L’amour inconditionnel

03-07-2020 07:20 AM


De nombreuses œuvres littéraires ont parlé des épidémies et de leur impact sur la condition humaine, leurs mouvements et leurs espoirs, dont le roman « Le Sixième jour » d’Andrée Chedid, roman français appartenant à la littérature du symbolisme, publié pour la première fois en 1960 et toujours imprimé à ce jour, car il le représente très professionnellement.

Pourquoi au fait parler de ce livre aujourd’hui ? Non seulement parce qu’il est d’une grande actualité, mais aussi parce que bientôt nous serons confrontés à une nouvelle vague de livres arabes post-Covid-19 et cela ne peut qu’affiner notre réception des nouveaux regards posés sur la pandémie.

Dans ce court roman intitulé « Le Sixième jour » (1960), la romancière et poète d’origine égypto-libanaise Andrée Chedid, installée à Paris en 1946, raconte l’Égypte de 1948, touchée par une épidémie de choléra. Les grandes villes sont épargnées par la maladie, à la différence des campagnes où plus de dix mille personnes sont tuées par la bactérie. Les familles cachent leurs malades et leurs morts pour échapper aux ambulances qui emportaient les corps sans jamais les ramener. Chacun se méfie de son voisin, la délation et la défiance règnent. « Saddika », laveuse, a quitté son village avec son mari Saïd quand elle était encore jeune. Dans un quartier populaire du Caire, elle s’occupe de son mari paralysé et de son petit-fils Hassan. Quand l’enfant tombe malade, elle décide de tout faire pour échapper à l’hôpital, et de le cacher en espérant qu’il revienne à lui, le sixième jour de la maladie.

Pendant tout le récit, le lecteur suit avec émotion et empathie le voyage contre la mort de cette grand-mère courageuse. Chaque jour, Hassan perd des forces, son corps se raidit et sa peau bleuit. Saddika ne perd pourtant pas espoir et continue de croire que le sixième jour, Hassan guérira, que ses joues seront à nouveau pleines de vie et de soleil. Par ses paroles chuchotées à l’oreille, elle tente d’apaiser le malade : « Ni les hommes, ni la mort ne nous rattraperons… L’ombre, c’est la maladie du soleil, et rappelle-toi, le soleil gagne toujours. Toi, tu es mon soleil. Tu es ma vie. Tu ne peux pas mourir… ». Continuer à croire en la vie, tel est le mot d’ordre de Saddika. Le maître de l’enfant a été emporté par l’ambulance. Jamais il n’est revenu enseigner malgré la longue attente de la femme et de son petit-fils. C’est lui qui a parlé du sixième jour : « N’oublie pas ce que je te dis : le sixième jour ou bien on meurt ou bien on ressuscite. » Si la prophétie ne s’est pas réalisée pour l’instituteur, Saddika croit qu’il en sera autrement pour son Hassan, qu’elle aidera coûte que coûte à vaincre le mal.

La maladie est représentée comme un masque, un trompe-l’œil qui cache la réalité et obscurcit la vie : « Ces marbrures, cette sueur sont des vêtements d’emprunt. Ce souffle bruyant n’est pas celui de la fin, mais du grand combat ; et rien ne se gagne sans combat. Ces chairs, ces os rassemblés ne sont pas vraiment Hassan. Hassan est derrière tout cela, qui veille ».

La vie et la mort rassemblés dans un même corps mène un combat acharné. Hassan lutte, mais sa grand-mère pourra-t-elle continuer à le protéger et à lui insuffler du courage ? Les rôles sont inversés, ne suivent pas un schéma classique où les plus jeunes s’occupent de leurs aînés.

Dans le roman d’Andrée Chedid l’attachement au personnage de « Saddika » est renforcé par son âge et les efforts énormes qu’elle doit déployer pour transporter l’enfant, le soigner, l’aimer. En plus de ces efforts physiques, la femme doit aussi se battre contre les hommes qui pourraient la dénoncer.

Dans le centre du Caire où elle se cache en premier lieu, « Okkasionne », montreur de singe, se vante d’avoir gagné beaucoup d’argent en dénonçant des cas de choléra. Le saltimbanque s’oppose dans sa personnalité à « Abou Nawass », le batelier qui accepte d’embarquer la femme vers la mer, l’unique moyen de guérir Hassan. Alors qu’Okkasionne apparaît bavard, égoïste et prétentieux ; le marin incarne la sagesse silencieuse, et ne semble pas avoir peur de la maladie. Mais même la bêtise humaine se soigne, et Okkasionne évolue au cours d’un voyage dans lequel il est embarqué bon gré mal gré.

Le Sixième jour décrit la beauté et la force de l’amour familial, questionne sur la maladie, sur les choix d’une vie et le courage nécessaire pour les réaliser. L’ombre de « Saddika » est là pour nous rappeler de croire en nos rêves, même s’ils s’avèrent chimériques. La littérature nous offre une leçon d’histoire afin de surmonter les pandémies. C’est ainsi qu’il faut lire l’expérience vécue par Om Hassan comme un exemple à suivre.

L’amour est plus fort que la mort, amour qui nous invite à nous attacher à nos proches, à les protéger et à traverser avec eux cette dure épreuve pour s’en sortir victorieux tel le personnage de Chedid.

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