L’entrée du Christ à Jérusalem de Giotto

15-04-2023 12:30 PM


En ce dimanche des Rameaux nous célébrons l’entrée triomphale du Seigneur à Jérusalem . Selon l’évangile des Rameaux, la foule venue nombreuse prirent les rameaux de palmiers et sortirent à la rencontre de Jésus et ils criaient : “Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux !” En ce dimanche, la fresque que le peintre Giotto a réalisée à Padoue vers 1303 va nous accompagner dans la méditation de l’Evangile qui raconte l’entrée triomphale du Christ à Jérusalem.

Il s’agit d’une fresque de 200 × 185 cm réalisée par le peintre italien Giotto, datable d’environ 1303-1305 et faisant partie du cycle de la chapelle des Scrovegni à Padoue. Elle est incluse dans les fresques de la vie de Jésus dans la partie supérieure du registre central, sur le mur de gauche en direction de l’autel.
La composition de cette scène, qui constitue le premier épisode de la passion du Christ rappelle celle de la Fuite en Égypte. Les deux histoires diffèrent pourtant grandement par leur signification. En fuyant vers l’Égypte, Jésus et sa famille voulaient échapper à la mort. Ici, en entrant dans Jérusalem, le Christ s’engage avec stoïcisme sur une voie qui va le conduire inexorablement à être arrêté, humilié puis finalement crucifié.
Accueilli par la foule des pèlerins venus dans la ville sainte pour la Pâque juive, Jésus, monté sur un âne, précède les disciples, resserrés en un groupe compact signalé par les nimbes dorés. Au sol, la foule enthousiaste étend les manteaux qui adoucissent le chemin de sa monture. Dans le fond, ce sont les enfants qui grimpent dans les oliviers pour y couper les branches qu’ils agiteront en signe de bienvenue. Quant au Christ lui-même, il effectue de sa main droite le geste de bénédiction habituel pour répondre au chaleureux et fervent accueil de la cité.
Pourtant l’heure est à la sévérité et au pressentiment puisque cette entrée solennelle n’est autre que le prélude au mystère de la mort et de la résurrection de Jésus. N’a-t-il pas lui-même annoncé à plusieurs reprises à ses disciples qu’il serait livré aux sacrificateurs et aux scribes, condamné à mort, raillé, humilié, flagellé et finalement crucifié ? Ce qui explique, par ailleurs, le contraste saisissant entre la liesse de la foule des pèlerins et la sombre retenue du groupe des disciples. Si Jésus se présente sur un âne, c’est pour que se vérifie la prophétie de Zacharie annonçant dans l’Ancien testament que le nouveau roi des Juifs apparaîtrait à son peuple, “humble et monté sur un âne” ; un roi donc qui ne serait pas souverain mais Sauveur, Messie, Rédempteur. C’est bien ainsi que semble vouloir l’accueillir la population réunie au pied de la porte d’Or, variante architecturale de celle de «La rencontre à la porte d’or de Jérusalem» où Joaquim et Anne suivent les directives de l’ange et, chacun de leur côté, se rendent. Là, ils se retrouvent pour la première fois depuis que Joaquim est parti au temple pour y porter le sacrifice. Ils partagent la joie de se savoir bientôt parents d’un enfant, Marie. La curiosité l’emporte sur la crainte, une curiosité visiblement nuancée d’affection ; ce qui au passage ne rend que plus tragique et incompréhensible le prochain retournement de cette foule inconstante.
Comme pour bien marquer l’abîme qui sépare le Christ du monde qu’il est venu sauver, le peintre a aménagé un espace vide devant lui, un espace significativement investi par la seule tête de l’âne. Si enflammé que soit l’accueil de la foule, tout dans cette scène repose sur un malentendu, le monde n’étant pas encore en mesure de comprendre le message évangélique qu’il reviendra aux apôtres de rependre dans tout le pays. Entre le groupe résigné des disciples, accablés par avance, et la multitude en joie, Jésus apparaît bien seul. Symboliquement encadré par les deux ânes du cortège (on voit dépasser la tête de l’ânesse du groupe des apôtres) et par les deux enfants du paysage aux oliviers, il progresse sans faiblesse vers la fin tragique de sa mission.
Sur la droite, inscrits dans une structure pyramidale, trois hommes ôtent leur manteau, selon une succession de plans relevant du procédé cinématographique. Debout, le premier commence à retirer ses manches ; sous son bras, le deuxième fait passer le vêtement par dessus sa tête. Au sol enfin, le troisième étend son manteau sous les sabots de l’âne. La foule dans laquelle se trouvent ces trois hommes redouble la disposition pyramidale et accentue l’effort de Giotto pour créer un effet ascensionnel par la disposition dans le coin droit la haute structure architecturale (Jérusalem est en hauteur par rapport à la mer de Galilée). Préméditation de sa montée au Calvaire, l’effort du Christ est ainsi mieux marqué.
Giotto met fidèlement en scène ce passage de l’Evangile. Jésus se tient dans une attitude royale et paisible tout à la fois. Le roi-Messie entre dans sa ville. La promesse faite au Roi David s’accomplit. Mais le Messie qui entre dans la ville est un Messie humble : il est assis sur un ânon, non pas sur un cheval de guerre. Les petits et les pauvres le reconnaissent et l’acclament. Jésus est grave. Il entre dans la ville dont il a dit «Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés. » (Lc 13, 34). Il sait qu’il va vers sa Passion.
Les disciples de l’image portent des vêtements de couleur rose clair et foncé avec des auréoles sur la tête, symbole de pureté et de sainteté. Les pattes de l’âne sont dessinées pour suggérer un mouvement avec une jambe pliée et l’autre droite. Vous pouvez clairement voir les émotions des individus dans la foule ainsi que celles des disciples.
Un autre élément essentiel de l’image est les deux enfants essayant d’obtenir des branches d’olivier du haut des arbres. Leur sexe n’est pas clair et ils portent des robes blanches similaires pour représenter leur nature angélique. On pense que Giotto a introduit le style Renaissance dans l’art occidental. Il pouvait peindre des traits réalistes, contrairement à ses prédécesseurs, qui peignaient des œuvres d’art stylées à l’époque médiévale.
Ses œuvres ne sont pas allongées et sont en trois dimensions avec de vrais visages et émotions. Les vêtements sont également dessinés pour pendre naturellement, montrant leur poids et leur forme. Le travail de Giotto a toujours les humains comme sujet principal dans la peinture, et la plupart de ses peintures concernent des scénarios bibliques. Les personnages de ses peintures sont soigneusement disposés pour donner au spectateur une place dans la scène.
Les scènes ont une expression claire de l’humanité et des émotions des individus des sujets de l’image. Giotto exprime les émotions des gens à travers leurs expressions faciales, leurs regards et leurs gestes cruciaux.

Aujourd’hui encore, le même Jésus entre aussi dans nos villes et nos villages comme autrefois à Jérusalem, avec un visage qui n’est pas celui d’un homme puissant et fort ou en tant que roi qui utilise et abuse de son pouvoir. Mais il porte les traits d’un serviteur souffrant, doux et humble qui vient nous rejoindre au cœur de nos vies ; de notre monde qui souffre de la montée de la violence, de guerre, de haine et de manque de pardon.
Tournons-nous vers le Christ qui entre dans sa passion afin de le suivre jusqu’à son sacrifice sur la croix. Au cours de cette semaine sainte, nous le suivrons dans ses diverses étapes : le Jeudi Saint, nous célèbrerons l’institution de l’Eucharistie et du sacerdoce ; le Vendredi Saint, nous suivrons Jésus jusqu’au pied de la croix; et, au cours de la veillée pascale, nous célèbrerons sa victoire et sa résurrection.

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