Naufrages en Méditerranée: “Il n’y a pas de solution militaire aux tragédies migratoires”

23-04-2015 03:28 PM

Christine Ibrahim


Les dirigeants de l’UE se réunissent ce jeudi pour trouver des solutions au problème des migrants en Méditerranée. L’une des pistes consiste à détruire par des frappes aériennes les bateaux des passeurs. L’eurodéputé UMP Arnaud Danjean est sceptique.

Les dirigeants de l’Union européenne se réunissent ce jeudi pour décider de mesures “fortes” après la mort de centaines de migrants ces derniers jours. Ils doivent se prononcer sur une opération militaire, pour “identifier, capturer et détruire les bateaux avant qu’ils ne soient utilisés par les trafiquants”. Le député européen, Arnaud Danjean, spécialiste des questions de défense, livre à L’Express ses doutes quant à la réussite d’une telle opération.  

Le chef du gouvernement italien Matteo Renzi demande à l’Union européenne de détruire, à l’aide de drones armés, les bateaux des passeurs avant qu’ils ne prennent la mer. Cette solution, sur le principe, vous parait-elle la mieux adaptée à la gravité de la situation actuelle?

Matteo Renzi a l’habitude des formules radicales mais la question est beaucoup plus complexe et ne peut se réduire à cette option. D’autant que les Européens ne possèdent pas de drones armés mais uniquement des drones de surveillance. 

Au-delà de ce “détail” technique, il faut bien dire qu’il n’y a pas de solution militaire aux tragédies migratoires. Il y a des options militaires pouvant, ponctuellement, se greffer sur une politique beaucoup plus large qui couvre autant les dispositifs légaux de l’asile sur le continent européen que l’aide au développement sur le continent africain.  

Quelles pourraient être ces options militaires?J’en vois trois: 

– un renforcement des moyens aéronavals actuellement déployés en Méditerranée dans le cadre de l’opération “Triton”. C’est le plus rapide et le plus simple, mais ça ne couvre que la partie surveillance/sauvetage en mer. 

– une forme de blocus des côtes libyennes. C’est techniquement faisable, c’est sans doute ce qui serait le plus efficace pour prévenir des mouvements migratoires massifs, mais c’est lourd à mettre en oeuvre, sur les plans juridique et opérationnel. Il faudrait sans doute un mandat juridique de l’ONU et des capacités militaires importantes dont on ne peut être certains que beaucoup d’Etats européens soient prêts à les déployer.  

– des frappes ponctuelles pour détruire les bateaux avant qu’ils n’embarquent les migrants. Ceci suppose un mandat juridique mais surtout des capacités en renseignement qui permettent un ciblage précis. Imaginez une frappe sur un bateau mal identifié et des dommages collatéraux qui seraient pire qu’un naufrage !  

Au final, l’Union Européenne va sans doute étudier ces 3 options mais il est probable que les États européens choisissent dans les faits un dispositif qui sera intermédiaire entre le simple renforcement de l’opération italienne existante et un blocus plus ambitieux. 

Cette troisième option se rapproche de l‘opération Atalante, menée par l’UE contre la piraterie au large de la Somalie...

Atalante a été lancée fin 2008. Elle a abouti à un grand nombre d’actions en mer mais l’autorisation de frapper au sol n’a été accordée qu’en 2012. Cette option n’a été utilisée qu’une seule fois, en mai 2012, contre un camp de pirates.  

Bref, aucune option militaire crédible n’est envisageable à court terme à part le renforcement des patrouilles aéronavales au large des côtes italiennes.  

L’UE peut-elle bombarder un pays souverain sous prétexte qu’il est en proie au chaos et qu’aucune autorité n’est parvenue à s’imposer depuis la chute de Kadhafi? Sous quel cadre légal pourraient s’effectuer des tirs de drones?

Si on évoque une opération européenne collective, sous chapitre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), il faudrait une résolution de l’ONU, peu probable compte-tenu du précédent de 2011 sur la Libye… Dans un cadre plus souple, ou seuls quelques états souhaiteraient intervenir ponctuellement, ils pourraient sans doute le faire mais “en secret” ! Les Émirats et l’Egypte ont déjà conduit des raids aériens en Libye l’été dernier. Mais cela est resté officieux. La communauté internationale – y compris l’UE- a mis en garde contre ce type d’ingérence. 

 

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