75 ANS AU SERVICE DE LA HAUTE ÉGYPTE

19-11-2015 01:16 PM

Mounir Wadie


Le 8 décembre 1940 est la date de l’officialisation auprès du ministère des Affaires sociales en Égypte de l’Association des écoles gratuites des villages de Haute Égypte; devenue aujourd’hui l’AHEEDAssociation de la Haute Égypte pour l’éducation et le développement.

Issue d’un mouvement actif vers la fin des années vingt et les années trente du XXe siècle, pour soutenir à partir des villes du Nord les écoles fondées dès le XIXe siècle dans des villages reculés du Saïd, cette organisation est née du désir des Jésuites de confier ces écoles à une institution égyptienne. C’est ainsi qu’ils donnèrent en 1939 au jésuite égyptien Henry C. Ayrout la mission de prendre en charge ces écoles. Le 
Père Ayrout venait de soutenir sa thèse de doctorat en sociologie intitulée 
3Fellahs d’Égypte”. Il avait une bonne connaissance du monde rural égyptien, ainsi qu’une vaste vision du travail à accomplir pour contribuer à l’avancement de ce monde rural défavorisé.
 Pour lui, il fallait commencer par l’école, l’instruction primordiale des hommes et femmes de l’avenir et, par là, toucher tous les aspects de la vie des communautés rurales : la santé (pour lutter contre les maladies endémiques et les épidémies), la promotion de la femme et de l’enfant, le développement de l’artisanat authentique, la protection de l’eau, la participation de chacun aux projets communautaires.
Ainsi, le Père Ayrout a développé un réseau de plus d’une centaine d’écoles,  souvent d’une seule classe, une multitude de dispensaires tenus par des religieuses infirmières,  et de multiples centres de rayonnement social. Il a, d’autre part, mobilisé les citadins des grandes villes pour se solidariser avec leurs sœurs et frères du monde rural et organisé un mouvement de responsables chargé d’une collecte annuelle de fonds pour soutenir les projets et aller en Haute Égypte s’engager dans des actions ponctuelles de formation, d’animation, de lutte contre les épidémies (choléra, notamment), de missions de soins courants préventifs pour les endémies, telles le trachome ou la bilharziose.
 Un mouvement en boule de neige illustré par le titre de la revue de l’Association 
Hom wa Nahnou” Eux et Nous, Euxétant les bénéficiaires, les défavorisés et Nousles nantis décidant de s’ engager au service des autres. L’Association à été reconnue à deux reprises par l’État comme étant d’Utilité publique.
De grandes expositions ont été présentées au Caire dans les années quarante et cinquante sur des thèmes importants comme l’Eau, la Santé, l’Artisanat.
De là a émané le célèbre projet de revivification du tissage manuel pratiqué à Akhmim sans interruption depuis plus de quatre mille ans. C’est ainsi que depuis 1960, le Centre communautaire d’Akhmim, qui regroupe des jeunes filles ayant manqué l’école et appartenant aux milieux les plus démunis,  a développé un artisanat et une créativité connus maintenant à travers le monde. Le jeudi 5 novembre a eu lieu l’exposition annuelle d’art et d’artisanat au siège de l’Association, 65, rue Qobaissi, à Daher.
Un autre projet d’artisanat notoire promu par l’AHEED est situé dans le village de Hagaza, au nord de Louxor et permet aux menuisiers en herbe de travailler le bois pour produire divers objets utilitaires et décoratifs, ainsi que des meubles, en utilisant uniquement des bois de la vallée du Nil, comme les variétés d’acacias, les tamariniers ou autres. En 1964, au moment où l’Association à failli se dissoudre en raisons des difficultés de financement, une poignée de membres a tenu à lui donner un nouveau départ.  En 1965, un groupe de laïcs sous la présidence de M. Amin Fahim, a permis une renaissance de l’Association, qui fut quelque peu laborieuse, mais atteignit un point culminant dans les années soixante-dix et quatre-vingt. Un véritable mouvement de laïcs a permis de s’engager dans des allées nouvelles, par une direction collégiale, avec des projets communautaires de développement économique, projets productifs, apiculture, élevage de brebis, alphabétisation,  lutte contre les traditions vétustes liées à l’hygiène,  au mariage, à l’excision des femmes… tous projets au service de l’ensemble des habitants avec leurs appartenances confessionnelles diverses, la conviction étant que l’intérêt commun permet de dépasser les différences, de renforcer l’esprit de tolérance et de contribuer à l’avancement de tous les bénéficiaires,  sans distinction. Plus tard, malheureusement, l’AHEED a vécu des moments de remous dûs notamment au maintien de la même direction durant plus de 35 ans. À présent,  les problèmes de gestion sont réglés et les nouveaux statuts, en vigueur depuis 2003, stipulent que les administrateurs ne peuvent demeurer en fonction au-delà de six ans consécutifs, ce qui permet d’assurer un renouvellement régulier des cadres. Cette longue trame d’un trois-quarts de siècle a vécu d’innombrables moments héroïques, émanant de don de soi, d’abnégation courageuse, de sacrifices, de persévérance et de souci envers les bénéficiaires.
Une histoire riche d’engagements variés, de contributions de la part de jeunes leaders locaux nés de la formation assidue, de la croissance de l’esprit d’initiative, d’engagement et de créativité,  illustrant bien l’impulsion donnée pour susciter l’auto-développement du milieu rural. Les Saïdiens ont démontré être d’une richesse unique, capables d’autopromotion, d’autogestion et souvent d’autonomie financière.
La Haute Égypte,  décrite en 1973 par le Nouvel Observateur comme un des plus beaux et plus attachants pays du monde a une richesse intrinsèque: ses habitants, l’a souvent démontrée à travers leur prise en charge des unités,  écoles, centres et projets communautaires soutenus par l’AHEED et les réalisations issues de décennies d’efforts, d’espoirs, de convictions et de labeur.
Les 9, 10 et 11 novembre, l’Association a célébré par des manifestations publiques son jubilé,  avec ses partenaires d’ici et d’ailleurs.
Souhaitons-lui une permanence dans cette vision d’auto-détermination du milieu rural et de contribution à l’édification d’un monde meilleur pour l’Égypte tout entière.

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