PALME D’OR POUR LE COURT-MÉTRAGE ÉGYPTIEN DE SAMEH ALAA

08-11-2020 06:42 PM


Célébrer le cinéma à Cannes, dans la ville qui en est l’un des symboles, célébrer le dynamisme international de sa création dans cette période si difficile pour son industrie, vivre un événement culturel à l’heure où il faut plus que jamais en redire l’importance, c’est ce qu’a souhaité faire le Festival de Cannes en collaboration avec la Mairie de Cannes en organisant sur la Croisette les trois jours de projections d’un «Spécial Cannes 2020» à destination du grand public cannois auquel le Festival souhaitait envoyer un signe d’amitié. L’événement s’est clôturé sur la scène du Grand Théâtre Lumière avec la remise de la Palme d’Or du court-métrage.

Suite à l’attentat de la basilique Notre-Dame à Nice, un tapis noir avait remplacé le tapis rouge et une minute de silence a été observée au début de la Cérémonie en hommage aux victimes et en signe de protestation contre les attaques terroristes.

Puis le Jury des courts-métrages est monté sur scène, entouré de l’ensemble des jeunes cinéastes composant la compétition.

Il a alors décerné la Palme d’Or, le prix le plus prestigieux de cinéma, à l’unanimité au film “Setasher” (seize) ou « I AM AFRAID TO FORGET YOUR FACE » (Je crains d’oublier ton visage), réalisé par Sameh Alaa.

C’est la première fois qu’un film égyptien remporte la Palme d’Or du court-métrage au Festival de Cannes, après que, ces dernières années, de nombreux jeunes cinéastes aient figuré en Sélection officielle, signe de la vitalité de la nouvelle génération venue d’Égypte.

“Setasher” devient le premier film égyptien à remporter ce grand prix du festival, après que le regretté réalisateur Youssef Chahine ait remporté le prix du jubilé d’or du festival pour l’ensemble de ses œuvres.

Le film avait précédemment reçu le prix du meilleur court métrage de fiction du Festival international du film de Moscou, pour devenir le troisième prix décerné au film après avoir reçu une mention spéciale du jury du Festival belge de Namur à sa trente-cinquième session. Le Festival de Namur est le plus important de Belgique et l’un des plus importants festivals francophones de L’Europe.

Le prix a été reçu par le réalisateur Sameh Alaa, qui a exprimé sa joie et sa fierté à cet égard, soulignant qu’il n’a pas trouvé de mots pour exprimer ses sentiments à l’égard de ce grand prix.

Le film « I AM AFRAID TO FORGET YOUR FACE » est produit par les producteurs Mohamed Taymour et Marc Lotfi, avec la participation d’Ahmed Zayan et du Français Martin Jérôme.

Il est à noter que la première projection du film dans son Egypte natale a eu lieu lors de la quatrième session du Festival international du film d’El Gouna. Le court-métrage primé de l’Etoile d’or, qui a gagné face à plus de dix autres concurrents, est focalisé sur Adam, un jeune âgé de 16 ans qui, selon le synopsis, est prêt à tout pour retrouver sa compagne, dont il était séparé depuis 82 jours.

Il erre pendant un quart d’heure dans les rues de la ville. Son parcours commence d’une manière attirante, et avec le déroulement des événements nous apprenons qu’elle s’est suicidée. Tout ce qu’il désire alors c’est d’essayer de voir son visage avant qu’elle ne soit enterrée.

« Je crains d’oublier ton visage » : c’est autour de cette peur que ce court-métrage est construit. Le réalisateur égyptien livre à nouveau un film sobre, qui fait suivre le parcours d’Adam, bien décidé à rendre un dernier hommage à la femme qu’il aime.

Non, la facilité du personnage à se faire passer pour une femme est due à ces longs vêtements appelés « voiles intégraux ». Le travestissement est signifié par un long travelling avant vers un lourd manteau noir qui occupe désormais l’intégralité du cadre. Lors du plan suivant, les yeux du personnage se détachent enfin, ainsi que cette étoffe lourde et noire, du début à la fin du film.

Ces yeux aimantent ceux des spectateurs tout au long du court-métrage. On les suit dans la chambre mortuaire, dans la difficulté à se frayer une place dans la foule des « hommes » réduits eux-mêmes aux vêtements qu’ils portent. On découvre alors une beauté à ces tissus sombres, aux lignes droites et dures, qui accompagnent avec douceur le déroulé du film qui contrastent élégamment avec la blancheur du linceul.

Symboles également d’intimité et d’intériorité, les plans sur ses yeux à peine visibles s’opposent aux bruits du dehors : roulis des voitures, coups de klaxon, cahots du bus, rumeur de la ville. La rencontre, tant attendue, avec la morte, se fera dans un silence de recueillement qui contraste, pour sa part avec les youyous qui attendent Adam à sa sortie. Tous les sons du film semblent avoir pour fonction de servir d’écrin aux silences. Les paroles sont peu nombreuses, soigneusement évitées, comme si elles risquaient d’extraire de cette intimité. Un travail d’antithèse qui rappelle la discordance entre le mutisme du personnage de « Fifteen » et de l’agitation du Caire qui l’entoure.

L’action est tellement ténue que ce n’est finalement pas sur elle que portera notre attention : toute la séduction du film est portée par sa sobriété. Le transport du cercueil lui-même apparaît comme un à-côté superflu au regard du baiser silencieux qu’Adam aura déposé sur le front de sa bien-aimée. Le silence, l’obscurité et l’immobilité recueillent tout entier le deuil du personnage.

Les vedettes du film sont les stars du cinéma Seif El Dine Hemeida, 21 ans, qui étudie en deuxième année à l’Académie des Arts, à la Division du Théâtre Populaire et Nourhane Abdel Aziz.

A noter que Sameh Alaa est un cinéaste égyptien basé au Caire et à Bruxelles. Il est titulaire d’une licence en littérature allemande et a étudié les techniques de base de la réalisation de films pendant deux ans à l’Académie des arts et des technologies du cinéma. Alaa a développé son intérêt pour le cinéma dès son adolescence. Tout a commencé quand il avait 17 ans, quand son grand-père lui a fait découvrir le film italien « La Strada » (La rue). C’est à ce moment qu’il a commencé à percevoir le cinéma sous un autre angle. Il a également travaillé en tant qu’assistant de production dans divers films publicitaires et longs métrages avant de s’installer en Europe. En 2012, Sameh est parti à Prague, en République tchèque, pour étudier la réalisation à la FAMU où il a obtenu son diplôme en un an. Peu après avoir obtenu son diplôme, il s’est installé à Paris où il a poursuivi un master à l’École internationale de création audiovisuelle et de réalisation de films. « Le Steak de Tante Margaux » était son film de fin d’études. Il finalise actuellement son montage pour un court métrage expérimental qui sortira à la fin de cette année. Il développe également son premier long métrage qui sera également tourné en Égypte.

Il est le réalisateur des courts métrages « The Bread » (le pain) (2013), « Shadow » (l’ombre) (2014), Yun Yun (2014), et « Fifteen » (quinze) (2017) est son dernier film ; il a été sélectionné en Première Mondiale au Festival de Toronto 2017 (section Shorts Cuts).

Il est bon de savoir que le Festival de Cannes fut au printemps dernier le premier festival de cinéma à être impacté par l’épidémie. L’événement « Spécial Cannes 2020 », destiné au public cannois, a pu se dérouler en s’achevant quelques heures avant l’application du confinement général décrété par le gouvernement français.

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