Mort de l’écrivain égyptien Gamal al-Ghitani

22-10-2015 04:12 PM


Le célèbre écrivain égyptien Gamal al-Ghitani, auteur d’une œuvre prolifique et disciple du prix Nobel de Littérature Naguib Mahfouz, est mort le dimanche 18 octobre à l’âge de 70 ans après un long combat avec la maladie, a annoncé son épouse. Tour à tour reporter de guerre, critique littéraire et écrivain, Gamal al-Ghitani était dans le coma depuis plus de trois mois après avoir été interné dans un hôpital militaire du Caire pour des problèmes respiratoires.

Né le 9 mai 1945 au sein d’une famille pauvre dans le village de Juhayna, à Sohag, du sud de l’Égypte, Gamal al-Ghitani a passé son enfance dans le quartier historique du vieux Caire islamique. Dessinateur de tapis à 17 ans, il se lance dans une carrière littéraire, encouragé par le maître du roman arabe moderne Naguib Mahfouz, qui le prend sous son aile.

Parallèlement, il poursuit une carrière de journalisme. Reporter de guerre, il couvre la guerre israélo-arabe de 1973 depuis le front. En 1993, il prend la tête de la naissante revue littéraire Akhbar al-Adab, qui, sous sa direction jusqu’en 2011, deviendra l’une des plus prestigieuses du pays.

Nommé en 1987 chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres par la France, Gamal al-Ghitani est l’auteur d’une œuvre prolifique, traduite en plusieurs langues, notamment en français, anglais et allemand. En 2015, il est lauréat du prix du Nil pour la littérature, la plus importante récompense littéraire décernée par le gouvernement égyptien. Emprisonné durant quelques mois sous le président Gamal Abdel Nasser, il écrira par la suite son roman le plus célèbre, “Zayni Barakat”, une critique virulente de l’autoritarisme. Une autre de ses œuvres, “Le livre des illuminations”, est décrite comme une “autobiographie poignante”, un “conte polyphonique explorant les méandres de l’âme égyptienne” par la maison d’édition française du Seuil.

Opposant farouche aux mouvements islamistes, Gamal al-Ghitani n’a jamais caché son soutien à l’armée, qui joue depuis des décennies un rôle-clé dans la vie politique du pays. Dans un communiqué, le Premier ministre Chérif Ismaïl a salué “son style littéraire unique”, soulignant que l’écrivain avait contribué à “faire revivre les histoires du patrimoine arabe”. 

Son roman classique “Zayni Barakat” est  une critique cinglante du totalitarisme à l’époque mamelouke. Il est le pionnier d’un style “qui était une sorte de réalisme magique, mais une sorte intensément égyptienne, avec des racines à la fois dans l’histoire de la littérature arabe, mais aussi des domaines tels que le soufisme et la magie, et il a réussi à combiner ceux-ci d’une manière très convaincante”, a déclaré Humphrey Davies, qui a traduit «Les Textes des Pyramides” et “Les Dialogues de Mahfouz,” une série de conversations avec le Nobel de la littérature.
Gamal al-Ghitani est surtout l’auteur d’une œuvre prolifique qui explore, avec chaleur et humour, les méandres de l’âme égyptienne prise entre la richesse de son passé et les agressions de la modernité. Plusieurs œuvres marquantes sont à mettre à l’actif de Ghitany : son premier roman Zayni Barakat qui, bien que situé dans l’Égypte mamelouke du début du xvie siècle, est une dénonciation universelle de l’oppression et de la tyrannie ; Le Livre des Illuminations, son chef-d’œuvre où il recourt à la mystique pour décortiquer un événement personnel tragique, la mort de son père, alors que lui-même se trouve absent pour cause de voyage à l’étranger ; ainsi que d’autres romans tels: La mystérieuse affaire de l’impasse Zaafarâni, “Pyramides ou “Épître des destinées. Le point commun de toutes ces œuvres est qu’elles sollicitent toutes, à un degré ou à un autre, le patrimoine narratif arabe.
«La culture, comme nous l’avons vu, ne portait pas sur les mouvements d’intellectuels et les activités des organes du ministère de la Culture, mais sur la société en général. Nous avons été en mesure de publier ce qu’aucun des journaux appartenant à l’Etat n’a pu le faire, ” avait déclaré al-Ghitani dans une interview vidéo en 2012.
Il était un critique virulent des Frères musulmans et a soutenu l’éviction du président islamiste Mohamed Morsi en 2013.
La présidence de l’Égypte a fait des déclarations louant al-Ghitani après sa mort, le qualifiant de “symbole d’écrivains arabes qui mobilisent leurs plumes pour le service de leur patrie et de leur peuple.”
“Nous pleurons le pionnier des pionniers du roman arabe, la garde des gardiens de la culture nationaliste, un guerrier dans le domaine de la littérature de guerre, un correspondant et un soldat sur le front brandissant sa plume comme une arme, et l’un des premiers correspondants militaires, ” a cité un communiqué des forces armées.
Hommages français à Gamal al-Ghitani
Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication et Jack Lang, président de l’Institut du monde arabe ont tenu à rendre hommage à l’illustre écrivain Gamal al-Ghitani en ces termes:
Fleur Pellerin
« L’illustre écrivain Gamal al-Ghitani vient de disparaître à l’âge de soixante-dix ans. L’Egypte perd une grande voix. La France, un ami.
A dix-sept ans, alors qu’il était un humble dessinateur de tapis dans le vieux Caire, il s’était lancé dans l’écriture pour ne plus jamais la quitter. Il maniait la plume avec la même virtuosité que le crayon, mais toujours au service de son pays. Que ce soit comme romancier, critique littéraire ou reporter de guerre, il défendait l’honneur du patrimoine arabe.
C’est parce qu’ils étaient le reflet de l’âme égyptienne, que des livres tels que Zayni Barakat ou Le Livre des illuminations ont touché les lecteurs du monde entier. La France qui l’avait fait Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres et qui lui avait décerné un prix de l’amitié franco-égyptienne, ne l’oubliera pas. »
Jack Lang
« J’apprends avec émotion la disparition du grand romancier égyptien Gamal Al-Ghitani.
Il laisse une oeuvre riche et prolifique, traduite en plusieurs langues, et notamment en français. Il avait également créé et dirigé la grande revue littéraire égyptienne « Akhbar al-Adab ».
C’était un ami de l’Institut du monde arabe où il est intervenu à de nombreuses reprises. »
 
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