L’écrivain français Franck Bouysse lauréat du prix des libraires

31-05-2019 10:44 AM


Le prix des libraires 2019 vient d’être décerné à Franck Bouysse pour son roman “Né d’aucune femme”, publié en janvier à la Manufacture de Livres. L’auteur originaire de Brive-la-Gaillarde en a écoulé 30.000 exemplaires. Il est également en lice pour le prix du livre Inter et le prix AFD Littérature monde.
Né d’aucune femme est son douzième roman. Franck Bouysse a déjà été récompensé du prix de la Ville de Brive pour “Plateau” en 2016 ainsi que du prix SNCF du polar pour “Glaise” en 2017.
“Né d’aucune femme” est également en lice pour le prix Orange du livre qui sera décerné le 4 juin et d’autres prix littéraires dont le prix Étonnants voyageurs/Ouest France.
Le romancier Franck Bouysse, 53 ans, a reçu mercredi 14 mai ce prix des libraires pour le récit tragique et magnifique d’une femme à la résilience inouïe.
Porté par une écriture incandescente, ce roman noir et plein d’empathie raconte l’histoire de Rose vendue à l’âge de 14 ans à un riche propriétaire d’une forge, par son père trop pauvre pour nourrir les siens. On découvre son histoire effroyable en lisant son journal récupéré par un prêtre à sa mort dans un asile.
Il y a dans le récit de Franck Bouysse des réminiscences des contes traditionnels peuplés d’ogres. On est parfois terrifié par ce qu’on lit. Viols, meurtres, enlèvement d’enfant… Et pourtant rien n’est glauque. Par sa résilience, Rose est une figure lumineuse. Sa force réside dans l’écriture. “La seule chose qui me rattache à la vie, c’est de continuer à écrire, ou plutôt à écrier, même si je ne crois pas que ce mot existe il me convient”, écrit Rose dans ses cahiers. Gabriel, le jeune prêtre qui a découvert les carnets de Rose, va consacrer sa vie à retracer la vie de cette femme. Peut-on imaginer un autre destin pour Rose?
Franck Bouysse nous plonge dans une atmosphère à la façon de Flaubert ou de Dickens. « Né d’aucune femme » est un roman choral, situé fin XIXe début XXe, dans une province qui pourrait être les Landes ou le sud-Ouest chers au cœur de l’auteur.
Gabriel, le curé du village, reçoit une étrange visite. Une inconnue l’informe qu’il va être appelé par ceux du monastère où se réfugient les filles perdues, auprès d’une jeune morte. Dans les plis de la robe, il trouvera deux carnets, une vie, la vie de Rose…
Rapidement, avec Gabriel, le lecteur feuillette ces carnets et plonge directement dans l’horreur de la misère. Celle des filles qui naissent mais ne servent à rien, même si elles travaillent dur, bouche à nourrir, dot à payer, et elles partent servir dans la famille du mari quand on leur en trouve un…Mais ici, Onésime, le père, au plus profond de son désespoir car il n’arrive pas à subvenir correctement aux besoins de sa famille, a trouvé un moyen de se débarrasser de son aînée, la vendre au maître de forge.
Elle part avec son père, ne le sait pas encore, mais sa vie d’avant est finie à jamais. Elle repart avec le maître vers cette grande demeure inquiétante où règne la Vieille, mère et maîtresse, mauvaise, hostile à cette jeune femme qu’elle dresse et veut assujettir à sa volonté. Là, Rose, devenue la petite, va vivre des moments de labeur et de douleur. Brimades, corrections, viol, rien ne sera épargné à celle qui désormais appartient au maître corps et âme.
L’auteur construit et fait évoluer autour d’elle les différents protagonistes, en particulier les acteurs de son malheur, avec une montée dans l’intrigue digne des grands romans noir. Pourtant, au plus douloureux de ce qu’elle va vivre, elle n’est cependant jamais totalement désespérée. Elle sait voir le beau. Flatter le col d’un cheval et vivre des instants de bonheur et de douceur à son contact, penser à un jeune homme dont le regard l’émeut sont autant d’instants qu’elle saura sublimer pour réussir à rester vivante dans sa tête.
L’auteur décrit ici le mal dans ce qu’il a de plus terrible, quand le plus fort montre à l’autre ses faiblesses, anéanti sa volonté, annihile sa personnalité. L’auteur met en scène une jeune femme qui sait verbaliser et écrire le désespoir. Rose réussit à s’extraire mentalement du malheur qu’est sa vie pour devenir une jeune femme solide, parfois même amoureuse, qui ressent des sentiments, des joies, dans cette maison où tout bonheur lui est pourtant refusé. Enfermée, alors qu’elle devrait devenir folle, l’écriture va la sauver.
On découvre Franck Bouysse avec ce roman où on trouve autant de beauté que de cruauté s’exprimant avec une plume qui sait dire la complexité des sentiments et les mots qui émeuvent.
Ainsi sortent de l’ombre les cahiers de Rose, ceux dans lesquels elle a raconté son histoire, cherchant à briser le secret dont on voulait couvrir son destin. Franck Bouysse, lauréat de plus de dix prix littéraires, offre avec «Né d’aucune femme» la plus vibrante de ses œuvres. Ce roman sensible et poignant confirme son immense talent à conter les failles et les grandeurs de l’âme humaine.
Décerné par un réseau de 1.600 libraires indépendants, le prix des libraires a été créé en 1955. Plusieurs de ses lauréats (Laurent Gaudé, Didier Decoin, Patrick Modiano et Georges Conchon) ont ensuite obtenu le prix Goncourt, voire, pour Modiano, le Nobel de littérature.

L’auteur en quelques mots
Franck Bouysse naît en 1965 à Brive-la-Gaillarde. Il partage son enfance entre un appartement du lycée agricole où son père enseigne et la ferme familiale tenue par ses grands-parents. Il y passe ses soirées et ses week-ends, se passionne pour le travail de la terre, l’élevage des bêtes, apprend à pêcher, à braconner…
Sa vocation pour l’écriture naîtra d’une grippe, alors qu’il n’est qu’adolescent. Sa mère, institutrice, lui offre trois livres pour l’occuper tandis qu’il doit garder le lit: “L’Iliade et L’Odyssée”, “L’Île aux trésors” et “Les Enfants du capitaine Grant”. Il ressort de ses lectures avec un objectif : raconter des histoires, lui aussi. Après des études de biologie, il s’installe à Limoges pour enseigner. Pendant ses loisirs, il écrit des nouvelles, lit toujours avidement et découvre la littérature américaine, avec notamment William Faulkner dont la prose alimente ses propres réflexions sur la langue et le style. Jeune père, il se lance dans l’écriture de ses premiers livres : il écrit pour son fils les romans d’aventures qu’il voudrait lui offrir plus tard, inspiré des auteurs qui ont marqué son enfance : Stevenson, Charles Dickens, Conan Doyle, Melville… Son travail d’écriture se poursuit sans ambition professionnelle. Le hasard des rencontres le conduit à publier quelques textes dans des maisons d’édition régionales dont la diffusion reste confidentielle.
En 2013, il déniche une maison en Corrèze, à quelques kilomètres des lieux de son enfance. La propriété est vétuste, mais c’est le coup de cœur immédiat.
Il achète la maison qu’il passera plus d’une année à restaurer en solitaire. Alors qu’il est perdu dans ce hameau désolé, au cœur de ce territoire encore sauvage, un projet romanesque d’ampleur prend forme dans son esprit. Un livre voit le jour et, poussé par un ami, Franck Bouysse entreprend de trouver un éditeur.
Grossir le ciel paraît en 2014 à La Manufacture de livres et, porté par les libraires, connaît un beau succès. La renommée de ce roman va grandissant : les prix littéraires s’accumulent, la critique s’intéresse à l’auteur, un projet d’adaptation cinématographique est lancé. Ce livre est un tournant. Au total, près de 100 000 exemplaires seront vendus. Suivront “Plateau”, puis “Glaise”, dont les succès confirment l’engouement des lecteurs et des professionnels pour cette œuvre singulière et puissante.
Avec «Né d’aucune femme», l’auteur atteint un sommet, nous transporte au-delà de l’histoire, au plus profond de l’âme humaine. Celle qui est mauvaise, méchante, mais aussi, la belle, la « sans défense », celle qui possède la pureté de la naïveté.

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