Le Canal à Paris !

03-05-2018 10:46 AM


L’Institut du Monde Arabe (IMA), à Paris, raconte du 28 mars au 5 août 2018 « L’épopée du canal de Suez, des pharaons au XXIe siècle ».

Divertissante, l’exposition met en scène l’histoire et la préhistoire du canal. Elle reproduit pour l’essentiel le contenu du présent article.

À noter une maquette de l’ensemble du canal au début du XXe siècle, avec ses villes Port-Saïd et Port-Fouad au nord, Ismaïlia au centre et Suez au sud. À noter aussi une projection sur grand écran du discours par lequel Nasser annonça la nationalisation du canal (curieusement, la séquence fait l’impasse sur l’éclat de rire mémorable par lequel le raïs accompagna son annonce).

L’ouverture du canal intervient à un moment où l’Occident se prend de passion pour l’Égypte : autant la civilisation pharaonique redécouverte par Champollion que l’Égypte moderne, réformée par le vice-roi Méhémet-Ali et ses successeurs.

En prévision de l’inauguration d’un nouvel Opéra au Caire, le compositeur Giuseppe Verdi écrit Aïda sur une suggestion de l’égyptologue français Auguste Mariette. Les décors ayant été bloqués à Paris du fait de la guerre franco-prussienne de 1870, la première représentation a finalement lieu le 23 décembre 1871 dans l’opéra flambant neuf.

La construction du canal put être menée à bien grâce à la séduction et au don de persuasion du diplomate Ferdinand de Lesseps. Celui-ci représentait la France en Égypte et bénéficiait par ailleurs d’une bonne réputation à la cour de Napoléon III.

Vice-consul à 27 ans à Alexandrie, il avait donné des leçons d’équitation au fils préféré du vice-roi Méhémet-Ali qui gouvernait l’Égypte au nom du sultan d’Istamboul.

Dans le même temps, en 1833, il avait rencontré à Alexandrie l’ingénieur saint-simonien Prosper Enfantin et avait adhéré à son projet de construction d’un canal dans l’isthme de Suez.

Beaucoup plus tard, en 1854, son élève Muhammad Saïd était devenu à son tour souverain d’Égypte.

De Paris, Ferdinand de Lesseps lui adressa ses félicitations. Il fut invité en Égypte et profita de l’occasion pour lui présenter le projet de canal.

Ferdinand de Lesseps, qui était apparenté à l’impératrice Eugénie et jouissait d’une bonne réputation à la cour de Napoléon III, usa de son entregent pour convaincre l’opinion européenne et rassurer le sultan d’Istamboul.

Il renonça à solliciter les banquiers car ils réclamaient une part de la future société d’exploitation du canal en échange de leurs prêts. Foin de banquiers ! Il fit appel à l’épargne publique et multiplia les conférences en Angleterre et en France en vue de séduire les futurs souscripteurs.

Il dut surmonter l’opposition du gouvernement anglais qui craignait pour sa domination sur le trafic Europe-Asie et pour son propre projet d’un chemin de fer entre la Méditerranée et l’Océan Indien.

Le khédive souscrivit lui-même au projet et acheta près de la moitié des actions. Il engagea aussi le crédit de l’Égypte dans la construction du canal… Ses emprunts, à des taux d’intérêt prohibitifs, allaient contribuer à ruiner le pays et finalement le faire passer sous la tutelle anglaise.

En attendant, Ferdinand de Lesseps obtint le 25 novembre 1854 une concession de 99 ans. Il fonda le 19 mai 1855 la Compagnie de Suez dont le nom est encore porté par un groupe industriel (Suez Lyonnaise des Eaux).

Au terme des travaux, le canal, d’une longueur de 162 km, sur 54 mètres de largeur et 8 mètres de profondeur, traversa l’isthme de part en part. Des villes nouvelles naquirent dans le désert : Port-Saïd sur la Méditerranée (ainsi nommée en l’honneur du khédive) et Suez sur la mer Rouge, ainsi qu’Ismaïla, entre les deux.

La jonction des eaux eut lieu le 15 août 1869. De ce jour, le canal abrégea de 8000 kilomètres la navigation entre Londres et Bombay en évitant de contourner le continent africain !

Ferdinand de Lesseps tentera de renouveler dix ans plus tard son exploit à Panama mais n’aboutira qu’à un désastre financier et politique…

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