Avec les “Internationales de la Guitare” de Montpellier Talaal El Singaby se réjouit d’avoir apporté depuis 15 ans à son pays d’adoption un peu de “culture autrement”, dans cette région de Languedoc-Roussillon selon lui “la plus guitare de France”.
Organisée de samedi dernier au 15 octobre, la 16e édition du festival accueillera notamment Sanseverino, Paco Ibanez, Anna Calvi, Saul Williams, Renan Luce ou Aaron.
L’idée de ce rendez-vous, devenu incontournable, est née un peu par hasard au sein de l’association “Confluences”, fondée en 1993 par El Singaby, professeur d’économie et de sciences politiques à l’Université de Montpellier.
L’ambition de l’association était de défendre les droits fondamentaux des citoyens. Mais pour cet homme d’origine égyptienne, c’était aussi le moyen de rendre une partie de ce que son pays d’accueil lui avait apporté depuis son arrivée en 1975.
Né en 1948 à Tanta, centre névralgique du chemin fer égyptien, à 80 km au Nord du Caire et 120 km au sud d’Alexandrie, Talaal El Singaby vient d’une famille aisée de sept enfants.
Mais cet intellectuel, marié à une Italienne, d’abord chercheur à la banque centrale égyptienne puis inspecteur des finances, souffrait dans son pays “de l’absence de liberté”, “, raconte-t-il.
Se croyant inscrit sur une liste noire, il profite d’une escale à Rome lors d’une mission aux Etats-Unis pour disparaître. Et réapparaître à Montpellier. “Tout devait me conduire aux Etats-Unis. Mais c’était tout ce que je détestais: la guerre au Vietnam, le soutien à Israël, l’assassinat du Che”, dit-il.
Clapton et Ben Harper
Ce contestataire ne parlait pas français mais se sentait d’autant plus francophile qu’il y a “une vraie culture française en Egypte: les films sont sous-titrés en français, il y a le code napoléonien et les femmes de l’intelligentsia égyptienne parlent français”.
“Pour un gauchiste révolutionnaire comme moi, la France c’était le paradis, avec un peuple frondeur, Robespierre, Saint-Just et Mirabeau. La France, c’était Henry Curiel, le fondateur du PC égyptien”, ajoute-t-il, affirmant aujourd’hui que “la France c’est mon pays comme l’Egypte est mon pays”.
Quinze ans plus tard, El Singaby est heureux d’apporter “une culture autrement”. Et s’il a choisi la guitare, ce n’est pas parce qu’il en joue lui-même mais simplement parce que le Languedoc-Roussillon est la “région plus guitare de France”, dit-il.
“Il y a une concentration de guitaristes, de Brassens aux Gipsy, 4.000 élèves, 500 profs, 25 luthiers (180 en France)”, souligne celui qui a su créer un public de guitare, pour la musique tzigane ou le flamenco, grâce à ses règles de programmation: “apporter un plus: création et risques avec les artistes”.
C’est le sens de cette 16e édition, dont le menu sera copieux avec quatre créations, et en particulier le concert événement de clôture d’Aaron après la sortie du nouvel album du groupe français, plus acoustique et intimiste, et plusieurs raretés comme la venue en France de Divine Comedy et son leader Neil Hannon.
Pour ce deuxième festival de la région derrière celui de Radio France en juillet, quelque 100.O0OO spectateurs sont attendus dans 22 villes, pour 280 événements gratuits et 60 concerts payants ainsi que le plus grand salon de luthiers de guitares de France.
“Nous sommes un festival indépendant”, insiste M. El Singaby, qui se souvient du premier, en 1996, avec “12.000 F de budget (1.829€) et 400 spectateurs” (trois concerts). Depuis, de Joan Baez à Patti Smith, les plus grands sont venus. Manquent encore Ben Harper ou Eric Clapton. Des négociations sont en cours pour la saison prochaine.
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