Popularité à travers les siècles de Saint Nicolas de Myre

06-12-2018 10:59 AM


Fêté en décembre, saint Nicolas de Myre est un des saints les plus populaires au monde. Retour sur les étapes historiques qui ont conduit ce “natif” de l’actuelle Turquie à une notoriété qui dépasse les confessions religieuses.

A l’instar de saint Nicolas de Myre, peu de saints peuvent se vanter d’une telle popularité établie dans toute l’Europe, le Moyen-Orient, la Russie et les Amériques. Il y a une grande disproportion entre ce que nous savons de sa vie – c’est-à-dire, rien – et son culte largement développé.

Ce que l’on peut avancer: saint Nicolas de Myre, né vers l’an 270 à Patare, en Lycie, dans l’actuelle Turquie, est d’abord oriental. Il est un des saints les plus populaires de l’orthodoxie. En Orient, Nicolas est incontestablement un thaumaturge [faiseur de miracles]. Mais son culte est vécu d’une perception moins légendaire qu’en Occident. Pour les orthodoxes, il est avant tout un docteur de l’Eglise. En tant qu’évêque de Myre, saint Nicolas assista sans doute au Concile de Nicée, en 325. Il aurait même combattu les erreurs théologiques d’Arius – prêtre d’Alexandrie à l’origine de l’arianisme, une hérésie chrétienne condamnée durant le Concile.

Les premières paroles du ‘tropaire’ [chant liturgique orthodoxe] qui lui sont adressées s’expriment ainsi: “La justice de tes œuvres a fait de toi pour ton troupeau une règle de foi, un modèle de douceur, un maître de tempérance”.

Un modèle dès son plus jeune âge. Quand ses parents meurent de la peste et lui laissent un riche héritage, Nicolas décide de consacrer sa fortune aux bonnes œuvres. Comme évêque, on dit qu’il était un modèle pour les fidèles de son diocèse, ne mangeant pas plus qu’une fois par jour, priant et travaillant sans relâche. A tel point que lorsqu’il est jeté dans un cachot et soumis à la torture, pendant la persécution de l’empereur romain Dioclétien, entre 303-313, personne n’ose le faire mourir, par peur de la vengeance de son peuple.

Dès sa mort, estimée en 343, son tombeau à Myre – l’actuelle Demre – devient un lieu de pèlerinage. Selon la tradition, une huile miraculeuse s’écoula du tombeau, lorsque ses reliques sont enlevées en 1087 par des marchands de Bari pour les rapporter dans leur ville des Pouilles.

Les légendes ne laissent pas par hasard, elles sont souvent le fruit d’une vie exemplaire. L’histoire la plus célèbre étant la résurrection par saint Nicolas de 3 enfants, qui avaient été découpés par un boucher et placés dans un saloir.

Une légende qui s’est probablement répandue d’abord en France, au 12e siècle, alors que Nicolas, en vertu de sa jeunesse studieuse, est considéré comme le saint patron des écoliers. Ce miracle va faire de lui le patron des enfants pour le monde occidental.

Le culte à saint Nicolas, déjà pratiqué à Rome au 7e siècle par des moines orientaux, s’est véritablement imposé en Occident à partir de 1087. De manière constante durant le deuxième millénaire, des apparitions de Nicolas et des demandes d’intercession vont se multiplier. Cinq papes, deux tsars et un roi portent son nom. Un nombre élevé d’églises lui sont dédiées, dans l’est de la France (Lorraine, Alsace), en Belgique, au Luxembourg, en Angleterre, en Suède, au Danemark, en Islande, en Suisse, en Allemagne. Une église antique dédiée également à saint Nicolas se trouve dans le quartier d’el-Ibrahimiya à Alexandrie. Elle appartient à l’ancienne communauté grecque orthodoxe.

Une autre église appartenant aux coptes orthodoxes se trouve à Benha. L’église a été fondée par la secte grecque orthodoxe en 1910. Lorsque le nombre des Grecs a diminué à Benha, l’évêque Maximos, évêque de Qalioubiya, l’a achetée en 1980 et y a célébré sa première messe le 27 juillet 1980.

Même après la Réforme, des protestants hollandais continuent de fêter la ‘Sinter Klaas’ (traduction flamande de Saint-Nicolas) le 6 décembre et l’exportent, à partir de 1614, à la Nouvelle Amsterdam, qui deviendra New York en 1667.

Dans l’église orthodoxe orientale, la mémoire de Saint-Nicolas est célébrée presque tous les jeudis de l’année (avec les apôtres), avec des hymnes spéciaux qui se trouvent dans le livre liturgique appelé Octoechos. Peu de temps après le transfert des reliques de Saint-Nicolas de Myre à Bari, une version russe de sa vie et un compte-rendu du transfert de ses reliques ont été écrits par un contemporain à cet événement. Acathistes de dévotion et chanoines ont été composés en son honneur et sont fréquemment scandés par les fidèles lorsqu’ils demandent son intercession. Il est mentionné dans la liturgie de préparation au cours de la Divine Liturgie (Eucharistie Orthodoxe Orientale) et au cours de la veillée nocturne. Son icône est apposée dans de nombreuses églises orthodoxes, même si elles ne portent pas son nom. Dans l’Orthodoxie Orientale, l’Église copte observe le départ de Saint-Nicolas le 10 Kiahk, ou 10 Taḫśaś en Éthiopie, ce qui correspond au 6 décembre du calendrier julien et au 19 décembre du calendrier grégorien.

Au 13e siècle, la Légende dorée, de Jacques de Voragine va compiler toutes les belles histoires qui se racontent sur le saint, parmi lesquelles: le sauvetage des marins grecs, le sauvetage des 3 officiers romains et le sauvetage de 3 jeunes filles de la prostitution. Sur les icônes, saint Nicolas est souvent représenté avec un livre et trois boules d’or. Ces 3 boules symbolisant les dots que Nicolas a secrètement données aux 3 jeunes filles, afin que leur père puisse les marier et leur éviter la prostitution. Le chiffre 3 rappelle certainement aussi la Trinité, que Nicolas a défendue, face à l’arianisme, durant le Concile de Nicée.

Le ‘Sinter Klaas’ flamand devient progressivement ‘Santa Claus’ en anglais. La proximité entre la Saint-Nicolas et la fête de Noël conduisent petit à petit saint Nicolas de Myre, monté sur son âne, à se transformer en Père Noël du Pôle Nord, tiré par ses rennes, au 19e siècle. Et cette nouvelle mascotte – immortalisée au 20e siècle par une célèbre marque de soda – est rapportée en Europe par les soldats américains à l’issue de la Seconde guerre mondiale.

Les historiens savent que Saint-Nicolas a une réputation de générosité, qui remonte à plusieurs siècles. Par exemple, le livre « La Légende dorée », publié par un ecclésiastique génois vers 1260, affirmait que Saint-Nicolas avait gardé trois sacs d’or à travers la fenêtre d’un pauvre seigneur chez lui afin que celui-ci puisse fournir une dot à ses enfants pour qu’ils puissent s’en procurer afin de ne pas être vendus à la prostitution.

Au fur et à mesure que la légende de Saint-Nicolas se développait, cette réputation perdura. Dans certaines parties de l’Europe des XVIe et XVIIe siècles, Saint-Nicolas était décrit comme quelqu’un qui distribuait des pommes, des noix et des produits de boulangerie, symboles d’une récolte abondante. En France et en Angleterre, les livres sont devenus le cadeau de choix au fur et à mesure que de plus en plus de gens apprenaient à lire et à écrire. Peu à peu, les petits bijoux, le vin et les mets de luxe sont également devenus des cadeaux de choix.

Retour à Bari, dans les Pouilles italiennes, où se trouvent encore aujourd’hui le tombeau et les reliques de saint Nicolas : Ces dernières attirent chaque année de nombreux pèlerins orthodoxes et catholiques. La ville, considérée de longue date comme un ‘pont’ entre l’Occident et l’Orient, est un lieu de développement œcuménique.

Ainsi, le 12 mars 2001, une délégation du diocèse de Bari a remis au patriarche orthodoxe russe, Alexis II, des reliques de saint Nicolas. L’Eglise latine remettant à une Eglise d’Orient des reliques, qui lui ont été confiées lors des conquêtes des Sarrasins, fut perçu par le patriarche russe de l’époque comme un signe “de bonne volonté œcuménique” de la part du Saint-Siège. A fortiori si Nicolas est un des saints patrons de la Russie, fêté le 19 décembre par l’Eglise orthodoxe.

Une expérience renouvelée en 2017, entre le Pape François et le patriarche de Moscou Cyrille 1er. La châsse contenant les reliques de saint Nicolas à Bari, quitte la basilique pour la première fois depuis 930 ans, pour être vénéré en Russie, du 21 au 28 mai 2017. En guise de remerciement, Cyrille 1er offre au Pape François une icône du saint.

Ce grand saint Nicolas ou Père Noël restera l’ami des enfants du monde qui attendront ses merveilleux cadeaux lorsque l’horloge annoncera le départ d’une année et la naissance d’une nouvelle.

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