Le rôle de la France au Burkina Faso en débat

06-11-2014 11:04 PM

Michael Victor


Alors que le président français François Hollande a reconnu le rôle de la France dans la médiation entre Blaise Compaoré et l’armée, ainsi que dans l’exfiltration de l’ancien président, les interprétations se multiplient sur le choix de cette implication.
Le rôle de la France dans la crise burkinabè est en partie critiquable ou dénonciable, estime Mathieu Lopes, vice-président de l’ONG Survie, une association qui lutte contre la Françafrique. Il pointe notamment l’intervention de l’ambassadeur de France au Burkina Faso alors que les manifestants réclamaient le départ de Blaise Compaoré. « Alors que Compaoré n’était pas encore parti, l’ambassadeur de France a rencontré les membres de l’opposition et les militaires pour leur proposer d’accepter le plan de transition que Blaise Comparé voulait, c’est-à-dire se maintenir au pouvoir le temps d’organiser une transition, alors que la volonté populaire était réellement le départ pur et simple du dictateur », rapporte le vice-président de Survie.
Plus grave, selon Mathieu Lopes, l’implication de la France dans la fuite de l’ex-président. D’après lui, cette intervention a notamment des répercussions directes en matière judiciaire, car c’est au peuple burkinabè qu’il revenait de décider s’il souhaitait emprisonner ou juger Blaise Compaoré. « Ce n’est pas à la France, puissance étrangère et ancienne puissance coloniale, de s’immiscer dans le jeu politique du Burkina Faso, assène ainsi Mathieu Lopes. Et surtout, c’est au peuple burkinabè de décider ce qu’il adviendra du dictateur qu’il vient de renverser ».
Pour le vice-président de Survie, en intervenant, la France a permis à Blaise Compaoré de se mettre à l’abri d’éventuelles poursuite dans son pays. Des poursuites pour son implication dans l’assassinat de Thomas Sankara ou dans la mort d’une trentaine de personnes lors des manifestations qui ont conduit à sa chute. « Je pense qu’il est normal que les Burkinabè aient envie d’envisager de le juger », considère Mathieu Lopes.
« La France ne voulait pas être responsable de cette exfiltration »
Mais d’après Philippe Hugon, directeur de recherche à l’IRIS et professeur à l’université de Nanterre-Paris, il est possible que la France n’ait pas eu d’autre choix que de procéder à cette exfiltration. « Il est possible qu’il y ait eu un départ de Compaoré en voiture, qu’il y ait eu à ce moment-là des difficultés et des risques de confrontation, que les forces spéciales françaises soient alors intervenues par un hélicoptère, avance le chercheur. Il faut savoir que la seule logistique disponible en terme d’exfiltration était la logistique française, puisque les forces spéciales sont présentes actuellement à Ouagadougou. Et donc, soit c’était les Américains, soit c’était les Français. »
D’après Philippe Hugon, la France ne voulait pas être responsable de cette exfiltration et que ce sont les difficultés du transport terrestre qui l’ont forcée à procéder à une évacuation aérienne. « Il y a sûrement eu également intervention d’un certain nombre de chefs d’État africains et donc, la France a accepté de participer à cette exfiltration », hasarde le chercheur. Une intervention qui, selon Philippe Hugon, ne contribue pas à donner aux jeunes de la place de la Révolution une image positive de la France.
Quelque 3 500 Français résidents au Burkina Faso – la plus importante communauté étrangère dans ce pays –, une quarantaine de filiales d’entreprises françaises y sont présentes dans la plupart des secteurs de l’économie, et Paris est son principal bailleur de fonds. En outre, le Burkina est une pièce importante dans le dispositif militaire de lutte antiterroriste au Sahel Barkhane.

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