Atlas historique de l’Afrique

18-10-2018 11:32 AM


Il comble avec bonheur les carences éditoriales dans un domaine piégé par les clichés. Il est à coup sûr utile aux journalistes, enseignants et étudiants qui aspirent à parler et écrire sur l’Afrique.
L’auteur, Bernard Lugan raconte l’Afrique des origines à nos jours en 420 pages et 250 cartes en couleur, didactiques et réduites à l’essentiel. Chaque aspect de l’histoire africaine fait l’objet d’une synthèse d’une page, illustrée d’une ou plusieurs cartes.
De façon conventionnelle, l’historien débute par un chapitre consacré à la terre et aux hommes. Il souligne l’extrême diversité naturelle du continent africain en dépit de son apparence massive et compacte, avec « au moins cinq Afriques : les Afriques des déserts, les Afriques des savanes, les Afriques des forêts, les Afriques des hautes terres et les Afriques tempérées » (Bernard Lugan). Les barrières naturelles (fleuves, déserts et montagnes) nourrissent la diversité humaine.
L’Atlas décrit les mouvements incessants de populations de l’homo sapiens à nos jours, mouvements à peine interrompus par l’établissement de frontières étatiques sous l’égide des Européens. Il montre la lente expansion des peuples de langues bantoues à partir de l’embouchure du Niger, vers le centre et le sud du continent, au détriment des anciennes populations (Khoisan, Pygmées etc.).
Il décrit aussi les flux commerciaux et les échanges de l’Afrique subsaharienne avec le reste du monde. Il raconte les heurs et malheurs des flux transsahariens, entre le Maroc et le Soudan via Sijilmassa, entre la Libye et la région du Tchad, enfin le long de la vallée du Nil.
Le monde méditerranéen livrait au monde noir des articles de luxe et des armes aussi bien que des articles d’usage courant ; il recevait en retour de l’or, de la gomme arabique, des peaux, également des esclaves…
L’arrivée au XVe siècle des navigateurs portugais sur le golfe de Guinée ruina ces réseaux commerciaux qui avaient fait la fortune des empires sahéliens (Mali, Songhay…). C’est sur le littoral que les Africains se sont tournés pour s’approvisionner à meilleur compte en produits manufacturés et livrer leurs propres marchandises, esclaves inclus. Il s’en est suivi la formation de royaumes côtiers enrichis par le commerce et la traite.
Exception faite de l’Afrique australe, où des paysans hollandais-français s’enfoncent dans l’intérieur des terres dès le milieu du XVIIIe siècle, les Européens ne se hasarderont à l’intérieur de l’Afrique qu’au tout début du XIXe siècle (Mungo Park, René Caillié…).
L’épisode colonial débute à proprement parler à la fin du XIXe siècle (il durera à peu près autant que l’Union soviétique, soit un peu moins qu’une vie d’homme).
« En 1880, à l’exception du Sénégal, la présence européenne sur le littoral de l’Afrique occidentale était limitée à des comptoirs dont l’hinterland était souvent contrôlé par de puissants royaumes : Ashanti, Dahomey, Bénin etc. Depuis la fin de la traite, cette région n’intéressait plus les Européens. Et pourtant, en moins de vingt ans, toute la région, depuis l’Atlantique jusqu’au lac Tchad allait passer sous leur contrôle » (Bernard Lugan). En France, cette entreprise allait être le grand œuvre de la gauche républicaine et universaliste alors au pouvoir, pétrie de généreuses intentions et désireuse de « civiliser les races inférieures » selon le mot célèbre de Jules Ferry.
« La colonisation cassa ainsi plusieurs ‘’Prusses’’ africaines potentielles ou en devenir : Madagascar et la monarchie hova, l’Empire de Sokoto, les royaumes ashanti et zulu, les ensembles créés par el-Hadj Omar ou par Samory etc. Elle en subjugua d’autres, les arrêtant durant une phase expansionniste de leur histoire, comme l’État tutsi rwandais (…) ou encore comme l’Éthiopie, empêchée de regagner un accès à la mer en raison de l’installation italienne en Érythrée » (Bernard Lugan).
Dans les années 1990, avec la fin de la compétition Est-Ouest et le déclin de l’Occident, ces enjeux historiques sont réapparus avec force, néanmoins aggravés et troublés par l’explosion démographique de l’Afrique. Mais, instruit par ses propres erreurs, Bernard Lugan se garde de toute prévision et reste par exemple muet sur l’arrivée de la Chine en Afrique et ses possibles conséquences.
L’Atlas historique de l’Afrique a l’immense mérite de conférer aux Africains une Histoire, à l’égal des autres hommes de la planète. Il montre des peuples qui vivent, meurent, s’allient, se font la guerre ou se réduisent en esclavage en vertu de ce qu’ils croient être leur intérêt. En bref, il les représente comme les Européens se représentent eux-mêmes dans leurs livres d’Histoire.
En cela, Bernard Lugan s’oppose frontalement au racisme radical qui imprègne les milieux universitaires et réduit les Africains à un statut de victimes et d’éternels opprimés, irresponsables de leurs actes, soumis au bon vouloir des Européens. On peut toutefois lui reprocher une trop grande pudeur en ce qui concerne les agissements desdits Européens sur le sol africain.

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