Commémoration des réfugiés du génocide arménien à Port-Saïd

29-10-2015 01:25 PM


Une fois de plus, la communauté arménienne en Egypte a ajouté un nouveau chapitre à sa riche histoire auquel des milliers ont récemment été fiers d’assister.
La semaine dernière, 250 dirigeants communautaires arméniens et membres de la communauté se rendirent à Port-Saïd, afin de prendre part à la cérémonie d’inauguration d’un mémorial dédié aux réfugiés arméniens qui ont fui le génocide dans les camps de Port Fouad après la bataille héroïque de Musa Ler, ou Montagne de Moïse, comme traduit de l’arménien.
Le mémorial a été construit sur un charnier qui a été précédemment trouvé dans le cimetière orthodoxe de la ville où les réfugiés qui vivaient dans les camps (1915-1919) ont également été enterrés. Le Primat de l’Eglise orthodoxe arménienne en Egypte, l’évêque Ashod Mnatsaganian a conduit l’office dédié à ceux qui sont morts.
Dans son discours spirituel, Mnatsaganian a souligné l’importance de l’organisation et la construction d’un tel monument qui prouve combien les Turcs ottomans ont échoué à annihiler la nation arménienne, “puisque nous vivons encore et nous nous multiplions” a-t-il dit. Citant l’exemple de la bataille de Musa Ler, Mnatsaganian a expliqué comment les gens à l’époque avaient un but dans la vie, non seulement pour survivre, mais avait une lutte pour la survie éternelle.
“Pour la survie, nous devons nous battre pour ce que nous visons. Nous devons éduquer la nouvelle génération afin de survivre à travers elle. Nous le devons à ceux qui sont tombés dans la bataille et à ceux qui ont fui vers l’Egypte cherchant vie. C’est grâce à eux que nous sommes ici aujourd’hui, que nous pouvons nous en souvenir et mémoriser, de prouver que nous allons poursuivre notre mission dans la vie sur cette terre “.
A l’occasion, 14 Libano-Arméniens de la ville d’Ainjar sont venus spécialement pour l’ouverture du mémorial. Leurs ancêtres étaient parmi les réfugiés qui se sont installés à Port Saïd en 1915. En leur nom, Yessayi Havatian, chef du comité de centenaire de la bataille de Musa Ler, a prononcé un discours expressif dans lequel il considérait l’occasion comme étant la plus importante de toutes les commémorations de cette année ” parce que nous sommes retournés à la terre où nos ancêtres se sont installés “.
Havatian, dont le grand-père était parmi les réfugiés et dont le père est né à Port-Saïd en 1919, a déclaré que les navires de guerre français qui transportaient les réfugiés arméniens avaient d’abord demandé à Chypre de les accueillir, mais ils ont été refusés. Lorsqu’on a demandé à l’Egypte de le faire, le gouvernement égyptien a immédiatement accepté l’idée de les accueillir pour laquelle ils sont toujours reconnaissants et touchés.
Mont Moïse a été le site d’une histoire de la résistance arménienne en 1915 lorsque le gouvernement turc a mené des opérations violentes dans la région.
Cinq mille de la population gravirent la montagne pour se révolter et échapper à la déportation; 250 d’entre eux ont pris part à une bataille qui a duré 53 jours.
Les Forces navales françaises en Méditerranée ont aperçu des survivants alors qu’ils  préparaient des bouées de sauvetage. Le 15 Septembre 1915, quatre navires de guerre français, y compris le Guichen et un navire de la marine britannique ont évacué Musa Ler et transporté 4.231 réfugiés à Port Fouad où ils vivaient paisiblement et en toute sécurité jusqu’à ce qu’ils fussent en mesure de retourner dans leurs foyers en Novembre 1919. Certains d’entre eux furent réinstallés au Liban, dans la ville d’Ainjar, située dans la vallée de la Bekaa, et ils y ont établi une ville entièrement peuplée d’Arméniens en 1939. Aujourd’hui Ainjar est habitée par 5000 personnes.
Né à Ainjar, le bijoutier égypto-arménien Varouj Chilinguirian, un membre du comité du centenaire de la bataille de Musa Ler et coordinateur du groupe qui a visité l’Egypte, était soulagé dès qu’il s’est trouvé sur la terre où son grand-père maternel s’était installé en 1915.
«Je rêvais de ce moment depuis 2008 mais la révolution est venue et je devais pratiquer la patience. Nous le devons au comité de l’église de la communauté qui a finalement fait qu’un tel monument devienne réalisé “, a déclaré Chilinguirian. Son grand-père, qui devint plus tard un prêtre, avait 17 ans quand il est arrivé au camp de Port Fouad. En 1919, il est parti de Musa Ler s’installer alors à Ainjar.
Le mémorial est conçu par l’architecte égypto-arménien et archéologue Nairy Hampikian. “Il est un mélange de la bataille de Sartarabad et des mémoriaux du génocide trouvés en Arménie», a déclaré Hampikian. Les travaux ont débuté à l’automne 2014 et ont été achevés en Février de cette année. Le mémorial, assis sur un charnier des restes d’environ 400 réfugiés, est fait de marbre italien de Karr noir et blanc.
«Je considère le mémorial comme un renouveau des restes de ces réfugiés qui se sont installés dans les camps de Port Fouad”, a déclaré Hampikian.
Les événements historiques à Musa Ler ont inspiré l’Autrichien Franz Werfel à écrire son roman “Les Quarante Jours de Musa Dagh” en 1933. Un film du même nom a été diffusé en 1982. Le Chef de l’Eglise catholique arménienne en Egypte, l’évêque Krikor- Okosdinos Coussa, l’Ambassadeur d’Arménie Armen Melkonian, des représentants de l’Eglise copte à Port-Saïd et le maire d’Ainjar Garabed Pamboukian ont assisté à l’ouverture du mémorial.
L’Egypte a reçu de grandes vagues de réfugiés arméniens des massacres de la Hamidien, du CUP (Comité Union et Progrès) du génocide ottoman et des guerres kémalistes.
Après les prières et avant de quitter le cimetière, les membres de la communauté et des ancêtres des réfugiés du camp de Port Fouad ont déposé des roses rouges sur le mémorial à l’égard de leurs âmes.
 
 
 
Historique
Le 28 septembre 1915, Mgr. Thorgom, évêque de la communauté arménienne d’Égypte, rédige un rapport sur les rescapés arméniens de Djébel-Moussa transportés à Port-Saïd.
Ces 4 200 réfugiés, représentant 868 familles, étaient originaires des villages de Sélefké (Caza de Leffia, sandjak d’Antioche, vilayet d’Alep), les 332 autres familles avaient décidé de rester sur place ayant été par la suite déportées. Les résistants se battirent du 8 août au 10 septembre, eurent 20 tués et 16 blessés contre 300 tués et 600 blessés turcs. Tout en bombardant les positions turques, les cuirassés français procédèrent à l’embarquement des réfugiés durant toute une journée.
A Port-Saïd, installés dans le lazaret, les Arméniens seront séparés en quartiers pour un ensemble de 600 tentes, comprenant également une grande cuisine, des fontaines et des bains. Les vivres seront régulièrement distribués et les réfugiés confinés dans la zone du campement. Les bâtiments en dur servaient de secrétariat et d’hôpitaux accueillant 80 malades et blessés. La Croix-Rouge arménienne du Caire entretenait l’hôpital et payait les médicaments, tandis qu’elle se chargeait des vêtements avec celle d’Alexandrie. Si l’Union Générale Arménienne subvenait aux frais d’instruction des mille enfants, le gouvernement fournit pour sa part la tente qui servait d’école. Les réfugiés fabriquaient des peignes, des cuillères en bois. On remit de la laine aux femmes pour qu’elles tricotent bas et chaussettes et un capital aux hommes pour qu’ils se mettent au travail.
 
 
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