Un attentat-suicide déjoué à Louxor

11-06-2015 03:42 PM

Karim Felli


 
 
Un véritable massacre a été évité. Le très touristique temple de Karnak, à Louxor, dans le sud de l’Egypte, a été le théâtre d’un attentat-suicide déjoué par la police mercredi dernier. Cette attaque a fait quatre blessés, deux civils égyptiens et deux policiers. Deux assaillants ont été tués et un dernier gravement blessé par les forces de sécurité.
Aucun touriste ne figure parmi les victimes.
L’attaque aurait pu être sanglante, elle n’a finalement tué que deux de ses auteurs. Selon le gouverneur de Louxor, les assaillants voulaient pénétrer dans le temple de Karnak. Mais ils ont été repérés par des policiers en descendant d’une voiture, chargés de sacs, sur le parking situé en face du site. Une fusillade a éclaté et l’un des kamikazes a fait exploser sa ceinture d’explosifs.
“Un policier en civil, suspicieux, les a forcés à s’arrêter, l’un des assaillants s’est échappé du véhicule et a fait exploser la bombe qu’il portait sur lui”, explique le ministère du Tourisme, dans un communiqué. L’explosion s’est produite à 500 mètres du temple.
 
Terrorisme d’Ansar Beit al-Maqdis
Puis, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur deux autres assaillants, dont au moins un était muni d’un fusil d’assaut. L’un a été tué, l’autre grièvement blessé à la tête, selon des officiers de police sur place. Les visiteurs qui se trouvaient dans le temple y ont été immédiatement consignés par la police, qui a sécurisé les lieux.
Selon toute vraisemblance, la tentative a été commise par le groupe islamiste le plus actif qui est le Wilayat Sinaï (la province du Sinaï), la branche égyptienne de l’Etat islamique. Jusqu’à son allégeance en novembre dernier au “calife” autoproclamé Abou Bakhr al-Baghdadi, ce groupe s’était fait connaître sous le nom d’Ansar Beit al-Maqdis (les champions de Jérusalem).
 
Affaiblir l’économie
Ce type d’attaque a pour objectif “d’affaiblir l’économie égyptienne en détruisant le secteur touristique”, mais permet également de “donner le maximum d’impact médiatique et une résonance internationale là où des actions locales ont échoué à obtenir le même écho depuis des mois malgré leur intensité”, analyse Mathieu Guidère, professeur de géopolitique arabe à l’université de Toulouse (France).
Début 2011, ce groupe lié à Al Qaeda avait, dans la foulée de la révolution égyptienne, visé des intérêts israéliens depuis la péninsule du Sinaï. Il a notamment revendiqué une attaque contre une patrouille israélienne en septembre 2012 et plusieurs autres contre un gazoduc qui alimente Israël et la Jordanie.
Le ministre des Antiquités, Mamdouh al Damaty, a annoncé qu’en accord avec son collègue de l’Intérieur il avait ordonné un renforcement des mesures de sécurité sur les sites touristiques du pays.
La police a ainsi évité un massacre comparable à ceux de Garissa au Kenya (148 morts dans une université en avril), ou du musée du Bardo à Tunis (21 touristes tués en mars). Une telle attaque est “susceptible d’inquiéter la communauté internationale au moment où les touristes commençaient à revenir, au Caire ou à Louxor”, estime Zack Gold, expert au sein du groupe de réflexion American Security Project.
 
Jihadistes du Sinaï  et de Libye
Mais Ansar Beit al-Maqdis vise avant tout les forces de sécurité égyptiennes. Les jihadistes les ont attaquées plus de 275 fois entre juillet 2014 et janvier 2015, selon un décompte du site américain Long War Journal. Les autorités égyptiennes sont d’autant plus inquiètes que les 1000 kilomètres de frontière avec la Libye, dont les arsenaux ont été pillés durant la révolution de 2011, ne sont que très peu contrôlés. Combattants et armes la franchissent facilement. L’ONU a identifié les principales routes clandestines qui partent de Benghazi et Tobrouk et rejoignent la ville côtière de Marsa Matrouh, dans le nord de l’Egypte.
Craignant que le flux d’armes dans le Sinaï ne se tarisse pas, le président Abdel Fatah al-Sissi milite pour une intervention étrangère en Libye. Il a lancé il y a un an une opération contre les groupes islamistes à Benghazi (Est).
Il s’agit de la seconde attaque visant des touristes en Egypte depuis que le peuple égyptien a destitué le président islamiste Mohamed Morsi en 2013. Depuis, le pays est le théâtre de nombreux attentats revendiqués par des groupes jihadistes en représailles à cette campagne. Mais, jusqu’alors, les cibles de ces attaques étaient les forces de sécurité et les civils égyptiens, en dehors d’un attentat-suicide ayant tué trois touristes sud-coréens et le chauffeur de leur bus en février 2014 au poste-frontière de Taba, dans le Sinaï, alors qu’ils passaient d’Egypte en Israël. D’après l’agence Reuters, les assaillants voulaient cette fois-ci attaquer un car de touristes près du temple.
 
 
 
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