Davos et récession de l’économie mondiale

21-01-2016 02:04 PM

Karim Felli


 
Du 20 au 23 janvier, le forum économique mondial s’est tenu à Davos, en Suisse, la confiance des chefs d’entreprise est au plus bas, notamment face au ralentissement économique de la Chine et à la chute des prix pétroliers, qui plombent leur horizon économique et commercial. En dépit des mesures de soutien à la croissance prises par les grandes banques centrales depuis la crise financière de 2008, ils ne sont que 27% de grands dirigeants à anticiper une amélioration de la situation économique dans l’année à venir contre 37% l’an passé, au vu d’une enquête auprès de plus de 1400 d’entre eux publiée mardi 19 janvier, à la veille de l’ouverture du Forum économique mondial de Davos.
L’enquête a été réalisée dans 83 pays par le cabinet comptable Price Water house Coopers (PwC) au quatrième trimestre 2015. “On peut imaginer que si nous l’avions faite durant les premières semaines de janvier, le panorama aurait été encore plus sombre”, a commenté Dennis Nally, président de PwC. “La deuxième économie mondiale avait eu jusqu’alors de très, très bons taux de croissance, alors que beaucoup d’autres étaient à la peine, et maintenant c’est le ralentissement pour de bon”, a-t-il ajouté. “Il y a de gros soucis concernant la Bourse et le marché des changes et on s’interroge vraiment sur ce que cela implique quant à la capacité de la Chine à transformer son économie”. Et les chefs d’entreprise ont bien du mal à porter leurs espoirs ailleurs sur la planète.
“Pour l’Europe et l’Amérique du Nord ça va mais il y a vraiment de quoi s’inquiéter pour de nombreux pays émergents”, a dit Alex Molinari, directeur général du groupe industriel Johnson Controls. Seuls 35% des chefs d’entreprise de l’enquête de PwC sont “très confiants” quant à leur aptitude à augmenter le chiffre d’affaires dans les 12 mois qui viennent contre 39% en 2015. Le pourcentage est le plus faible depuis 2010.
La confiance parmi les patrons américains a chuté à 33% contre 46% en 2015 et la tendance est identique pour des pays tels que l’Allemagne et la Grande-Bretagne.
L’Inde se distingue avec un pourcentage en hausse à 64% contre 62%. C’est en Suisse que le pessimisme prospère, avec un pourcentage de confiance passé à 24% en 2015 à 16% cette année, conséquence du “frankenshock” de janvier 2015, lorsque le franc suisse a flambé à la suite de son désarrimage d’avec l’euro.
Il y a dix ans, il avait prédit la crise financière américaine et il faut juste espérer que Dr Doom (Docteur Catastrophe), comme on l’a surnommé depuis, ait perdu ses talents de devin. Arrivant mardi soir à Davos, pour participer au Forum économique mondial annuel qui s’ouvre mercredi 20 janvier, l’économiste Nouriel Roubini nous a fait cette comparaison inquiétante : On vient ici pour discuter des solutions à long terme, a-t-il observé. Mais comme en 2008, on va être rattrapés par les problèmes de court terme. Les gens se posent la même question : sommes-nous au bord d’une récession mondiale?
Car où que l’on regarde, depuis cette montagne suisse où se réunissent jusqu’à la fin de la semaine près de 3 000 représentants des élites globalisées, l’horizon est très sombre. L’Europe, dont la crise de l’euro a été tant débattue les années précédentes, est aujourd’hui confrontée au double défi du terrorisme et d’une crise migratoire sans précédent depuis la seconde guerre mondiale.
Ralentissement de la croissance en Chine
Invité au World Economic Forum, le grand mufti d’Egypte a appelé les pays musulmans à agir contre l’extrémisme violent. Avant de rejoindre Davos, il a répondu à quelques questions du Temps. L’Etat islamique et son cortège d’atrocités monopolise le terrain médiatique. Dans ces conditions, la voix des représentants légitimes de l’islam est inaudible. Chawki Allam, le grand mufti d’Egypte, est l’une d’entre elles. Ce professeur de théologie de 54 ans a été formé à l’université d’Al-Azhar au Caire, le principal centre d’enseignement de l’islam. Il est le premier grand mufti à avoir été élu par le comité suprême d’Al-Azhar et non pas désigné par le président égyptien. En 2013, il l’avait emporté contre le candidat officieux des Frères musulmans, qui tenaient alors les rênes du pouvoir en Egypte avant d’être renversés quelques mois plus tard. Chawki Allam est considéré comme un modéré. Son influence s’étend dans tout le monde sunnite. Il est un adversaire farouche de l’Etat islamique et de son califat établi à cheval sur l’Irak et la Syrie.
Au Moyen-Orient, le chaos qui a succédé, cinq ans après, au « printemps arabe », déstabilise la région et les nouvelles tensions entre l’Iran et l’Arabie saoudite ont presque éclipsé la bonne nouvelle de l’accord sur le nucléaire iranien et de son corollaire, la levée des sanctions. En Chine, le ralentissement de la croissance et les faux pas de pilotage économique de l’équipe au pouvoir sèment le doute sur les marchés mondiaux. Les économies émergentes ne dopent plus la croissance mondiale, la Russie et le Brésil sont en récession.
Si la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président Hollande ont préféré rester chez eux, les Etats-Unis envoient, eux, le vice-président, Joe Biden, et le secrétaire d’Etat, John Kerry. Mais la présence de ces deux poids lourds de la politique américaine ne rend que plus incongrue, par contraste, la course en tête menée pour l’investiture républicaine à la Maison Blanche par le milliardaire Donald Trump, désormais soutenu par Sarah Palin, l’ex-égérie du Tea Party. « Une telle combinaison, à l’échelle mondiale, de nativisme populiste et de terrorisme franchisé est tout sauf réjouissante », commentait mardi soir en marge du Forum l’Américaine Anne-Marie Slaughter, experte de politique étrangère.

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