L’Egypte votera enfin sa constitution

05-12-2013 02:05 PM

Karim Felli


Le 1er décembre, un projet de nouvelle constitution était adopté par le Comité des 50 chargé de sa rédaction. Les membres de ce comité furent soigneusement choisis.

 
 Ils représentent l’Église, Al-Azhar, la société civile, l’armée, la police, les syndicats et le parti salafiste Al-Nour, farouchement anti-Frères musulmans. Effectivement, c’est une représentativité globale de la société égyptienne. Le résultat est un projet de constitution qui rétablit l’Etat. 
 
A la Chambre haute du Parlement égyptien, le vote sur le projet de Constitution s’est passé comme un concert de musique classique. Amr Moussa, était parfait en chef d’orchestre. Deux jours, samedi et dimanche, ont suffi pour valider les 247 articles. La Commission constituante d’Egypte a approuvé le projet de Constitution cinq mois après la destitution de l’ancien président Morsi.
Amr Moussa, président de la Commission constituante composée de 50 membres, a annoncé que le projet de Constitution a été remis mardi au président par intérim Adly Mansour. Plus tôt dimanche, certains articles controversés du projet de la Constitution n’ont pas pu obtenir suffisamment de votes pour approbation. Un amendement a dû être apporté à ces articles relatifs au régime électoral, aux élections présidentielles et législatives, et à la représentation des jeunes, ainsi qu’aux agriculteurs et aux chrétiens.
L’Egypte a suspendu la Constitution de 2012 à la suite de la destitution de Morsi au début de Juillet. Une feuille de route qui comprend la rédaction d’une nouvelle Constitution a été établie. Le 8 juillet, Mansour a annoncé cette feuille de route sur le processus de rédaction de la nouvelle Constitution, ainsi que sur l’organisation d’un référendum concernant la nouvelle Constitution.
 
Participation au référendum
Le président par intérim Adly Mansour a désormais un mois pour annoncer un référendum sur la nouvelle Constitution, selon le calendrier de transition. Après avoir remis le texte adopté par la commission, son président, l’ex-patron de la Ligue arabe Amr Moussa, a appelé lors d’une conférence de presse “tous les Égyptiens à participer au référendum et à voter “oui”, ajoutant que l’Égypte fait face à une sédition dangereuse à laquelle il faut absolument mettre un terme. L’Égypte est de fait entrée dans un engrenage de violence après la destitution de Morsi.
Le référendum constitutionnel est la première étape de la feuille de route encadrant la transition qui doit se poursuivre avec des élections législatives et présidentielle. Le texte final du projet de Constitution ne précise pas quel scrutin aura lieu le premier, laissant à Mansour le soin de trancher cette question. Selon Moussa, le président par intérim “prendra dans les prochaines semaines les mesures nécessaires” à ce sujet.
 
Feuille de route
Selon la feuille de route, un référendum sur la Constitution doit se tenir avant la fin de l’année, mais des responsables ont indiqué récemment qu’il était plus probable que le scrutin se tienne en janvier. La commission constituante avait rejeté un article du projet de Constitution fixant le calendrier pour les élections parlementaires et présidentielle.
L’article reformulé stipule que les procédures pour la première élection doivent commencer au moins 30 jours après l’adoption de la Constitution et au plus tard 90 jours après. Les procédures pour l’autre élection doivent commencer dans les six mois suivant le référendum, ajoute le texte, sans préciser quel sera le premier scrutin.
De sa part, le Premier ministre Hazem Al-Beblaoui, a affirmé que l’achèvement de l’avant-projet de Constitution était un exploit très important au cours de cette phase que traverse le pays. Cette Constitution, fruit de concertations, de désaccords et de longs débats, est un pas principal sur la bonne voie, a affirmé Al-Beblaoui. Il a fait état de parties qui ne voulaient pas que le pays traverse en paix cette phase critique actuelle. Le gouvernement s’efforce de faire savoir au citoyen son devoir de vote sur la Constitution, a-t-il dit, faisant état d’efforts concernant les procédures de sécuriser les bureaux de vote et les superviseurs, outre les efforts déployés par des partis politiques pour sensibiliser les citoyens au processus de référendum.
 
Avancées
La nouvelle constitution aura-t-elle le même succès lors du référendum qui doit valider ce processus fin décembre ou début janvier? Les droits et libertés progressent. La liberté de croyance devient “absolue” – une nouveauté depuis la Constitution de 2012, votée par les Frères musulmans.
L’article 6 interdit la formation de partis politiques sur des bases religieuses. Ceci bloque le retour des Frères musulmans sous leur précédente forme politique de l’éphémère Parti de la liberté et de la justice. Il pourrait en être de même pour le parti salafiste Al-Nour.
Surtout, l’article 219 de l’ancienne Constitution a disparu. Celui-ci, introduit sous la pression des salafistes, a été supprimé. Il définissait les principes de la loi islamique et par là même les conditions de son interprétation. C’est peut-être pour cela que Bassem Al-Zarqa, le vice-président d’al-Nour et l’un des rares islamistes dans le comité de rédaction de la Constitution, était absent de la photo de famille finale.
Selon Zaid Al-Ali, conseiller en droit constitutionnel, la future Constitution égyptienne “s’inscrit dans la même tradition que les textes de 1971 et 2012, mais comporte des avancées considérables”. Par exemple, l’égalité femmes/hommes est réaffirmée: la Constitution précédente n’évoquait que la non-discrimination entre les sexes. La torture est proscrite. Et, pour la première fois, le document fait référence aux conventions internationales des droits de l’Homme. L’article 2 qui stipule que la charia est la principale source de législation a été conservé, mais la définition des principes de la loi islamique dans l’article 219 a été supprimée. Les laïcs et les libéraux voulaient que l’État soit défini comme “civil”. Ce mot est employé dans le monde arabe pour ne pas dire “laïque”, trop souvent compris comme “mécréant”. Les salafistes n’en voulaient pas. Finalement, l’accord s’est fait sur la définition de l’Égypte comme étant un “État démocratique moderne dont le gouvernement est civil”.
 
Prochaines élections
Les seuls articles rejetés puis modifiés concernent les prochaines élections. Le 229 et 230, d’abord: “Pour renforcer la légitimité de l’Assemblée du peuple, beaucoup de membres du comité de rédaction voudraient que l’élection présidentielle se tienne avant les législatives”, explique Mohamed Salmawy, le porte-parole du comité de rédaction. Contrairement à la feuille de route adoptée après la destitution de Morsi, qui stipulait l’inverse. Du coup, les articles 243 et 244, sur la représentation des minorités et le mode de scrutin, seront précisés par le prochain président.
Autre point marquant de la nouvelle Constitution: elle renforce le pouvoir militaire indépendant. L’article 234 prévoit que dans les huit années à venir, le Conseil suprême des forces armées aura le pouvoir de nommer le ministre de la défense. Habituellement, ce choix était dévolu au chef d’Etat-major. Cet article permettra au général Abdel Fattah Al-Sissi de rester au poste de ministre de la Défense et commandant en chef des forces armées pour les deux prochains mandats présidentiels. Sauf s’il décide de se présenter à l’élection présidentielle. Pour Amr Moussa, président du Comité des 50 qui a rédigé le texte: “Il n’est pas question d’octroyer l’immunité au ministre de la Défense. Il s’agit de défendre les intérêts nationaux alors que les forces armées sont engagées dans une bataille féroce contre le terrorisme”.
Les civils pourront toujours être jugés par des tribunaux militaires, comme sous le régime d’Hosni Moubarak. “Les citoyens ne peuvent être traduits devant une cour martiale qu’en cas d’attaque directe contre des bâtiments, contre du personnel mobilisé ou pour violation du secret militaire”, a expliqué Mohamed Abla, membre du Comité des 50, représentant des artistes.
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