Décès d’un historien français passionné de l’Egypte

26-07-2015 10:38 AM


 
Le journaliste et historien français Jean Lacouture, dont les biographies d’hommes d’Etat ont rencontré un grand succès, est décédé le 16 juillet à l’âge de 94 ans à son domicile au Roussillon dans la province du Vaucluse (sud-est France), après une longue maladie. Une cérémonie serait organisée en septembre à Paris pour lui rendre hommage.
Jean Lacouture est l’un des passionnés de l’Egypte où il a vécu une période importante de sa carrière, au moment de la révolution en 1952, puis a écrit son livre “L’Egypte en mouvement”, en plus de plusieurs autres œuvres.
 Jean Lacouture a travaillé comme correspondant  pour les journaux français “France Soir” et “Le Monde” six mois après la révolution en 1952 Il est resté en Egypte jusqu’en novembre 1956 et a été pendant cette période très proche des membres du Conseil de commandement de la révolution, et en particulier le président Gamal Abdel Nasser, Tharwat Okacha et d’autres officiers.
L’ambassade d’Egypte à Paris a organisé une célébration en mai dernier pour remettre  des manuscrits à l’écrivain français qui a décidé de les offrir à la Bibliothèque d’Alexandrie. Il s’agissait de messages privés de valeur historique, écrits à la main et adressés au président Gamal Abdel Nasser et Mohamed Naguib. Ces documents étaient la base fondamentale sur laquelle Lacouture a érigé son célèbre livre “l’Egypte en mouvement.”
Ces documents contiennent de très rares photos à partir de l’année 1953 de l’écrivain de politique et de théâtre  Lotfy el-Khouly et d’Ingi Aflatone, une artiste égyptienne appartenant aux pionniers du mouvement de l’art plastique en Egypte et au monde arabe et le Cheikh Ahmed el-Bakouri, ainsi que des politiciens, des hommes de lettres dans le domaine du théâtre et des membres du Conseil du commandement révolutionnaire.
Il est à noter que Jean Lacouture s’est intéressé à de multiples personnages qui ont marqué le XXe siècle comme Charles de Gaulle, Malraux, Blum, Mauriac, Mendès France, Mitterrand, Germaine Tillion, Nasser, Kennedy,  Hô Chi Minh  mais il s’est aussi penché sur les destins de Champollion, Montaigne, Montesquieu, Stendhal, Alexandre Dumas, Greta Garbo… Preuve que sa curiosité n’avait pas de frontières, ni son appétit de fin. Il a publié plus de soixante-dix livres et s’est révélé au fil des ans comme l’un de nos meilleurs biographes. Ce savoir-faire a été salué par de nombreux prix, dont le Goncourt de la biographie pour son “François Mauriac” en deux volumes, et une distinction de l’Académie française.
 
 
Témoin du siècle
Né le 9 juin 1921 à Bordeaux, Jean Lacouture, diplômé de l’Ecole libre des Sciences politiques de Paris, devient l’attaché de presse du général Leclerc à la fin de la seconde guerre mondiale. Il découvre l’Indochine, où il fréquente les grands acteurs de la lutte pour l’indépendance, du général Giap à Hô Chi Minh.
Témoin privilégié du XXe siècle, dont il a rencontré la plupart des grandes figures, l’originalité du parcours et l’ampleur de son œuvre ont fait de lui un journaliste, biographe et historien hors du commun. Dès la fin des années 1940, il prend conscience que la décolonisation était inévitable. Il en devient l’ardent avocat.
Journaliste d’abord à Combat, il rejoint la rédaction du Monde dont il devient une signature et couvre la décolonisation avec passion, brillant avocat notamment celle de l’indépendance algérienne.
Homme de gauche prônant un “journalisme d’intervention”, il ne croit pas à l’objectivité. “Le journaliste agit comme un diplomate: il s’efforce de comprendre et faire comprendre les différents points de vue, tout en ne cachant pas qu’il souhaite telle issue plutôt que telle autre. “
Il devient ensuite un biographe prolixe, parfois controversé, et un observateur passionné de son siècle. Il est l’auteur d’une soixantaine de livres consacrés à de grandes figures historiques, mais aussi au rugby, à l’égyptologue Champollion, au président Kennedy, à Stendhal ou Montesquieu. Professeur à l’Institut d’Etudes politiques de Paris (1969-72), il publie de 1984 à 1986 une vaste biographie de De Gaulle en trois volumes, et en 1991-92 une histoire monumentale des Jésuites, saluées par de nombreux spécialistes.
Jean Lacouture était commandeur de la légion d’honneur. Il a obtenu le Prix des ambassadeurs en 1986 pour l’un de ses ouvrages consacrés à de Gaulle, et le Grand prix d’histoire de l’Académie française en 2003. Quand il n’était pas à Paris, il aimait vivre dans sa maison de Roussillon (Vaucluse), avec vue sur les falaises d’ocre et le Mont Ventoux.
En 2008, il consacre un ouvrage à l’indépendance de l’Algérie et la fin de l’empire coloniale français. “L’Algérie algérienne fin d’un empire, naissance d’une nation” préfacée par Jean Daniel retraçait la lutte pour l’indépendance de l’Algérie et la fin de la France colonialiste.
Dans “Nos Orients”, il croise avec l’écrivain égyptien Ahmed Youssef sa perception du monde arabe, son évolution et son devenir.
Jean Lacouture, cet inlassable journaliste avait un crédo inaltérable: “Ne pas raconter sa vie telle qu’on l’a vécue, mais la vivre telle qu’on la racontera.” Une existence toute en panache dont il a assumé même les faux pas.
 
 
Hommages
 
L’annonce de sa disparition a suscité de nombreux hommages dans la sphère politique, principalement à gauche.
“Grand écrivain à la vie aussi riche que ses biographies, Jean Lacouture restera pour la gauche et la France une très grande conscience”, a écrit le Premier ministre Manuel Valls sur Twitter au sujet de celui qui, en 2012, avait appelé à voter pour François Hollande.
“Il aura été tour à tour un envoyé spécial, un grand reporter et un éditorialiste à la plume parfois polémique, toujours mordante”, a souligné la ministre de la Culture Fleur Pellerin, estimant que la France perdait un “grand témoin passionné de son siècle”.
Alain Rousset, président (PS) de la région Aquitaine, a également fait part de sa “profonde tristesse d’apprendre la disparition de (son) ami Jean Lacouture”, avec qui il a cofondé le Festival international du Film d’Histoire de Pessac (Gironde).
A droite, Valérie Pécresse a salué la mémoire d’un “biographe hors pair”.
Ses éditeurs ont également rendu hommage sur Twitter à cet auteur prolifique: “Éminent biographe, il fut un grand témoin de l’Histoire du XXe siècle”, a souligné Gallimard quand les éditions du Seuil se sont dites “tristes d’apprendre sa mort”.
En bon enfant du sud-ouest, Jean Lacouture était un amoureux du rugby – sport sur lequel il écrivit de belles pages pour Le Monde dans les années 1970 – et un défenseur de la tauromachie.
 
 
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