L’icône de pâque d’Ayman Adib

04-05-2022 12:26 PM


C’est aujourd’hui que Notre-Seigneur parcourt tous les abîmes ténébreux; aujourd’hui, il a brisé les portes d’airain; aujourd’hui, il a rompu les gonds de fer. En Orient, l’icône vénérée à Pâques est celle de la Descente aux Enfers, aussi appelée icône de l’Anastasis, c’est-à-dire du « Relèvement » : car la victoire du Christ est une recréation, un nouveau commencement. Jésus victorieux descend à la rencontre d’Adam et Ève pour les emmener à sa suite dans son triomphe. Cette «descente» est avant tout une vérité d’ordre théologique, elle exprime le sens le plus profond du mystère de Pâques : Jésus n’est pas ressuscité pour lui-même, mais pour tous les hommes, symboliquement rassemblés dans les deux figures d’Adam et d’Ève.

Contemplons « La Descente aux enfers » qui est une icône sur bois (70 x 50 cm, collection particulière), réalisée en 2004 par Ayman Adib, iconographe égyptien du Caire né en 1972.

Le Christ, portant sa croix, descend aux enfers dont il foule les portes arrachées. Il est le premier ressuscité, qui va libérer les justes de l’Ancien Testament, car « par sa mort, il a vaincu la mort ». Il saisit vigoureusement Adam et Ève sortis de leurs tombeaux, archétypes de l’humanité réconciliée avec Dieu par la Rédemption.

Dans la grotte ténébreuse où les lignes brisées et heurtées évoquent le tremblement de terre de la mort du Christ, une mandorle lumineuse à fond d’or indique l’irruption de Jésus victorieux du mal et de la mort. Son visage est d’une parfaite sérénité. Sans prêter la moindre attention au Diable aplati sous ses pieds, enchaîné et repoussé au plus profond de l’enfer, il regarde avec amour et bonté toutes les personnes de l’Ancienne Loi (huit, qui résument l’Ancien Testament), qui s’apprêtent à le suivre. Adam est vêtu d’un manteau brun qui figure son humanité née de la terre. Ève porte le vêtement traditionnel de la Vierge Marie, robe bleue de l’Incarnation et voile pourpre de la divinité du Christ.

Ce thème a été illustré à Constantinople en 1320, dans une fresque très célèbre de l’ex-église Saint-Sauveur in Chora, sommet de l’art byzantin. On l’appelle l’Anastasis (“résurrection” en grec), et cette icône remplace souvent celle de la Résurrection chez les orthodoxes. Dans l’Église copte-orthodoxe, elle est présentée à la vénération des fidèles le Samedi saint. La liturgie copte dit : « Il a emporté les siens dans la fête et ils se sont réjouis avec lui ».

Le renouveau de l’icône est vif dans plusieurs pays. En Égypte, tout en étant fidèles à la tradition dans l’esprit, les peintres osent innover, et même signer leurs icônes.

Ayman Adib est un des plus talentueux disciples du maître Isaac Fanous (1919-2007), père du renouveau de l’iconographie copte. Ces artistes font la synthèse de l’icône copte ancienne (l’art de l’icône et de la fresque trouve son origine en Égypte au IIe siècle, et inspira l’art byzantin débutant), de la peinture de l’Égypte antique, et d’une certaine liberté de création.

Des dizaines d’iconographes ont été formés par Fanous, au Caire. Chacun développe sa propre sensibilité avec des variantes, mais on reconnaît aussitôt le style de l’école fanousienne.

Isaac Fanous était un artiste et érudit égyptien, spécialisé dans l’art copte qui a fondé son école contemporaine.

Il est né à Al-Minya et s’est déplacé au Caire pour obtenir son diplôme de la Faculté des arts appliqués qui fait maintenant partie de l’Université Helwan en Égypte en 1941 et a obtenu un diplôme d’enseignement en 1943. Fanous a été l’un des premiers étudiants de l’ Institut des Études coptes fondée en 1954 et il a obtenu son doctorat en 1958. Sa bourse d’études de deux ans au Louvre au milieu des années 1960 a marqué un tournant dans sa carrière. Il en profite, alors qu’il est en France, pour étudier la peinture d’icônes sous la direction de Léonid Ouspensky, sous le patronage duquel il développe une passion à la fois d’artiste et de théologien. Cela l’amènera finalement à développer un style qui deviendra le nouveau visage de l’ iconographie copte au milieu du XXe siècle.

Fanous a présidé le département d’art copte de l’Institut d’études coptes du Caire , et a formé un certain nombre d’autres artistes coptes hors d’Égypte.

Au patriarcat copte-orthodoxe du Caire, à la cathédrale Saint-Marc, il a fondé le Centre d’Art Copte Contemporain. Presque tous les iconographes actuels sont ses disciples.

Il les poussait à exprimer leur propre talent avec la marque de l’école fanousienne. Ils ont décoré de nombreuses églises à travers l’Égypte, en France (église copte de Chatenay-Malabry) et aux États Unis. Son but fut de ressusciter la peinture d’icônes en Égypte, en un style ni byzantin ni occidentalisé. Il a forgé un style original, creuset de la peinture antique du temps des pharaons, des admirables portraits funéraires « du Fayoum » (Égypte romaine) et de l’icône copte ancienne, mais avec une touche résolument du XXe et XXIe siècle.

Pendant des siècles, avant l’arrivée de peintres comme Isaac Fanous, l’église orthodoxe copte avait son propre style, reconnu comme le style copte. Sous l’influence de l’art européen répandu en Égypte au XIXe siècle, de nombreuses églises égyptiennes ont des icônes qui ressemblent au style iconographique du christianisme européen (occidental).

L’école contemporaine de peinture d’icônes de Fanous est née dans le cadre d’une renaissance générale de la culture copte qui a commencé pendant le patriarcat du pape Cyrille VI (1959-1971).

Il a capitalisé sur le style copte déjà établi qui pouvait être vu dans les églises coptes historiques, mais dans son propre style qu’il a développé au fil des ans.

Il a dessiné tous les tableaux et icônes de l’église Saint Takla Haymanot à Alexandrie, qui a été consacrée en 1969. Entre 1977 et 1978, il a passé six mois au Royaume-Uni pour peindre les icônes de l’église copte orthodoxe Saint Marc à Allen Street, Kensington, Londres.

La géométrie de l’icône copte commence avec le cercle de l’auréole, au centre de laquelle passe la croix : c’est la forme parfaite et divine qui est la mesure de tout le corps. C’est tout-à-fait en accord avec la spiritualité des Coptes qui vivent une véritable amitié au quotidien avec le Christ et les saints.

Même si, dans cette fresque que nous présentons, le thème est d’inspiration byzantine, le style est différent de l’art byzantin, toute icône n’étant pas forcément byzantine ni gréco-russe.

L’icône néo-copte de l’école fanousienne est caractérisée par une vigoureuse composition géométrique, des formes rondes, des visages d’une grande pureté, l’importance accordée à l’auréole, des effets de foule caractéristiques. Et par moins d’austérité et de sévérité que dans l’icône russe : les visages rayonnent d’une joie paisible.

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