concernée par la réussite de cette ambitieuse opération. D’abord parce qu’avec ses 200000 volumes, cette nouvelle bibliothèque apporterait une contribution majeure à la conservation et à la mise à disposition du patrimoine culturel mondial. C’est d’ailleurs ce qui a conduit l’UNESCO à mobiliser la communauté internationale et la France à répondre à son appel dans le cadre d’un programme de coopération multilatérale. Ensuite parce que des liens privilégiés unissent la France à l’Egypte et au monde méditerranéen qui fut et doit rester un foyer de développement culturel. Il pensait que le gouvernement français est également prêt, par l’intermédiaire notamment de sa bibliothèque nationale et du ministère de l’éducation, à apporter une aide directe, concrète, allant de la fourniture d’ouvrages et de catalogues sur microfiches à la formation des personnels de la future bibliothèque égyptienne.
Il y avait enfin une raison supplémentaire pour laquelle la France se sentait particulièrement proche de la démarche de l’Egypte :étant elle-même engagée dans le projet d’une grande bibliothèque et tout à fait intéressée aux possibilités de collaboration avec la bibliothèque d’Alexandrie. Il a conclu que les moyens modernes de communication et de consultation à distance le permettent et c’est, pour les deux pays, une chance à saisir ensemble.
La création à Paris de l’Institut du Monde Arabe, qu’il avait personnellement inauguré, stimule également l’intérêt pour les romanciers et poètes du Maghreb et du Machrek.
Cet amour que Mitterrand ressentait pour l’Egypte et pour son peuple était partagé. Dans “La mémoire de Thèbes”, Christian Leblanc traduit ainsi le sentiment des Egyptiens envers lui : “Il a laissé le souvenir d’un homme d’Etat respecté, qu’on savait amoureux de la vallée du Nil et notamment de cette paisible cité d’Assouan”.

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