Voix d’or et volonté de fer

02-12-2017 03:11 PM


Voix d'or et volonté de fer

« Divina ! Divina ! » Ce surnom, Maria Callas l’a bien mérité, elle qui a consacré chaque instant de sa vie à l’art lyrique au risque de s’y brûler les ailes.
Grâce à sa voix hors du commun, à ses six cents représentations et à son désir toujours inassouvi de progresser encore et encore, elle a fait aimer l’opéra au-delà des publics traditionnels.
Quarante ans après sa disparition, découvrons comment la petite fille d’émigrés grecs est entrée dans la légende des divas pour devenir à jamais LA Callas.
L’« Air de la Reine de la nuit »
La mélodie envoûtante de l’« Air de la Reine de la nuit », extrait de La Flûte enchantée de Mozart, magistralement interprétée par Maria Callas…
Écouter (3 minutes) :
La fille du Queens
Quitter la Grèce : c’est l’idée fixe qui pousse un beau matin de 1923 Georges Kaloyeropoulos à embarquer avec sa petite famille, direction New York. Pharmacien à Meligalas, au cœur du Péloponnèse, il aurait pu se contenter d’une vie tranquille, mais la mort prématurée de son fils, la mésentente de son couple et l’appel d’amis émigrés en avaient décidé autrement. Il part donc avec sa femme Litsa, enceinte de cinq mois, et leur fille Yakinthi.
C’est donc sur les trottoirs du quartier du Queens de New York, dans la « Nouvelle Athènes », que la future diva allait faire ses premiers pas.
Née le 2 décembre 1923, quelques mois seulement après l’arrivée en terre promise américaine, elle fut enregistrée à l’état-civil sous le nom de Kalos, plus facile à retranscrire, tandis que ses parrains ajoutaient Maria et Anna à son prénom Sophia.
Quelques années plus tard elle faisait déjà les gros titres des journaux puisqu’à l’âge de cinq ans, elle fut renversée par une voiture et s’en sortit de façon miraculeuse, devenant pour la presse « Mary, la veinarde ! ».
À la maison, l’ambiance, rendue lourde par les difficultés conjugales et la crise de 1929 qui fragilisa la nouvelle pharmacie de Georges, n’était allégée que par les disques de grande musique qui tournaient sans arrêt dans l’appartement.
Litsa poussait en effet ses filles à la découverte de cet art et réussit même à se procurer un piano et à engager un professeur pour leur en apprendre les bases.
C’est Maria qui finit par se faire remarquer à l’école par son talent de chanteuse et sa capacité à mémoriser les airs, une aptitude que sa mère l’engagea à travailler au maximum. La petite fille retint vite la leçon : « On m’a toujours enfoncé dans le crâne que j’avais ce talent, et que j’avais intérêt à ne pas le perdre ! » (Maria Callas, interview de 1961).
De la grâce ? Non, du caractère !

En 1937, c’est le coup de tonnerre : Litsa, lassée des infidélités et de la passivité de son mari, décide de rentrer en Grèce pour offrir à Maria la carrière qu’elle pressent.
Les voici donc qui se réinstallent à Athènes chez la grand-mère maternelle, avant de partir immédiatement faire le tour des conservatoires de musique. Tant pis pour les études de Maria !
Heureusement elle parvient assez vite à se faire accepter comme élève auprès de Maria Trivella, du Conservatoire national d’Athènes, même si pour cela elle doit se vieillir de 3 ans. Mais, solidement bâtie, l’adolescente peut facilement se faire passer pour une jeune fille de seize ans.
Forte de sa conviction de devenir un jour célèbre, elle travaille sans relâche son chant, son élocution et son jeu de scène, qui reste le point faible de celle qu’on décrit comme maladroite, voire empotée et même, comme l’affirmera un de ses camarades, « si laide qu’on n’avait pas un regard pour elle ».
On s’étonne : comment peut-elle penser un jour devenir une diva alors qu’elle n’est pas gracieuse et parle avec un curieux accent helléno-américain ? Sans compter que, très myope, elle ne peut même pas suivre les mouvements du chef d’orchestre et hésite à chaque déplacement sur scène ! Mais Maria s’obstine.
En conflit permanent avec sa mère qui peine à éviter la misère, elle se lance à corps perdu dans la musique, sa seule planche de salut. Très vite, les premières représentations se transforment en succès et elle peut sans honte aller demander à la grande cantatrice espagnole Elvira de Hidalgo de lui enseigner son art.
La soprano invite sa jeune élève à s’adonner au bel canto pour développer prouesses techniques et contrôle de la respiration qui vont lui permettre de travailler l’impressionnante étendue de sa voix, du grave à l’aigu. « Capable d’apprendre un opéra entier en une semaine », selon son professeur, Maria se montre obsédée par la perfection qu’elle souhaite à tout prix atteindre.
La reconnaissance vient dès 1940 avec son entrée à l’Opéra national, d’où elle assiste à l’avancée inexorable de la guerre.
Mais décidément très myope, elle trébuche sur la scène et se blesse à la cheville, douleur qui lui permet peut-être d’ajouter encore un cran à la gamme des émotions qu’elle offre au public.
Malgré cet incident, elle peut désormais prétendre aux plus belles scènes du monde, à commencer par la Fenice de Venise, où elle interprète Turandot en 1947. Elle ambitionne maintenant la Scala de Milan et le Metropolitan de New York !
Dans un premier temps, vingt-quatre heures après son mariage avec Meneghini, elle part pour Buenos Aires et une tournée sud-américaine. Seule. Mais son mari ne l’abandonne pas pour autant : en bon mentor, il finit par lui décrocher le rôle tant rêvé d’Aïda à la Scala (1950). C’est une catastrophe !

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