Décès du célèbre sculpteur Adam Henein

05-06-2020 05:24 PM


Le célèbre sculpteur égyptien Adam Henein, qui a participé à la restauration du grand sphinx de Guizeh, est mort vendredi 22 mai à l’âge de 91 ans des suites d’une longue maladie. “La scène des arts visuels égyptienne perd un génie, un symbole”, a déclaré la ministre de la Culture égyptienne Inas Abdel-Dayem.

De sa part, le président de l’Institut du monde arabe (IMA), Jack Lang, a rendu hommage au sculpteur égyptien. Soulignant avoir appris avec une grande tristesse le décès d’Adam Henein, Jack Lang rappelle qu’en deux ou trois dimensions, le sculpteur continue son travail jusqu’à ses derniers jours – dont nous conservons des pièces dans les collections de l’Institut du monde arabe – dans son atelier au pied des pyramides.

« C’est une personnalité très attachante, humaine et simple qui est décédée », écrit encore l’ancien ministre français de la culture. Dans son message, Jack Lang a salué la mémoire de cet artiste « dont le travail dans la pierre et le métal montre une recherche de pureté et d’absolu ».

Né au Caire en 1929, Adam Henein a étudié la sculpture à l’École des beaux-arts de la capitale égyptienne, dans la continuité de sa fascination pour le patrimoine pharaonique, dès l’âge de 8 ans. Il a étudié en profondeur la sculpture de l’Égypte ancienne, à la fois technique et formelle

Né au sein d’une famille d’orfèvres et de bijoutiersd’Assiout Adam Henein a grandi dans le quartier de Bab al-Chaariyya. Il réalise son premier modèle – une figure de pharaon en argile – à l’âge de huit ans. Cela a marqué le début d’un parcours artistique de toute une vie au cours duquel il a développé son propre style en sculpture et autres modes d’expression.

En 1949, Henein rejoint le département de sculpture de l’École des beaux-arts du Caire, dont il sort diplômé en 1953. Il a ensuite remporté le prix de Louxor, une bourse de deux ans dans un atelier de la cité. La rive ouest de Louxor est célèbre pour ses tombes taillées dans la roche et ses temples mortuaires des pharaons pendant le Nouvel Empire (1550 – 1070 av. J.-C.). Là, Henein s’est approché de l’héritage antique inimitable de l’Égypte, et a fait l’expérience de la vie actuelle des gens qui vivaient leur existence intemporelle près des tombes immortelles. Le ministère lui a accordé une autre bourse en Haute-Égypte au cours de laquelle il s’est rendu jusqu’à Assouan, au sud.

La carrière de Henein l’a conduit à l’Académie de Munich en Allemagne en 1958 pour obtenir un diplôme en méthodologie avancée. Là, il reprend sa quête d’identité artistique, tantôt en sculptant, tantôt en peignant.

À Munich, Henein fait la connaissance de la femme qu’il épousera plus tard, l’anthropologue Afaf al-Dib, qu’il rencontre en 1960 lors d’une de ses expositions.

Henein retourne au Caire en 1962 et séjourne dans le quartier de la splendide maison médiévale Sennari, dans le vieux Caire. En 1971, il s’est rendu avec sa femme à Paris où ils sont restés pendant plus de deux décennies et où il a exploré les beaux-arts de la peinture et de la sculpture, visitant des galeries et des musées, travaillant et faisant reconnaître son style égyptien ancien et son utilisation de matériaux traditionnels.

De 1989 à 1998, Henein a travaillé avec le ministère égyptien de la culture, dirigeant le projet de restauration du Sphinx.

Le résultat de la bourse d’études de Henein à Louxor et de sa vie en Haute-Égypte est un certain nombre de pièces sculptées dans sa propre perspective qui a été définitivement influencée par l’environnement serein où il avait vécu. L’une de ces pièces était la statue “Jar Holder”, aujourd’hui dans un musée à Dallas aux États-Unis.

Dans le cadre d’une expérience unique, Henein a réussi à transformer en une seule étape l’argile, qui était cassable après avoir été façonnée, en un matériau solide et robuste en le faisant cuire dans un four à très haute température.

L’artiste a créé la Fondation Adam Henein pour les beaux-arts en 2007, une fondation à but non lucratif qui vise à servir la communauté en proposant des ateliers et des expositions aux jeunes artistes égyptiens, ainsi que la communication avec leurs homologues internationaux. Elle a également documenté le parcours artistique de Henein pendant plus de 60 ans.

Le rêve de Henein de faire revivre l’art de la sculpture sur roche dure, une caractéristique importante de la sculpture égyptienne ancienne, s’est réalisé en 1996, à son retour de Paris, lorsqu’il a fondé le Symposium international de sculpture d’Assouan (AISS) qu’il a dirigé vers ses derniers jours. Il était tout à fait approprié que cet événement annuel se tienne à Assouan, une ville qui, depuis l’Antiquité, est célèbre pour ses carrières de granit.

Le symposium, auquel participent plusieurs pays, devait créer un nouveau monde de splendeur, de prospérité et de vie. Il n’a pas de thème spécifique, mais agit comme une porte qui s’ouvre largement sur des notions abstraites de liberté telles que celles incarnées par les voiles des felouques sur le Nil tout proche. Les artistes bénéficient de conseils techniques et d’une liberté totale pour sculpter ce qu’ils souhaitent.

Aujourd’hui, 200 statues de tailles diverses sont exposées sur un haut plateau dans le courant d’une chute d’eau surplombant le lac entre Assouan et le haut barrage, ce qui permet d’exploiter pleinement le magnifique paysage.

En 2014, le musée Adam Henein a ouvert ses portes au Caire. Le musée abrite les splendides œuvres de l’artiste ; ses sculptures reflètent la gloire de son héritage profondément enraciné qui remonte à des milliers d’années. Même si elle est fortement influencée par la sculpture pharaonique, son œuvre porte des touches contemporaines et expérimentales, créant un dialogue silencieux et toujours vivant entre l’ancien et le moderne. Son travail dévoile des secrets sur l’adaptation des outils aux matériaux solides.

Le musée a ouvert ses portes après sept ans de préparation. Le bâtiment de trois étages abrite 4000 pièces, fruit de plus de 65 ans de créativité. On y trouve des sculptures en bronze, pierre, bois, argile et granit ainsi que des peintures et des dessins sur papier et sur toile en acrylique, aquarelle, encre et fusain. Mais même son travail sur toile trahit l’influence de la perspective de l’artiste en tant que sculpteur.

Le musée de Henein vient s’ajouter à la série des musées d’art égyptiens qui portent le nom des pionniers de cet art, tels que le sculpteur Mahmoud Moukhtar au Caire, les peintres Mahmoud Saïd, Adham et Seif Wanly à Alexandrie, et Mohamad Nagui dans le quartier des Pyramides à Guizeh, ainsi que le musée du verre Zakariya al-Khanani au Caire et le musée de céramique Nabil Darwiche, près des Pyramides.

En 2017, la Fondation Adam Henein a créé le Prix annuel de sculpture portant son nom. Ce prix est décerné à un membre des jeunes générations de sculpteurs égyptiens, lors d’une exposition annuelle des meilleures œuvres de jeunes artistes égyptiens.

Henein a organisé quelque 14 expositions personnelles à l’intérieur et à l’extérieur de l’Égypte : au Caire, à Alexandrie, à Amsterdam, à Londres, à Nantes, à Paris et à Rome. Il a également participé à des expositions collectives au Caire, à Munich, à Calais, à Casablanca, à Dakar, à Ljubljana, à Naples, à Sorrente et à Spoleto.

Il a reçu de nombreuses récompenses pour ses œuvres de premier plan. En 1953, il a reçu le prix de la production artistique du ministère de l’éducation ; en 1988, il a obtenu le prix du Grand Nil à la Biennale du Caire, ainsi que le prix d’appréciation de l’État ; la médaille du premier prix des sciences et des arts en 1998 ; et le prix Moubarak en 2004.

Les œuvres de Henein sont fièrement exposées dans le monde entier. Outre son “porte-bocal” à Dallas, un oiseau de bronze aux ailes déployées orne l’entrée de la maison d’édition al-Ahram au centre du Caire ; et sa statue de la “Liberté” se dresse devant le ministère de l’éducation au Caire. Ses mosaïques colorées ornent la façade de la Cité des arts d’al-Haram, à Guizeh.

Ses œuvres ont été acquises par de nombreux musées et institutions en Égypte et ailleurs. En 2014 à Guizeh, il décida de transformer sa propre maison en musée, où sont exposées diverses peintures et sculptures. Artiste généreux, Adam Henein fit le choix de donner ses œuvres, plutôt que de les vendre.

“J’avais l’habitude de me réveiller et de courir aux fenêtres pour observer les oiseaux pendant longtemps”, avait déclaré Henein dans un documentaire produit par la Bibliotheca Alexandrina. “Cela vous transporte dans un autre lieu, une autre langue, un autre monde”.

Les oiseaux, les chats et les chiens, qui étaient tous populaires dans l’art égyptien ancien, figuraient dans les sculptures de Henein. Ses œuvres étaient exceptionnelles, audacieuses et lisses, aux formes géométriques fortes, parfois petites, parfois monumentales. Il a représenté des gens de la classe ouvrière égyptienne, en particulier de la ville d’Assouan, dans le sud du pays. Au début des années 2000, il a réalisé une grande statue de la diva égyptienne Oum Kalthoum (1898- 1975).

“L’art est une bénédiction majeure de Dieu pour les humains”, dit-il dans le documentaire. “Il éduque les personnes et change leurs sentiments et leurs idées”.

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