Figure tutélaire du foyer

22-12-2016 01:57 PM


Notre époque a vu évoluer les rapports entre le chat et l’espèce humaine. D’animal tantôt divinisé, tantôt diabolisé, il est devenu le compagnon prisé de personnages illustres. Têtes couronnées, écrivains, célébrités s’entichent du petit félin, réconfort de tous les instants ou complice d’une démarche artistique.
Son caractère indépendant, qui lui a valu tant de faveurs et tant d’avanies, en est venu à symboliser notre temps épris de liberté.
Sous Louis XV, l’angora blanc règne

De tous les rois de France, Louis XV le « Bien-Aimé » est celui qui aima le plus les chats. Comme Richelieu, il a un faible pour l’Angora blanc.
Chaque matin, le roi fait venir le sien dans sa chambre. Il le regarde aussi jouer sur la table du Conseil, pendant les réunions. Il s’ennuie dans ce métier de roi si peu fait pour sa nature et se divertit comme il peut, avec des chats joueurs et tendres comme avec des maîtresses jeunes et belles.
La connaissance des races animales progresse avec les naturalistes, mais face au petit félin domestique, un combat inégal oppose deux grands noms de la science : Buffon et Moncrif.
Naturaliste à la plume leste, le premier n’est pas avare de poncifs. Son discours sur la fausseté des chats relève d’un anthropocentrisme peu scientifique : « Le Chat est un domestique infidèle, qu’on ne garde que par nécessité ».
Il s’oppose à Moncrif (1687-1770), acteur et libertin amoureux des chats. Sous forme de onze lettres à la marquise de B., son Histoire des Chats (1727) raconte les heurs et malheurs de l’animal et sa place dans la mythologie, l’art et la société. Illustrée par Coypel, c’est un succès de librairie.
XIXe, le « siècle du chat »

Le chat séduit les auteurs, artistes, intellectuels et autres amateurs sous son charme. Compagnon idéal, il dort beaucoup mais veille la nuit, s’agite et « parle » peu. Après Chateaubriand, il séduit et inspire les poètes du siècle.
Charles Baudelaire rend aussi hommage à ce félin. Il l’évoque dans Les Fleurs du mal (1857) :
« Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires. ».
Le chat noir lui-même est réhabilité et devient l’emblème d’un célèbre cabaret montmartrois, symbole de la vie de bohème que chante Aristide Bruant :
« Je cherche fortune
Autour du Chat Noir
Au clair de la lune
À Montmartre, le soir. ».
Le « siècle du chat » renoue avec la ferveur qui entourait cet animal du temps des pharaons. Il préfigure aussi sa popularité contemporaine.
La mode des expositions félines, née en Angleterre, gagne les États-Unis en 1898 (au Madison Square Garden de New York), puis les principaux pays du monde. La France suit en 1925, avec son Cat Club (créé en 1913).
XXe siècle, le chat, enfin ami de l’homme

Le chat a finalement triomphé de la haine issue des superstitions et retrouvé un public d’adorateurs comme au temps des pharaons ! Animal de compagnie préféré à son rival le chien, il génère un marché florissant. Il inspire des œuvres à son image et à sa gloire. Voilà sans nul doute le grand gagnant du bestiaire historique.
« Le chat est le seul animal qui soit arrivé à domestiquer l’homme », peut joliment écrire l’anthropologue Marcel Mauss.
Pour citer des auteurs fans de chat, on n’a que l’embarras du choix. Pour n’en citer qu’un, le choix est simple. Le chat habite la vie et l’œuvre de Colette.
Surnommée «  Minet-Chéri » par Sido sa mère, elle sera souvent prise en photo avec des chats, dans la rue, au jardin, à sa table de travail.
Le chat est vedette des dessins animés, avec Félix le Chat (1917) et Tom et Jerry (1940). Citons aussi Fritz le chat, Le chat du Rabbin… Le Chat tout court (signé Geluck) n’en finit pas de faire son retour depuis trente ans.
La multiplication des races de chat, initiée au XIXe siècle, correspond à une forte demande. Une façon de reconnaître la valeur marchande du chat, mais aussi ses qualités, l’intérêt affectif qu’on lui porte. Malgré cela, le chat reste un chat. Il ne subit pas les mêmes excès que les 340 races de chiens (dont les nains, les toys), les vaches (laitières obèses), les poules (pondeuses en batterie), toutes les bêtes à viande (industriellement productives). En cela aussi, il est privilégié.

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