La Rwandaise Louise Mushikiwabo prend la tête de la Francophonie

18-10-2018 12:34 PM


Directrice de communication à la Banque africaine de développement (BAD), ministre de l’Information puis des Affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwabo a été consacrée nouvelle secrétaire générale de la Francophonie le 12 octobre, dernier jour du sommet de la Francophonie à Everan en Arménie. L’ancienne chef de la diplomatie rwandaise a vivement remercié les membres de la Francophonie pour leur confiance, pour les quatre années à venir. « Venant d’un pays qui a souffert de la guerre et du génocide, qui a relevé les nombreux défis de la reconstruction, je compte rendre à la Francophonie son plein rôle d’instance de médiation, de dialogue, de reconstruction et de négociation », a-t-elle notamment déclaré.

« Je ne vais pas faire de miracle et réinventer la boussole, car la Francophonie existe depuis longtemps », a affirmé la nouvelle secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), qui, en évoquant les combats nécessaires pour préserver le multilatéralisme, a déclaré vouloir « placer l’organisation commune à l’endroit qu’il faut là où elle peut faire la différence ».
Ci-dessous un aperçu de la vie de cette femme influente de l’Afrique australe.

Louise Mushikiwabo aime se décrire comme citoyenne du monde, profondément africaine, et originaire du village nommé « Rwanda ». Née en 1961, non loin de la région de Kigali, dont ses deux parents sont originaires, elle est de la génération des indépendances. De celle de son pays, le Rwanda, mais aussi celle du continent africain.

Après avoir vécu aux États-Unis pendant une vingtaine d’années, elle a rejoint la Tunisie où elle a travaillé à la Banque africaine de développement au sein de la direction de la communication. En mars 2008, elle a été appelée par le Président de la République du Rwanda à rejoindre l’équipe gouvernementale.

Fortement marquée par le génocide perpétré contre les Tutsi en 1994, elle co-écrit en 2006 le livre « Rwanda Means the Universe », publié aux éditions Saint Martin’s Press, un mémoire socio-historique intergénérationnel et autobiographique, autour de la question du génocide perpétré contre les Tutsi; Elle a également rédigé de nombreux articles dans la presse écrite et numérique. Femme politique africaine aux multiples facettes, elle a participé à de nombreuses émissions télévisées et radiophoniques sur des sujets rwandais et panafricains, et collaboré à de nombreux films documentaires primés. Elle est également récipiendaire du Outstanding Humanitarian Award 2004 de l’American University & School of International Studies”. En mai 2018, le magazine Jeune Afrique a présenté Louise Mushikiwabo comme l’une des plus influentes personnalités africaines sur le continent. Louise Mushikiwabo, diplômée en langues et en interprétation de l’Université du Delaware aux États-Unis, maîtrise à la perfection le français et l’anglais, en plus de sa langue maternelle, le kinyarwanda. En effet, le Rwanda, membre de la Francophonie depuis sa création en 1970, appartient, aujourd’hui, aussi bien à l’Afrique de l’Est anglophone et swahilophone, qu’à l’Afrique centrale, francophone et aux multiples langues régionales.

Le bilan diplomatique de Louise Mushikiwabo est ponctué de réalisations concrètes et de temps forts. Lorsque le Rwanda a siégé au Conseil de sécurité des Nations unies, en 2013 et 2014, elle s’est particulièrement distinguée par la déclinaison éloquente des pistes que son pays proposait sur la problématique de la résolution des conflits et la reconstruction des pays post-conflit. Sur le continent africain, c’est avec le même dynamisme et la même rigueur qu’elle contribue à la réforme institutionnelle de l’Union Africaine en tant que membre de l’équipe-conseil. À chaque fois, les observateurs n’ont pas manqué de signaler que Louise Mushikiwabo se distingue par sa capacité à atteindre des résultats grâce à son sens et son intuition politiques, son caractère conciliant et ses talents de médiatrice ainsi que son carnet d’adresses impressionnant qui lui permet de mobiliser un large réseau d’expertises, de partenaires et d’alliés.

Sa candidature au poste de Secrétaire général de la Francophonie fut annoncée en mai 2018, fortement soutenue par son pays d’abord, puis endossée par l’Union Africaine lors du dernier Sommet des Chefs d’Etat tenu à Nouakchott en juillet 2018. Forte de son expérience de près de 10 ans à la tête de la diplomatie rwandaise, Louise Mushikiwabo compte mettre ses compétences et son large réseau, au service de la défense des valeurs de la Francophonie, mais aussi et surtout, à la valorisation de l’Organisation sur l’échiquier mondial, ainsi qu’à la promotion d’une Francophonie économique tangible. Dans l’exercice de ses fonctions, le fait d’écouter et d’aller vers les autres sont de précieuses qualités qui lui ont beaucoup servi et qu’elle souhaite désormais mettre au profit de la grande famille francophone, dans toute sa diversité.

Fondée sur le Cadre stratégique de la Francophonie à l’horizon 2022, ainsi que sur des leçons apprises au cours des dernières années, son ambition pour la Francophonie est axée sur un leadership à visage humain fait d’exemplarités, de transparence et de concertations permanentes, sur la recherche de complémentarités et de synergies d’actions entre les différents acteurs de la Francophonie, sur la culture des résultats et la reddition de comptes ainsi que sur la promotion des solidarités triangulaires Nord-Sud, Sud-Sud et intergénérationnelles. Car Louise Mushikiwabo a toujours été convaincue que c’est ensemble que les défis pourront être relevés. Ses priorités s’articuleront autour de quatre axes majeurs : la pertinence de l’Organisation, le rayonnement de la langue française, l’emploi des jeunes et l’échange de bonnes pratiques.

Polyglotte, Louise Mushikiwabo prend les rênes du ministère des Affaires en 2009. Poste qu’elle occupe jusqu’en 2018, année à laquelle elle se porte candidate au poste de secrétaire générale de l’Organisation de la Francophonie. Candidate d’un pays anglophone, le Rwanda, elle a bénéficié du soutien de la France, du Québec et du Canada qui ont lâché la secrétaire sortante Michaëlle Jean. Malgré les critiques portées sur sa candidature, elle a été couronnée nouvelle secrétaire générale de la Francophonie par consensus lors d’un huis clos des chefs d’Etat des pays membres de ladite organisation. Elle devient ainsi la quatrième secrétaire générale de la Francophonie et la deuxième femme à occuper cette fonction. Sa désignation consacre le retour de l’Afrique à la tête de l’OIF. Cette victoire n’est pas seulement celle du Rwanda mais aussi celle de l’Afrique où se trouvent 27 des 54 membres de l’OIF ayant droit de vote, l’organisation avait toujours été dirigée par des Africains avant la Canadienne Michaëlle Jean – et entérine le rôle incontournable du continent comme locomotive de la Francophonie. “L’épicentre de la langue française est sans doute dans le bassin du fleuve Congo”, a ainsi répété le président français Emmanuel Macron.

En vertu de son explosion démographique, l’Afrique, continent sur lequel se trouvent 27 des 54 membres de l’OIF ayant droit de vote, représentera 85 % des francophones en 2050, sur un total de 700 millions, contre 274 aujourd’hui, selon l’OIF. “L’Afrique s’impose comme le moteur de la Francophonie”, a renchéri le Premier ministre canadien Justin Trudeau.

Le Rwanda a remplacé le français par l’anglais en tant que langue obligatoire à l’école et a rejoint le Commonwealth, pendant anglophone de l’OIF. C’est d’ailleurs en anglais que le président rwandais Paul Kagamé avait annoncé la candidature de sa ministre.

Mais ce plurilinguisme n’est pas contraire à la défense du français, que M. Macron veut inclusif, une position contestée par nombre de “puristes”. “Le combat fondamental pour notre langue est un combat pour le plurilinguisme”, a répété le président français.

Quoi qu’il en soit, la nomination de Louise Mushikiwabo ne faisait plus aucun doute depuis que sa rivale, la sortante canadienne Michaëlle Jean, avait perdu ses deux plus importants soutiens : le Canada et le Québec. Ces deux piliers de la francophonie, qui en sont, à eux deux, le deuxième bailleur de fonds, ont été contraints de renoncer face à la multiplication des pays se ralliant au Rwanda. La France d’abord, premier bailleur de fonds de l’OIF, où la candidature de Mme Mushikiwabo a été annoncée lors d’une conférence conjointe entre les présidents rwandais Paul Kagamé et français Emmanuel Macron, à tel point que beaucoup y ont vu un dossier téléguidé par Paris. L’Afrique ensuite, après le soutien de l’Union africaine, il est vrai présidée cette année par le même Paul Kagamé.

La France compte sur la nouvelle secrétaire générale pour «  provoquer une sorte d’électrochoc  » au sein d’une OIF «  considérée comme très lointaine  » de la jeunesse africaine, «  la principale cible de la Francophonie  », souligne-t-on dans l’entourage de M. Macron, précisant compter sur le «  dynamisme  » de Mme Mushikiwabo, ministre très respectée, ainsi que sur son «  leadership naturel  ». Le français est devenu une langue mondiale, il n’écrase pas les autres langues mais s’en nourrit  », a répété le président français dans son discours au sommet.

Au sommet de l’OIF, le président français a affirmé vouloir faire de la jeunesse, notamment africaine, la priorité de l’institution. Une francophonie de résistance, mais aussi une francophonie réinventée. « Elle n’est pas un club convenu, un espace fatigué, mais un lieu de reconquête », a martelé Emmanuel Macron, jeudi 11 octobre à Erevan. Les sommets de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ont leurs passages obligés, dont la célébration de la grande famille qui, sur les cinq continents, a « cette langue en partage », selon la formule consacrée. Le président français, en s’adressant aux quelque 40 chefs d’Etat et de gouvernement et aux représentants des 84 membres de l’OIF venus dans la capitale arménienne pour le 17e sommet de la Francophonie, n’a pas dérogé à l’usage.

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