Mostra de Venise:

10-09-2015 02:03 PM


 L’amour de la culture européenne à l’honneur dans “Francofonia”

1940. Paris, ville occupée. Et si, dans le flot des bombardements, la guerre emportait La Vénus de Milo, La Joconde, Le Radeau de La Méduse ? Que deviendrait Paris sans son Louvre ? Deux hommes que tout semble opposer – Jacques Jaujard, directeur du Louvre, et le Comte Franz Wolff-Metternich, nommé à la tête de la commission allemande pour la protection des œuvres d’art en France – s’allient pour préserver les trésors du Musée. Au fil du récit de cette histoire méconnue et d’une méditation humaniste sur l’art, le pouvoir et la civilisation, Alexandre Sokourov nous livre son portrait du Louvre. “Que serions-nous sans les musées'”, s’interroge le réalisateur russe Alexandre Sokourov dans “Francofonia”, un hymne à la beauté dans lequel le Louvre est le symbole de la culture européenne, qu’il voit comme un dernier bastion contre les islamistes briseurs de statues. En compétition à la Mostra de Venise, “Francofonia”, sous-titré “Le Louvre sous l’occupation” (titre de travail) est un monologue de près d’une heure et demie de Sokourov, Lion d’Or en 2011 pour “Faust”. Ce n’est ni un film de fiction, ni un documentaire, mais un ovni cinématographique rafraîchissant de par son originalité. “Faire ce film a été une nécessité critique et catégorique absolue, parce que nous autres, êtres humains, n’avons pas seulement un besoin physiologique de nous reproduire, mais également un devoir moral de vivre à travers l’art, et les musées en sont l’illustration”, a déclaré le réalisateur. “Francofonia”, ce sont des récits sur l’histoire architecturale du Louvre, des travellings sur les œuvres les plus marquantes: “Le radeau de La Méduse” de Géricault, “la Liberté guidant le peuple” de Delacroix, la “Victoire de Samothrace” mais aussi “la Joconde”, les taureaux ailés de Khorsabad ou le “Couronnement de Napoléon” de David… Mais ce sont aussi des dialogues entre l’auteur et Napoléon: “J’ai tout apporté ici, moi. Tout. Sinon pourquoi j’aurais fait la guerre, si ce n’est pour l’art'”, s’exclame l’empereur, rappelant que c’est lui qui a décidé de faire du Louvre un véritable musée national et qui l’a enrichi de ses prises de guerre en Egypte, en Italie… A ces images actuelles, où l’on voit aussi une Marianne errer dans le Musée en répétant “Liberté, égalité, fraternité”, s’ajoutent, et parfois s’entremêlent, des films d’époque datant de la Seconde guerre mondiale, durant l’occupation allemande. Le Louvre, sur décision de son directeur Jacques Jaujard (joué par Louis-Do de Lencquesaing), avait été vidé de toutes ses œuvres et 6.000 caisses renfermant ses plus précieux trésors avaient été envoyées dans des châteaux de province. La relation de confiance de Jaujard avec le comte de Metternich, en charge de la préservation du patrimoine artistique dans les pays occupés par les nazis (le Kunstschutz), est l’un des aspects forts de “Francofonia”, la seule partie strictement “fiction” du film. – Culture française “trahie” – Quand l’aristocrate allemand francophile interroge le haut fonctionnaire français pour la première fois, il lui demande s’il parle allemand. Dans une pirouette de résistant, Jacques Jaujard répond: “Non, je suis très français”. Par crainte des pillages et des destructions, Metternich, pressé pourtant par ses supérieurs, refuse de faire rapatrier les œuvres à Paris, en prétextant la lourdeur bureaucratique. Cet acte lui vaudra d’être épargné à la Libération et décoré de la Légion d’honneur, avec l’appui de Jaujard. C’est à cette résistance, à la culture dominante américaine mais surtout à la barbarie de l’Etat islamique, destructeur de la cité de Palmyre, que “Francofonia” veut rendre hommage. Ce sont “des bêtes, des monstres: j’ai plus de points communs avec un loup de Sibérie qu’avec ces monstres”, assène Alexandre Sokourov, 64 ans, à l’évocation des auteurs de la destruction du patrimoine syrien. “Que Dieu me pardonne, mais je souhaite leur anéantissement, car il est clair à présent que ce sera nous ou eux”, ajoute cet habitué du festival de Cannes, où il a présenté ses longs-métrages à la veine intimiste “Père, fils” et “Alexandra”. L’objectif du film, explique le réalisateur, auteur de “L’arche russe” (2002), un plan séquence de 96 minutes tourné au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, était de “mettre en valeur une certaine tendance universelle qui tend à célébrer la culture française, même si elle est en déclin”. Cette culture française, et plus généralement européenne, a été “trahie”, estime-t-il, avant de lâcher: “Si on ne fait rien pour la défendre, elle n’existera bientôt plus”.

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