À l’invitation du Pape François, la quasi-totalité des patriarches des Églises orientales, orthodoxes comme catholiques, ainsi que des représentants du protestantisme se sont retrouvés samedi 7 juillet à Bari pour une journée de prière et de réflexion pour le Moyen-Orient
Michael Victor
Et quel meilleur endroit que la ville de Bari, dans les Pouilles, en Italie, où sont vénérées les reliques de saint Nicolas de Myre, pour servir de cadre à cette prière œcuménique qui marque un nouveau pas exceptionnel dans le rapprochement entre les Églises d’Orient et d’Occident, depuis leur séparation en 1054. Et ce saint, Nicolas, dont la fête liturgique populaire et ses miracles attirent dans la ville, depuis plus de 900 ans, des foules immenses de pèlerins catholiques et orthodoxes, ces derniers de plus en plus nombreux. Se rassembler sur le sol de sa dépouille, pour les pèlerins comme pour les grands responsables religieux, est l’occasion de renforcer, autour d’un des saints les plus vénérés de la chrétienté, les liens de communion qui unissent les disciples du Christ à travers le monde.
Arrivé à Bari en hélicoptère en début de matinée, le Pape François a accueilli, un à un, les patriarches à l’entrée de la basilique Saint-Nicolas. Il est ensuite descendu avec eux dans la crypte pour vénérer les reliques du saint du IVème siècle.
Saint Nicolas représente un pont entre Orient et Occident pour une Église qui en a besoin et qui compte sur la prière pour ramener de l’espérance et de la paix dans une région encore déchiré par les armes. Le cardinal Sandri préfet de la Congrégation des Eglises orientales rappelle que cette journée vise à interpeller les leaders du monde qui ont la capacité de ramener la paix dans la région. Une journée qui veut aussi apporter un témoignage d’unité entre les différentes Eglises, montrer que l’œcuménisme passe aussi par ce travail pour la paix.
Applaudis par la foule, le Pape et les patriarches ont ensuite rejoint le bord de mer, dans un minibus blanc sans vitre, déjà surnommé « la papamobile œcuménique ». La rencontre de prière à quelques mètres de la mer Méditerranée, a été brièvement introduite par le Pape François, qui a prononcé une allocution fixant le cadre de cette rencontre.
«Nous sommes venus comme pèlerins à Bari, une fenêtre ouverte sur le Proche-Orient, portant dans le cœur nos Églises, les peuples et les nombreuses personnes qui vivent dans des situations de grande souffrance», a rappelé le Pape François. «Nous leur disons: nous sommes proches de vous. Au Moyen-Orient, se trouvent les racines de nos propres âmes. Mais sur cette splendide région, une dense couche de ténèbres s’est épaissie, surtout ces dernières années: guerres, violences et destructions, occupations et formes de fondamentalisme, migrations forcées et abandons, le tout dans le silence de beaucoup et avec de multiples complicités», a déclaré l’évêque de Rome.
Le Pape François a une nouvelle fois évoqué le drame de l’émigration de nombreux chrétiens. «Le Moyen-Orient est devenu une terre de personnes quittant leurs terres, a-t-il déploré. Et le risque existe que la présence de nos frères et sœurs dans la foi disparaisse, défigurant le visage même de la région, car un Moyen-Orient sans chrétiens ne serait pas le Moyen-Orient. Prions unis, pour invoquer du Seigneur des cieux cette paix que les puissants de la terre n’ont pas encore réussi à trouver», a insisté le Saint-Père, avant de lancer cette exhortation : «Répétons: que la paix soit avec toi ! Avec le psalmiste implorons-le particulièrement pour Jérusalem, une ville sainte aimée de Dieu et blessée par des hommes, sur laquelle le Seigneur pleure encore: que la paix soit avec toi ! L’indifférence tue, et nous voulons être la voix qui contraste le meurtre de l’indifférence. Nous voulons donner la parole à ceux qui n’ont pas de voix, à ceux qui ne peuvent que boire leurs larmes, car aujourd’hui le Moyen-Orient pleure, souffre et se tait, tandis que d’autres le piétinent à la recherche du pouvoir et de la richesse. Pour les petits, les simples, les blessés, pour ceux pour lesquels Dieu est à leur côté, nous implorons: que la paix vienne!», a-t-il conclu.
Les chefs des Églises orthodoxes orientales, des Églises orientales catholiques, ainsi qu’un représentant de l’Église luthérienne et un délégué du Conseil des Églises du Moyen-Orient ont répondu à l’appel lancé par le Pape François sous la devise: “La paix soit sur vous! Chrétiens ensemble pour le Moyen-Orient. ”
Cinq autres dirigeants ont envoyé chacun un représentant, dont le patriarche Kirill de Moscou, chef de l’Église orthodoxe russe, et le patriarcat melkite catholique d’Antioche.
Une prière a été dite par chacun des patriarches présents avec les fidèles sur le front de mer de Bari.
Le Pape Tawadros a dit une prière en arabe citant les martyrs et s’est exprimé en ces termes pour la paix au Moyen-Orient :
Le Pape Tawadros a commencé par la prière d’action de grâces, remerciant le Seigneur pour la réunion de Bari et demandant: «Que Sa paix règne dans nos cœurs.» Il a continué à prier pour tous ceux qui ont été martyrisés au nom du Christ, ainsi que les malades et les blessés partout. Il invoquait l’intercession de la Sainte Vierge, la Mère de Dieu, pour implorer le Seigneur d’accorder la paix et le calme à toutes les régions de conflit; et de chasser Satan, l’origine de tous les maux, de la vie des fidèles. “Nous Te demandons, Seigneur, de remplir nos cœurs de joie, pendant que nous sommes confiants que Ton œil nous surveille depuis le début de l’année jusqu’à sa fin. Nous chantons avec David le Psalmiste: “Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je peur? Le Seigneur est la force de ma vie, de qui aurais-je peur?
La deuxième partie de l’événement de Bari comprenait un dialogue privé entre les chefs religieux, tenu à huis clos dans la basilique de Saint-Nicolas, au cours de laquelle chacun a présenté sa proposition pour la paix au Moyen-Orient. À la fin de la réunion, lorsque les portes de la basilique ont été rouvertes, le Pape François a fait une autre allocution, reflétant les origines du Moyen-Orient de la tradition chrétienne; “Jésus est venu du Moyen-Orient”, a-t-il dit. Il a parlé de l’engagement pris par les leaders religieux de marcher, de prier et de travailler ensemble «dans l’espoir que l’art de la rencontre prévaudra sur les stratégies de conflit».
Le Pape François a conclu sa parole en évoquant le signe des colombes libérées par les prélats, qui leur ont été remises par des enfants.
A noter que l’Italie a salué le Pape copte orthodoxe égyptien Tawadros II pour son rôle dans la diffusion “d’un message d’amour et de tolérance et de renoncement à la violence et au terrorisme”