Vers une huitième « Chambre introuvable » en France ?

23-06-2017 12:47 PM


Le parti du président Macron a pu conquérir une écrasante majorité à l’Assemblée nationale le dimanche 18 juin 2017.

Jean-Pierre Bédéï rappelle que la France a connu plusieurs précédents similaires. Il en a dénombré sept en deux siècles.

Elles ont comme dénominateur commun de survenir dans un contexte politique hors norme et d’entraîner un renouvellement profond de la classe politique…
Ces Chambres sont dites « introuvables » car elles se signalent par l’absence de débat véritable. Elles ont comme dénominateur commun de survenir dans un contexte politique hors norme, avec un renouvellement profond de la classe politique.
La première a vécu treize mois (août 1815 – septembre 1816) avant d’être dissoute par le roi qui la jugeait trop… royaliste. La deuxième, plus chanceuse, arrive à son terme normal (février 1871 – février 1875) après un considérable travail législatif. Bien qu’à 2/3 royaliste, c’est elle qui met en place les institutions de la IIIe République. La troisième, avec 3/4 de députés républicains, consolide le régime (septembre 1881 – octobre 1885).
La Chambre de novembre 1919 offre une majorité relative (55%) au Bloc national mais amène surtout 369 députés débutants (60% du total). Après un demi-siècle et beaucoup de secousses, voici l’Assemblée de juin 1968, très orientée à droite. Coup de barre à gauche en 1981. Retour à droite en 1993.
1815 : la première « Chambre introuvable »
Il faut remonter à la Restauration de la monarchie pour trouver pour la première fois une Chambre quasiment monocolore.
Elle est élue en août 1815 dans un contexte politique de crise et de violence. Deux mois plus tôt, la défaite de Waterloo a provoqué la deuxième abdication de Napoléon, la formation d’un gouvernement provisoire dominé par Fouché et Talleyrand et le retour de la Terreur blanche sur fond d’occupation d’une grande partie du territoire par les armées étrangères.
L’heure de la vengeance a sonné pour les royalistes qui veulent en finir avec la Révolution et l’Empire. Après le retour de Louis XVIII à Paris, le 8 juillet, la Chambre des représentants élue durant les Cent-Jours est dissoute. Les 14 et 22 août 1815, on procède à l’élection d’une nouvelle Chambre à partir des collèges d’arrondissements et de départements, soit 72 000 électeurs. 48.500 exercent leur droite de vote.
Sur les 402 sièges de députés à attribuer, 350 reviennent aux ultras royalistes, les autres sont occupés par des royalistes modérés et les défenseurs des libertés constitutionnelles. Une véritable vague réactionnaire. « Chambre admirable », s’émerveille Chateaubriand, le thuriféraire des Bourbons. « Chambre introuvable », s’étonne Louis XVIII, à la fois satisfait mais inquiet des exigences que pourrait avoir une majorité aussi puissante.
« Le désarroi devant la catastrophique expérience des Cent-Jours provoquait un de ces violents mouvements de bascule vers la droite qui ont plusieurs fois marqué les crises politiques de notre histoire contemporaine. Une chambre d’hommes neufs, en majorité hostiles à ce qui rappelait la Révolution et l’Empire », expliquent les historiens André Jardin et André-Jean Tudesq (« La France des notables », Points Seuil, 1973).
La très grande majorité, venue des provinces, n’a jamais siégé dans aucune des précédentes assemblées et se trouve quelque peu désorientée. Ces zélés royalistes versent aussitôt dans la surenchère lors des débats sur l’adoption d’une série de législations répressives contre les « complices » des Cent-Jours. Puis, ils s’opposent au gouvernement sur le budget ainsi que sur sa la législation électorale.
Louis XVIII se résout à dissoudre cette assemblée « plus royaliste que le roi » le 5 septembre 1816. Lors des élections suivantes, sur 238 députés, il ne reste plus que 90 ultras, en minorité par rapport aux monarchistes modérés et aux adversaires du régime. Le balancier de la précédente assemblée avait été trop loin.
1871 : le retour des monarchistes

C’est encore un contexte de troubles qui sert de toile de fond aux élections du 8 février 1871.
Suite à la captivité de Napoléon III à Sedan, la République a été proclamée à Paris le 4 septembre 1870, avec formation d’un gouvernement de la Défense nationale. Ce gouvernement provisoire doit se résoudre à capituler face à la Prusse le 28 janvier 1871.
Comme en 1815, le pays est en partie occupé. Le chancelier allemand Bismarck exige que les préliminaires de paix ne soient signés qu’après l’élection d’une nouvelle Chambre afin de traiter avec un pouvoir légitime et non avec un gouvernement provisoire. C’est la raison pour laquelle ces élections sont organisées en quinze jours dans un pays démoralisé et déstabilisé, un laps de temps trop court pour donner la possibilité de faire une véritable campagne.
L’atmosphère s’alourdit encore à deux jours du scrutin avec la démission de Léon Gambetta après l’annulation par le gouvernement de Paris du décret qu’il avait pris frappant d’inéligibilité les plus hauts membres du personnel politique du second Empire.
La droite se revendique comme le camp de la paix et de la défense des libertés et accuse les républicains d’être autoritaires et favorables à la guerre. À l’issue de ce scrutin les monarchistes conquièrent 400 sièges sur 645, dominant une quinzaine de bonapartistes et 150 républicains.
On parle à nouveau de « chambre introuvable ». Cette assemblée royaliste comporte en effet 230 nobles. Là encore, les élus sont en grande majorité des hommes neufs peu compromis avec le précédent régime. Afin de se protéger des Prussiens, la Chambre émigre le 12 février à Bordeaux, et se donne pour président le républicain modéré Jules Grévy.
Le 17 février 1871, Thiers est nommé « chef du pouvoir exécutif de la République française ». La nouvelle assemblée se fixe comme priorité de traiter la question des négociations de paix, préférant remettre à plus tard la nature du régime.
1881 : l’enracinement de la République

Onze ans après la chute du Second Empire et deux ans après la démission du président monarchiste Mac-Mahon, les élections législatives du 21 août et du 4 septembre 1881 marquent l’enracinement de la République.

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