La fin d’un règne, le début d’une légende

23-06-2017 12:44 PM


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Que serait Napoléon 1er sans l’exil à Sainte-Hélène ? Un conquérant et un dictateur défait après quinze années de campagnes militaires.
Cet exil et la manière dont l’Empereur a su le magnifier à travers les confidences à ses proches ont élevé sa courte vie à la dimension d’une épopée incomparable, la « Légende des Siècles » (Victor Hugo).
C’est au soir de Waterloo que le règne finit et la légende commence.
L’Empereur prend à cheval la route de Paris. Épuisé, il arrive le 21 juin au palais de l’Élysée, où l’attend sa deuxième défaite. Sous la pression des deux Chambres, il abdique en faveur de son fils le roi de Rome, âgé de 5 ans, puis prend la route de Rochefort, sur l’Atlantique, où il arrive le 2 juillet 1815 avec le timide espoir de se réfugier aux États-Unis.
Mais il s’aperçoit alors qu’un navire anglais, le Bellérophon, bloque le port.
Il espère encore que les Anglais le laisseront gagner l’autre bord de l’Atlantique. Dans ce but, le général Savary, son dernier ministre de la Police, se rend sur le Bellérophon en compagnie d’Emmanuel de Las Cases, un conseiller d’État qui a l’avantage de parler anglais. Mais les deux émissaires se heurtent à un refus du capitaine Frederick Maitland.
Au congrès de Vienne, les représentants des nations européennes ont été échaudés par la fuite de l’île d’Elbe et ne sont pas le moins du monde disposés à des concessions. Ils confient la surveillance de l’ex-Empereur aux Anglais.
Il n’y a plus d’autre issue que de se rendre.
Napoléon transmet au capitaine Maitland une lettre destinée au Prince Régent, le futur George IV :
« Altesse Royale,
En butte aux factions qui divisent mon pays et à l’inimitié des plus grandes nations de l’Europe, j’ai terminé ma carrière politique et viens, comme Thémistocle, m’asseoir sur le foyer du peuple britannique. Je me mets sous la protection de ses lois, que je réclame de Votre Altesse Royale, comme du plus puissant, du plus constant et du plus généreux de mes ennemis.
Napoléon 1er ».
Le 15 juillet, il monte sur le Bellérophon avec le dernier carré de fidèles et arrive à Plymouth dix jours plus tard, où sa présence suscite une incroyable vague de curiosité.
On se garde bien de le laisser mettre le pied sur le sol anglais. C’est qu’il pourrait dans ce cas bénéficier des garanties juridiques de l’Habeas Corpus.
Alors, d’innombrables badauds montent sur des barques et entourent le Bellérophon pour tenter d’apercevoir « l’Ogre ».
Celui-ci, soucieux de soigner son aura, se prête au jeu comme on le voit sur la toile ci-contre.
Il se montre sur le pont du bateau, en haut de la passerelle, dans son uniforme favori, celui de colonel du régiment de chasseurs à cheval de la Garde impériale, la main dans son gilet et le bicorne de travers selon l’image que la postérité a conservé de lui.
Le 31 juillet 1815, Napoléon apprend qu’il va être envoyé à Sainte-Hélène, à 7000 kilomètres au sud de l’Angleterre et à 1200 kilomètres de l’Afrique, au milieu de l’Atlantique. Âgé de seulement 46 ans mais déjà usé par les épreuves, il comprend qu’il a toutes les chances d’y mourir.
Le proscrit se voit autorisé à emmener avec lui trois officiers, douze serviteurs et son chirurgien.
Ce dernier, le docteur Maingault, peu désireux de s’enterrer à Sainte-Hélène, déclare forfait. Aussitôt, le chirurgien du Bellérophon, le jeune docteur irlandais Barry Edward O’Meara (29 ans), tombé sous le charme de Napoléon, se propose pour le remplacer.
Parmi les fidèles qui accompagnent l’Empereur vers son dernier voyage figurent trois généraux d’Empire.
Le premier est le comte d’Empire Henri Gatien Bertrand (42 ans), qui est également grand-maréchal du Palais. Il emmène avec lui sa femme Fanny et leurs trois enfants.
Le deuxième, le marquis Charles-Tristan de Montholon (31 ans), tire son nom d’une famille de très ancienne noblesse. Amoureux en 1809 d’une femme mariée et déjà divorcée, de quatre ans plus âgée que lui, il sollicite de l’Empereur l’autorisation de l’épouser mais se voit opposé un refus. Qu’à cela ne tienne, trois ans plus tard, à Moscou, il lui arrache son consentement en lui cachant le statut de la promise. Colère de Napoléon et disgrâce de l’insolent !
Montholon sert Louis XVIII pendant la première Restauration et obtient le grade de général avant de regagner les bonnes grâces de l’Empereur pendant les Cent-Jours. Le voilà embarqué prêt à tenter l’aventure de Sainte-Hélène avec son épouse Albine.
Le troisième général est le baron Gaspard Gourgaud (31 ans), une véritable groupie. Ce polytechnicien et officier d’artillerie, ancien aide de camp, voue une affection jalouse à l’Empereur. Il a insisté auprès de lui pour remplacer le général La Faye… Napoléon se repentira d’avoir cédé à sa crise de larmes.
Figure aussi le marquis et comte d’Empire Emmanuel de Las Cases (49 ans). Ancien émigré, il s’est rallié à Bonaparte sous le Consulat. À Rochefort, il a participé aux négociations avec le capitaine Maitland et convaincu Napoléon de se rendre. Il va jouer auprès de lui la fonction de secrétaire. Il est accompagné de son fils de quinze ans.
Les principaux serviteurs sont Louis-Joseph Marchand (25 ans), premier valet de chambre, qui va servir Napoléon avec un dévouement total (« Les services qu’il m’a rendus sont ceux d’un ami » dira de lui Napoléon), et Louis-Étienne Saint-Denis (27 ans), second valet de chambre, qui a remplacé le mamelouk Ali auprès de l’Empereur en 1811 et a adopté son nom ! Ajoutons le maître d’hôtel Cipriani et quelques autres domestiques. Au total près de cinquante personnes.
Le 7 août 1815, Napoléon est transféré sur le Northumberland, sous la surveillance de l’amiral George Cockburn. Adieu l’Europe.

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