Départ de Sœur André, doyenne de l’humanité

05-02-2023 08:00 PM


La doyenne de l’humanité, la religieuse cévenole sœur André, s’est éteinte à 118 ans, à quelques jours de ses 119 ans. Au fil d’une vie scandée par 18 présidents de la République et deux guerres mondiales, elle était devenue pour les Français un emblème de continuité et de résistance, une mémoire du siècle.

Le Président de la République Emmanuel Macron et son épouse ont salué cette personnalité altruiste que les Français considéraient comme une figure tutélaire, source de fierté et d’attachement. Ils ont adressé à ses proches leurs condoléances émues.

Sœur André, est décédée le mardi 17 janvier dans son sommeil, au sein de l’EHPAD Sainte-Catherine-Labouré proche de Toulon en France, après une vie marquée jusqu’au bout par le goût des autres et un humour ravageur. La France a perdu sa doyenne. « Elle est décédée à 2H00 du matin. Il y a une grande tristesse, mais elle le voulait, c’était son désir de rejoindre son frère adoré. Pour elle, c’est une libération », avait annoncé David Tavella, chargé de la communication à l’Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes Sainte-Catherine-Labouré de Toulon. Pour elle, c’est une libération. Les obsèques se sont déroulés dans la plus stricte intimité.

Clouée sur un fauteuil roulant, aveugle, la religieuse vivait mal d’avoir perdu en partie ses capacités, mais elle tenait grâce à sa “foi profonde”, selon ses proches. Depuis plusieurs années, la religieuse née Lucile Randon le 11 février 1904 à Alès (Gard), ne cachait pas une certaine lassitude : elle souhaitait “se retirer de cette affaire”. Mais “le bon Dieu ne m’entendait pas”, avait-elle confié en 2022. “On dit que le travail tue, moi c’est le travail qui m’a fait vivre, j’ai travaillé jusqu’à 108 ans”, racontait-elle en avril 2022, lorsqu’elle avait été faite doyenne de l’humanité, après le décès à 119 ans de la Japonaise Kane Tanaka.

Aucun organisme officiel n’attribue ces titres de doyen ou doyenne mais les spécialistes s’accordaient pour dire que sœur André était la personne la plus âgée vivante dont l’état civil avait été vérifié. Le livre Guinness des records avait lui aussi acté ce record le 25 avril.

Dans sa maison de retraite, elle ne disait jamais non à un petit chocolat ou à un verre de porto. Sa vie était ponctuée par une messe chaque matin. Elle se présentait toujours dans ses habits de religieuse. Elle portait en elle “sa mission de ‘servitrice’ des autres, certaine que “sa foi profonde” la faisait tenir.

Pour elle, son grand âge était à la fois « une fierté, et un désastre », parce que sa santé ne lui permettait plus de servir assez les autres, désir qui l’animait profondément depuis son enfance. Immobilisée, elle portait toujours, comme un rappel de cette vocation, le voile bleu de sa congrégation. La porte de sa chambre, dans son Ehpad de Toulon, restait constamment ouverte pour accueillir quiconque aurait eu besoin de lui confier un secret, une prière, ou un peu d’un fardeau trop lourd.

En 2021, elle avait traversé l’épidémie de Covid-19 sans difficulté, devenant un symbole d’espoir qui avait suscité un flot de lettres du monde entier.

Elle blaguait régulièrement sur le record à battre, celui de Jeanne Calment, morte à 122 ans à Arles en 1997, dans ce sud de la France qu’elles ont partagé. Jeanne Calment reste donc la personne ayant vécu le plus longtemps dans l’histoire de l’humanité et dont l’état civil a été vérifié.
Mais sœur André est tout de même la 4e personne ayant vécu le plus longtemps, derrière Jeanne Calment, Kane Tanaka et une Américaine, selon Laurent Toussaint, spécialiste de la longévité extrême en France .

Issue d’une famille protestante, sœur André, écrit au masculin en hommage à l’un de ses trois frères qu’elle adorait, a été gouvernante à Paris avant de rentrer tardivement dans les ordres, au sein de la compagnie des Filles de la Charité.

Sa mémoire intacte jusqu’au bout, elle partageait beaucoup de souvenirs, la dramatique perte de sa jumelle Lydie à 18 mois et son arrivée à Paris. Elle n’avait vécu que dans le Gard, dans une petite ville, moche, elle arrivait dans une ville radieuse où elle s’occupait de deux enfants.

Elle a travaillé officiellement jusqu’à la fin des années 1970 et passé ensuite 30 ans dans un Ehpad en Savoie où elle s’occupait de pensionnaires parfois plus jeunes qu’elle, avant d’arriver à Toulon. Sœur André a passé 28 ans de sa vie religieuse à l’hôpital de Vichy où elle s’est occupée des personnes âgées et des orphelins. Ce n’est qu’en 2009 que la religieuse, déjà âgée de 105 ans, s’installe à Toulon, dans la maison de retraite Sainte Catherine Labouré, où elle est morte dans son sommeil.

À propos de son secret de longévité, sœur André répondait avec humour : « oh ça alors, c’est le bon Dieu qui le sait ! » Mais comme en témoigne sa vocation et aux dires de son entourage, c’est surtout sa foi et son sens des autres qui expliquait sa vitalité. Au Youtubeur TiboInshape qui lui demandait il y a encore quelques mois si elle s’ennuyait parfois, sœur André répondait du tac au tac : « Je ne m’ennuie jamais parce que je prie le temps que j’ai de libre ! » Et pour qui priait-elle ? « Pour tout le monde et surtout pour les malheureux, j’aime dorloter les gens et dans la prière, on trouve des ressources ».

Elle attendait toujours avec joie la visite de ses petits-neveux et arrières petits-neveux ou celle du maire de Toulon, Hubert Falco, qui a exprimé “son immense tristesse” mardi.

Sur Twitter, le secrétaire général de la conférence épiscopale de France a repris une citation de la religieuse: «j’ai aimé le Bon Dieu et je lui ai fait confiance». De son long passage sur terre, sœur André aura inlassablement conseillé toujours d’aimer sans restriction, d’aimer sans rien attendre en retour car quand on aime les autres, quand on va vers les autres, on n’a pas peur de l’inconnu. Pour elle, s’il devait y avoir deux buts dans une vie ce serait de “partager un grand amour et de ne pas transiger sur ses besoins”.

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